Volatilité des prix des matières premières et incertitude mondiale : Le FMI recommande à l’Algérie de resserrer son budget
Une délégation du Fonds monétaire international conduite par Geneviève Verdier vient de conclure une visite pour des consultations au titre de l’article VI en Algérie au cours de laquelle elle a eu des entretiens avec plusieurs hauts responsables et membres du Gouvernement. A l’issue de cette visite, les services du FMI ont publié hier une note portant leurs conclusions préliminaires. Des conclusions qui soulignent l’amélioration des perspectives à court terme de l’économie nationale grâce à l’envolée des prix des hydrocarbures mais aussi la persistance de vulnérabilités à certains facteurs comme l’inflation et la volatilité des cours des hydrocarbures, lesquelles vulnérabilités nécessitent des réajustements. C’est dans ce sens que l’institution de Bretton Woods recommande poursuite des réformes structurelles pour garantir diversification économique et stimulation du marché de l’emploi, resserrement de la politique monétaire pour contenir l’inflation, mais souligne aussi la nécessité d’un rééquilibrage budgétaire pour protéger les finances publiques et considère la hausse des dépenses budgétaires en 2023 dans un contexte de volatilité des prix des hydrocarbures comme un risque à considérer. La note du FMI précise que « la remontée des prix des hydrocarbures contribue à la reprise de l’économie algérienne après le choc pandémique ». Chiffres à l’appui, le document explique que « les importantes recettes exceptionnelles issues des hydrocarbures ont atténué les pressions sur les finances extérieures et publiques. En 2022, le solde du compte courant devrait enregistrer son premier excédent depuis 2013, et les réserves internationales sont passées à 53,5 milliards USD en septembre contre 46,7 milliards USD en 2021 ». Et d’ajouter que la hausse significative des exportations hors hydrocarbures a également contribué à cette amélioration. Ainsi, un excédent budgétaire est attendu en 2022 grâce à des recettes plus élevées et à une exécution des dépenses inférieure aux prévisions. Selon le FMI, la reprise après le choc pandémique se poursuit, la croissance du PIB hors hydrocarbures devant s’accélérer pour atteindre 3,2 % en 2022, contre 2,1 % en 2021. « Cela marquera une reprise de la majeure partie de la perte de production due au choc pandémique, bien que des cicatrices durables sur le marché de la main-d’œuvre et la croissance à moyen terme restent des risques », note le document.Et d’ajouter que pour 2023, le compte courant est projeté en excédent, les revenus élevés des hydrocarbures compensant une reprise des importations.
Une inflation à 9,4%
L’institution de Bretton modère cependant l’optimisme estimant que si les perspectives à court terme sont favorables, celles-ci sont fortement tributaires des prix des hydrocarbures. Elle souligne aussi les risques liés aux pressions inflationnistes.
« Comme dans de nombreux autres pays, l’inflation s’est considérablement accélérée et constitue une préoccupation majeure. Le taux d’inflation annuel moyen a oscillé autour de 9,4 % ces derniers mois, un niveau jamais vu depuis 25 ans », indique le Fonds qui précise que bien que la Banque d’Algérie a pris des mesures pour contrôler les pressions sur les prix, « la politique monétaire est restée accommodante ». Le FMI ajoute que « la croissance devrait s’accélérer et l’inflation ralentir, mais rester supérieure à 8 % en moyenne dans un contexte d’assouplissement de la politique budgétaire en 2023 ». D’ailleurs la mission du FMI considère que « la forte dépendance continue à l’égard des revenus des hydrocarbures et l’augmentation considérable prévue des dépenses en 2023 soulèvent des risques importants pour les finances publiques dans un contexte de forte volatilité des prix des matières premières et d’incertitude mondiale exceptionnelle ». Celle-ci recommande d’ailleurs un ajustement budgétaire bien équilibré pour « freiner les pressions inflationnistes, reconstruire l’espace politique et stabiliser la dette publique ». « Un cadre budgétaire à moyen terme pourrait orienter les efforts d’assainissement, réduire la procyclicité des politiques et protéger les dépenses prioritaires. Des mesures bien ciblées devraient être utilisées au besoin pour soutenir les ménages à faible revenu », ajoute le rapport des services du FMI.
Progrès des réformes fiscales et budgétaires
Sur un registre plus positif, l’institution de Bretton Woods a salué les progrès réalisés en matière de réformes fiscales, notamment dans les domaines de la fiscalité et de la gestion des finances publiques. Le fonds recommande aussi « une intégration plus forte entre les plans de dépenses et la stratégie de financement du gouvernement dans le cadre du processus d’élaboration du budget et la diversification des sources de financement pour permettre une mise en œuvre progressive de l’assainissement budgétaire ».
Il recommande aussi un resserrement de la politique monétaire pour maîtriser l’inflation. « Les risques d’enracinement d’ une inflation élevée appellent une normalisation progressive de la politique monétaire . La prochaine révision de la loi sur la monnaie et le crédit vient à point nommé pour renforcer le cadre de gouvernance de la Banque d’Algérie et conforter son indépendance. A cet égard, la mission salue l’engagement du gouvernement à ne pas recourir au financement monétaire », note-il. Le FMI souligne aussi que le système bancaire a résisté à des chocs répétés ces dernières années, « mais sa santé financière mérite qu’on s’y attarde ». « Le resserrement des liens entre les bilans de l’État, des entreprises publiques et des banques publiques pourrait présenter des risques pour la stabilité financière et la viabilité de la dette », explique-t-il. Il recommande dans ce sens de vastes réformes du secteur financier pour « renforcer la gouvernance et les modèles commerciaux des banques publiques, améliorer la capacité de surveillance, débloquer les prêts au secteur privé et favoriser l’inclusion financière ».
Samira Ghrib