Ils appellent à mettre fin au déni : Les historiens français et algériens battent en brèche les thèse françaises
Les Algériens ont commémoré hier le 77ème anniversaire des massacres du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata avec une conviction de plus en plus profonde que la France a commis des massacres qu’elle devra, un jour ou l’autre, reconnaître. Malgré les réticences et le déni de vérité, la reconnaissance est inéluctable car les travaux de recherche des historiens spécialisés dans cet épisode plaident tous pour le caractère criminel de la répression systématique de l’armée française des manifestations du 8 mai 1945. De nombreux historiens en parlent justement à cette occasion et confirment à l’unanimité cette thèse qui affirme que l’armée coloniale avait commis des massacres.
« Les opérations militaires dépassèrent la simple activité de répression. Il y eut donc dans cette région, une véritable guerre contre des civils très faiblement armés qui dura jusqu’au 24 mai », affirme l’historien Jean-Pierre Peyroulou, qui conforte la thèse d’autres historiens qui assurent que la répression était aveugle, c’était un grand massacre. L’armée française et de nombreuses milices coloniales composées de civils d’origine européenne ont fait des dizaines de milliers de victimes arrêtées, torturées et exécutées sommairement. L’éditeur et analyste politique, Nils Andersson, a, quant à lui, appelé à « mettre fin au déni », notamment les massacres du 8 mai 1945, tout en déplorant d’ailleurs qu’après 77 ans, ces massacres « restent un déni qui recouvre également les huit ans de guerre menée par l’Algérie, indissociable du 8 mai 1945″. Un déni, ajoute-t-il, qui « n’est pas dû à une méconnaissance des faits » puisqu’un « grand nombre de témoignages de victimes, d’acteurs ou de témoins relate les moyens utilisés en 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata ».
Pour sa part, l’enseignant à l’Université « Ziane Achour » de Djelfa, M. Maghdouri a, dans une déclaration faite à l’APS, affirmé que « le terme désignant les évènements du 8 Mai en tant qu’expression courante pour décrire la tragédie dans plusieurs textes historiques, interpelle les historiens quant à la nécessité d’œuvrer pour reproduire un discours historique puisant sa terminologie de l’école d’histoire nationale, relançant le débat général autour de la culture historique prédominante et ravivant la mémoire en permanence ». Pour lui, le colonialisme « a monopolisé l’écriture de l’histoire de l’Algérie et a produit un discours historique contournant les vérités et les véritables sens et concepts dans le cadre de la thèse de l’Algérie française ». Du côté algérien, ajoute le même spécialiste, le concept de l’Algérie nouvelle « implique dans le cadre de la guerre de mémoire, la création de sites de mémoire par l’élargissement des musées nationaux, l’établissement des maisons d’archives, l’enrichissement des bibliothèques nationales et la consécration de la commémoration des évènements et des personnalités ».
Enfin, pour M. Maghdouri, la guerre avait fait ressortir « une panne chronique du système colonial français en Algérie, et a traduit non seulement la prise de conscience nationale crescendo avec la création des Amis du manifeste et de la liberté (AML) en 1944, mais aussi l’état de confusion qui a tourmenté l’administration d’occupation ayant profité d’une circonstance idoine, le 8 mai 1945, pour faire avorter l’idée de l’indépendance, avant de recourir à un récit idéologique justifiant le crime par des allégations politiques fabriquées aux dépens de l’histoire et au détriment de la mémoire ».
Kamel Nait Ameur