Collectivités locales : « Un projet ambitieux pour réduire les inégalités »
Les autorités du pays ont mis l’accent sur le développement des collectivités locales, avec comme objectif entre autres la réduction des inégalités entre régions.
Hier, à l’ouverture de la 5e conférence annuelle du Réseau pour la recherche en Administration Publique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENAPAR), le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Brahim Merad, a rappelé ce qui a été fait jusque-là dans le pays, notamment depuis 2020 avec le programme spécial concernant les zones d’ombre. Il a, en outre, donné un aperçu sur la démarche adoptée par l’Algérie afin de développer les collectivités locales. La veille, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait « mis l’accent sur la nécessité de poursuivre la réforme du secteur des collectivités locales ».Le ministre de l’Intérieur a donc indiqué, lors de son intervention lors de cette conférence organisée par l’Algérie à l’Ecole nationale d’administration (ENA), à Alger, sous le thème « territoires, digitalisation et développement local : synergies et perspectives », qu’ « avec la politique actuelle, une place plus importante est accordée pour les collectivités locales qui bénéficient désormais d’un plus important soutien financier ». Ce qui, d’après lui, s’est traduit notamment à travers « la révision des codes de wilaya et de la commune », de sorte à ce que ces derniers correspondent « à la nouvelle vision de l’Etat en matière de gestion ». Des changements dans la législation qui vont garantir le « passage à une gestion publique basée sur le résultat », « l’implication des élus locaux dans les projets stratégiques » ou encore « l’adoption d’une approche de la démocratie participative en impliquant la société civile ». Il a cité également le projet de « révision du plan national de l’aménagement du territoire ». Le ministre a signalé, par ailleurs, que parallèlement à cela, « l’Etat a mobilisé les moyens financiers nécessaires pour réussir le développement local via les différents mécanismes de financement ». Bien entendu, pour le ministre, il est question, entre autres, de l’usage des nouvelles technologies pour la mise en valeur des ressources territoriales.
Brahim Merad a tenu à rappeler, dans le même sens, que « le président de la République a mis en place depuis 2020 un programme spécial par rapport aux zones d’ombre et ce, afin de réduire les inégalités entre les différentes régions ». Ainsi, 12559 zones d’ombre ont été recensées à travers plusieurs wilayas du pays, a-t-il indiqué. De ce fait, 29610 projets à travers 10877 localités, nécessitant une enveloppe budgétaire de 337 milliards de dinars, ont été réalisés, au profit de 6,2 millions de citoyens. Les divers projets ont concerné des opérations de raccordement à l’électricité, le gaz, l’eau, la réalisation de centres de santé de proximité, des routes ou encore des projets relatifs aux cantines et au transport scolaire. Il a indiqué que le taux de concrétisation de ces projets a atteint 90%.
Une gestion critiquée
Si les autorités ont décidé de revoir les textes régissant le secteur, les codes de wilaya et de commune, c’est que des insuffisances ont été enregistrées. Au-delà des moyens que peut mobiliser une collectivité locale, des subventions qu’elle reçoit, notamment via le fond de solidarité des collectivités locales ou des programmes spéciaux, il y a des lacunes relatives à la gestion et au contrôle de ces finances, et d’une manière générale, à la gestion des collectivités locales. Et c’est ce qui a été relevé dans le rapport 2022 de la Cour des comptes, publié tout récemment sur son site Internet. A cet effet, la Cour des comptes, en prenant comme exemple les wilayas de Blida, Oran ou Sidi Bel Abbes, sur lesquelles elle s’est attardée dans le rapport, a évoqué, entre autres, « l’urgence de renforcer les procédures de contrôle interne » ou la nécessité de redynamiser « l’inspection générale de la wilaya ». Pour ce qui est des insuffisances, la Cour a mis l’accent sur « le lancement de commandes en l’absence d’un recensement des besoins », le « recours limité aux procédures de consultation » ainsi que « des dépenses excessives dans un contexte comptable incertain », pour ce qui est des « frais d’alimentation, fêtes et cérémonie » et des « frais d’accueil et de prise en charge des délégations ». Ceci, sachant que « la wilaya (celle d’Oran dans le rapport NDLR) ne dispose pas d’un plan de développement à moyen terme », a encore ajouté la Cour des comptes dans son rapport. « Les contrôles effectués auprès des wilayas d’Oran et de Sidi Bel Abbes montrent clairement que la gestion des budgets décentralisés et du patrimoine, n’est pas toujours menée en respect des principes de contrôle interne et des directives de rationalisation des dépenses publiques préconisées par les pouvoirs publics, d’où les multiples dérives et situations de gaspillage constatées dans l’utilisation des ressources budgétaires et des moyens de ces collectivités », lit-on encore. Dans ses recommandations, à titre d’exemple, la Cour des comptes « exhorte les gestionnaires locaux à impliquer davantage les communes et la société civile dans le choix et la définition des programmes d’équipement à réaliser ». C’est, donc, dans l’objectif de remédier à ces lacunes que les autorités ont lancé le chantier relatif à la révision des codes de wilaya et de la commune. D’ailleurs, dans la mouture de l’avant-projet de loi relative à la commune, soumise à enrichissement, le législateur a introduit de nouvelles dispositions garantissant un meilleur contrôle ou une plus importante participation citoyenne. Il est question aussi de la diversification des sources de financements de projets pour les communes y compris par voie bancaire. En dernier lieu, il est utile de rappeler que le président de la République a encore une fois évoqué le secteur des collectivités locales lors du Conseil des ministres tenu dimanche. Il avait « mis l’accent sur la nécessité de poursuivre la réforme du secteur des collectivités locales, suivant une vision globale et profonde adaptée à son programme présidentiel, d’autant que le système juridique régissant les collectivités n’est plus adapté aux grandes mutations que connaît le pays ». Il a ainsi demandé à son exécutif de « préparer des propositions viables et modernes concernant les codes de la commune et de la wilaya, étant les deux institutions constitutionnelles habilitées à gérer les collectivités locales et territoriales ».
Elyas Nour