Accord russo-ukrainien sur les céréales : Les premiers écueils
Moscou et Kiev ont finalement trouvé un accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes via la Mer noire au prix d’intenses négociations et d’une médiation turque. Une annonce qui a vite été suivie d’une baisse des prix des matières premières. Cependant, l’accord fait face aux premiers écueils. Au moment où Moscou a dénoncé les tentatives de Kiev de torpiller l’accord, le bombardement, hier, du port d’Odessa ouvre la voie à de nouvelles difficultés.
De nombreux pays, notamment africains, ont poussé un grand ouf de soulagement vendredi après l’annonce d’un accord entre la Russie et l’Ukraine pour l’exportation des céréales stockées au niveau du port d’Odessa via la Mer noire. Un accord qui a été signé par chacun des belligérants séparément avec la Turquie et les Nations unies. Un accord qui va permettre de 25 millions de tonnes de céréales ukrainiennes via les ports d’Odessa, Pivdenny et Tchornomorsk, sur 120 jours. Un accord qui a été possible après la levée des sanctions américaines et européennes sur les exportations russes de céréales et d’engrais, tandis qu’Ankara s’est engagée à contribuer au déminage de la Mer noire.
L’accord signé sous l’égide de l’ONU, avec une médiation turque, a été très bien accueillis y compris par les marchés, avec une baisse des prix des céréales. Sur Euronext, la tonne de blé livrable en septembre a terminé, la semaine de cotation vendredi , à 325 euros, perdant 25 euros en une seule séance. Comparé au plus-haut historique, à 438 euros la tonne, atteint mi-mai, le recul est de près d’un quart du prix total. Même tendance à Chicago, où le boisseau de blé se négociait à 7,70 dollars (environ 7,50 euros), en repli de plus de 40 % par rapport à son pic de mars. « Les stocks de blé de la moisson 2021 sont estimés entre 6 et 6,5 millions de tonnes en Ukraine et le double en Russie », précise Nathan Cordier, du cabinet Agritel. A cela va s’ajouter le fruit des moissons en cours. « La récolte a bien débuté en Ukraine, elle pourrait être comprise entre 20 et 22 millions de tonnes », pronostique-t-il. La Russie de son côté pourrait engranger cet été entre 88 et 91 millions de tonnes de blé.
Une bonne nouvelle pour de nombreux pays qui sont sous la menace d’une crise alimentaire, particulièrement en Afrique. Ainsi, le président de l’Union africaine s’est félicité de l’accord. L’ONG International Rescue Commitee (IRC) a également salué une «première étape vers l’atténuation de la crise alimentaire mondiale». Même son de cloche du côté de l’UE qui a également évoqué la possibilité « d’aider » au transport des céréales ukrainiennes.
Cependant, la problématique demeure entière. Car rien n’est encore joué et l’accord reste soumis au respect par les deux parties de leurs engagements. Ainsi, le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov s’est insurgé contre ce qu’il considère être des « tentatives de Kiev » afin de tuer dans l’œuf l’accord céréalier. Or, c’est le bombardement du Port d’Odessa qui reflète au mieux les écueils que l’accord devra dépasser.
En effet, des missiles ont visé hier le port d’Odessa, sur la mer Noire. Kiev a immédiatement accusé Moscou d’avoir visé une usine de traitement de céréales, sur le port d’Odessa. Pour sa part, la Russie a nié auprès d’Ankara toute implication dans ces frappes : « Les Russes nous ont dit qu’ils n’avaient absolument rien à voir avec cette attaque et qu’ils examinaient la question de très près », a affirmé Hulusi Akar, le ministre turc de la Défense.
Aux tensions géopolitiques persistantes, les marchés des produits alimentaires demeureront sous la pression de la sécheresse qui affecte les récoltes aussi bien en Europe, en Inde qu’en Amérique du Nord, mais aussi aux pressions inflationnistes alimentées par les perturbations des chaines logistiques et du découplage de l’économie mondiale.
Chokri Hafed