Tensions entre Paris et Rabat : Les nouveaux calculs maghrébins de l’Élysée
La France semble bien décidée à revoir sa vision et son approche par rapport au traitement réservé au Maghreb en général. L’approche tant maintenue avec le Maroc au détriment des rapports gagnant/gagnant avec l’Algérie, ne peut plus servir ses intérêts stratégiques qui sont réellement menacés à cause des transformations géopolitiques qui impactent le monde en général et l’Europe en particulier.
Une véritable crise s’annonce entre Paris et Rabat. Moult raisons sont derrière ce froid dans les relations entre les deux pays. Motif officiel des tensions, la question des visas. La France a réduit de manière drastique la délivrance des visas aux Marocains. Une réduction des visas que Paris inscrit dans le cadre de la démarche de réduction de visas aux Maghrébins pour forcer « plus de coopération » en ce qui concerne les questions d’immigration. Un discours destiné à répondre à certains calculs de la Macronie qui drague l’électorat de droite.
Cependant, d’autres facteurs alimentent le malaise avec le Maroc. Car si la France a réduit de 50% le nombre de visas délivrés aux Maghrébins, ce taux passe à 70 % pour les Marocains. La question des visas est devenue le symptôme de tensions profondes entre l’Élysée et le Makhzen, allié de choix de la France au Maghreb. Des tensions qui ouvrent, peut-être, la voie à une réinterprétation de la politique maghrébine de l’Élysée.
Les analyses évoquent plusieurs motifs qui pourraient expliquer ce froid. L’affaire Pegasus en est la goutte qui a fait déborder le vase. Cette affaire scandaleuse a fait réagir, même si celle-ci avait été étouffée par les autorités françaises. L’espionnage des mandarins et les hommes d’Etat français a vite fait de provoquer y compris le président de la République française, Emmanuel Macron, qui lui-même était victime de l’espionnage par l’opération Pegasus. Depuis cette affaire à nos jours, les choses ne vont pas bon train entre le régime marocain du Makhzen et Paris. Le ton a changé du côté français.
Au-delà, ce froid semble être le résultat des nouveaux calculs de l’Élysée à l’aune des mutations qui frappent de plein fouet l’Europe à travers ce qui se déroule comme conflit en Ukraine et ses répercussions. Les dernières décisions qui concernent la limitation d’obtention de visas pour les Marocains par la France sont déjà un début d’une tension entre Rabat et Paris. Ces décisions commencent à produire des effets néfastes au sein du Maroc où un nombre très important de demandeurs de visas a vu ses demandes rejetées mordicus. La France semble bien décidée à revoir sa vision et son approche par rapport au traitement réservé au Maghreb en général. L’approche tant maintenue avec le Maroc au détriment des rapports gagnant/gagnant avec l’Algérie, ne peut plus servir ses intérêts stratégiques qui sont réellement menacés à cause des transformations géopolitiques qui impactent le monde en général et l’Europe en particulier.
L’enjeu gazier et énergétique en général fait rappeler à la France qu’il n’y a que l’Algérie qui pourrait assurer l’approvisionnement de l’Europe et la France en gaz. Cette nouvelle donne géopolitique a poussé l’establishment français à revoir de fond en comble sa copie quant à sa relation stratégique avec l’Algérie. Les intérêts stratégiques passent avant toutes autres démarches de conjoncture. C’est la raison pour laquelle la France cherche à se positionner dans une nouvelle approche de ses relations avec l’Algérie qu’elle cherche à vendre en prévision de la prochaine visite du président français Emmanuel Macron en Algérie. Une visite où nombre de dossiers devront être examinés pour apaiser les tensions entre Alger et Paris, en tête celui de la mémoire et de la circulation des personnes qui empoisonnent les rapports entre les deux pays. Une visite au cours de laquelle Macron cherchera à exposer certaines de ses priorités, notamment sur le plan économique et énergétique, mais aussi en Afrique, au Sahel particulièrement où la France perd pied. En ce sens, l’Algérie qui est un acteur incontournable dans la région, est de facto le partenaire privilégié à courtiser.
Une question se pose alors, quelle place reste-t-il pour le Maroc dans les nouveaux calculs géopolitiques de Paris ? Bien que le Makhzen se soit toujours attelé à servir les agendas externes dans la région et qu’il se soit autoproclamé partenaire privilégié de l’Europe en ce qui concerne les questions liées à l’immigration, le régime vacille et multiplie les bévues.
Le régime marocain qui fait face à une des plus graves crises politique, économique et sociale de son histoire, est menacé d’isolement et d’implosion de l’intérieur à cause des manifestations et la mobilisation populaire qui ne faiblit pas pour exiger le départ pur et simple du régime du Makhzen qui est responsable de cette situation kafkaïenne dans laquelle est empêtrée la majorité du peuple marocain.
Rachid Nassouti