Souveraineté économique : Au-delà des hydrocarbures
Symbole du recouvrement de la souveraineté nationale, la date du 5 juillet appelle à se remémorer la fin de l’une des périodes les plus sombres de notre histoire, celle d’un colonialisme barbare qui n’a pas hésité à recourir à tous les moyens dans son œuvre de destruction du peuple algérien, de son histoire, de son identité, mais aussi de son économie. Et en cela, le 5 juillet 1962 symbolise d’abord un départ. L’Algérie qui a recouvré son indépendance a lancé un processus dont l’objectif et d’élargir cette souveraineté politique enfin retrouvée, à la souveraineté médiatique et culturelle, mais elle a surtout œuvré à recouvrer sa souveraineté économique, car il n’y a nulle souveraineté sans indépendance économique.
Cela passait tel que consigné dans la Charte de Tripoli de juin 1962 par la mise en place d’une économie socialiste en lieu et place de «l’économie colonialiste» qui avait totalement déstructuré l’économie algérienne en faisant de l’Algérie une source de matières premières et un débouché pour les produits manufacturés.
Ce fut une œuvre de refondation qui fut engagée au lendemain de l’indépendance et dont la clé de voûte a été la création de la Sonatrach, le 31 décembre 1963.
Sonatrach pilier de la souveraineté économique
La création de la Sonatrach signait le début d’un processus dont la finalité a été le rétablissement de la souveraineté sur les richesses nationales. Ce qui n’était pas acquis en raison de l’accord de principe sur la coopération algéro-française pour la mise en valeur du sous-sol saharien annexé aux Accords d’Evian du18 mars 1962 et qui sauvegardait les droits acquis par la France. Dès juin 1963, une politique pétrolière nationale a été proposée mais ce sera le conflit autour de la réalisation d’un troisième oléoduc vers Arzew qui amorce le processus, la Sonatrach ayant été créée pour prendre en charge dans un premier temps les activités de transport par canalisations. Un processus qui s’est accéléré durant la présidence du défunt Houari Boumediène dont la politique a permis d’élargir les activités de la Sonatrach aux concessions minières, en juillet 1965 et la nationalisation des sociétés de distribution en 1967. Un processus qui trouvera son point d’orgue avec la nationalisation des hydrocarbures en février1971. C’est un tournant, dans la mesure où Sonatrach et le développement du secteur des hydrocarbures devenaient le fer de lance, la locomotive d’un processus de transformation devant conduire à la diversification économique grâce au lancement des plans triennaux et quadriennaux, la réalisation de grands complexes industriels dans le cadre des politiques d’industrie industrialisante, une politique de transformation de l’agriculture dans le cadre de la révolution agraire, et la création enfin d’une industrie pétrochimique dans le cadre du plan Valhyd. Des politiques qui ont parachevé un processus entamé par la création de la monnaie nationale au lendemain de l’indépendance, et les grandes nationalisations notamment dans le secteurs de la banque et des assurances au milieu des années 60.
Le renouveau après la déstructuration
Un processus qui a été stoppé net au lendemain de la disparition du président Houari Boumédiène et qui a laissé place à processus de déstructuration progressif d’un tissu industriel réalisé au prix d’un important endettement. Le contre-choc pétrolier de 1986 a fini par plonger l’économie nationale dans une crise profonde. Une crise économique liée à une crise de l’endettement qui amené l’Algérie à négocier un plan de restructuration avec le FMI et se voir imposer une ouverture économique à marche forcée, en plus d’une importante dévaluation du dinar. Et à la place d’une économie de marché, l’Algérie a hérité d’une économie de bazar qui a accéléré la déstructuration industrielle et a inversé le processus de diversification.
La hausse des cours du pétrole au milieu des années 2000 n’a pas permis, en ce sens, d’initier un processus de redressement. Les politiques keynésiennes menées alors ont mis la dépense budgétaire et l’investissement publics au cœur de la croissance, sans que cela ne se traduise par un effet d’entrainement sur les activités industrielles. Au-contraire, ces politiques ont aggravé la dépendance au baril et aux marchés extérieurs. La facture à l’import a explosé, tandis que les pratiques délictuelles à l’image des fausses déclarations, les surfacturations et la corruption se sont généralisées.
Aujourd’hui que nous célébrons le soixantenaire de l’indépendance, la question du redressement économique est plus que jamais au cœur des défis que l’Algérie doit relever. Certes, le contexte actuel est favorable. La crise en Ukraine a non seulement induit une flambée des prix des hydrocarbures sur les marchés internationaux, mais a aussi mis en avant l’avantage stratégique des pays producteurs de gaz comme l’Algérie. La Sonatrach est plus que jamais aux devants de la scène en tant que locomotive de la souveraineté économique de l’Algérie. Un fait que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a tenu à souligner, il y a quelques jours depuis Oran.
Au-delà, il s’agit de relever le défi de la diversification et de l’ouverture économique, en garantissant le caractère social de l’État algérien, inscrit en lettres indélébiles depuis la Charte de Tripoli.
Le défi du redressement
Les politiques menées pour insuffler une dynamique nouvelle dans le secteur de l’agriculture, notamment l’agriculture saharienne, les ambitions affichées pour la valorisation des ressources minières, les mesures prises pour booster le secteur de l’industrie, les politiques menées pour consolider l’intégration commerciale africaine, et les réformes projetées dans les domaines de l’investissement, du partenariat public-privé et dans le secteur financier entrent toutes dans ce cadre. D’ailleurs, le Président Abdelmadjid Tebboune a tenu à souligner hier, sur la revue El-Djeich que l’Algérie « s’est résolument engagée dans une démarche de redressement global », reposant sur des « actions mesurées et minutieusement réfléchies, en vue de rétablir la crédibilité des institutions de l’Etat et la confiance du peuple envers elles pour pouvoir, ainsi, relever les défis sur les plans économique et social ».
C’est ainsi que des réformes ont été mises en œuvre afin de « redynamiser l’économie nationale, en accélérant son développement et en diversifiant nos exportations hors hydrocarbures, ce qui aura un impact positif sur le volet social », a soutenu Tebboune, rappelant que cette démarche « s’inscrit en droite ligne de l’engagement qu’il a pris concernant la préservation du caractère social de l’Etat, quelles qu’en soient les circonstances, et ce, conformément aux principes de la Révolution et à la Déclaration du 1er Novembre ».
Les défis sont connus, les politiques ont été formulées et les objectifs fixés. Ne reste que la concrétisation du processus de renouveau économique.
Samira Ghrib