Iran : Le procureur général annonce le démantèlement de la police des mœurs
Le procureur général iranien, Mohammad Jafar Montazeri, a annoncé que la police des mœurs a été abolie par les autorités compétentes, a rapporté hier l’agence Isna. «La police des mœurs n’a rien à voir avec le pouvoir judiciaire, et elle a été abolie par ceux qui l’ont créée», a-t-il affirmé samedi soir dans la ville sainte de Qom. Lors d’une conférence religieuse, le procureur général répondait à la question d’un participant qui lui demandait «pourquoi la police des mœurs a été fermée».
La police des mœurs était à l’origine de l’arrestation de la jeune Mahsa Amini, dont la mort en détention a provoqué une vague de contestation en Iran qui perdure depuis près de trois mois. Cette annonce, considérée comme un geste envers les manifestants, est intervenue après la décision samedi des autorités de réviser une loi de 1983 sur le port du voile obligatoire en Iran, imposée quatre ans après la révolution islamique de 1979.Connue sous le nom de Gasht-e Ershad (patrouilles d’orientation), elle a été créée en 2005 sous le président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad, pour «répandre la culture de la décence et du hijab». Elle est formée d’hommes en uniforme vert et de femmes portant le tchador noir, qui couvre la tête et le haut du corps.Elle visait à rassembler en un même corps plusieurs polices religieuses similaires, pour veiller entre autres au respect du port du hijab pour les femmes, et plus largement, au respect du code de conduite islamique et du code vestimentaire dans l’espace public iranien. Elle possédait environ 70.000 agents en 2011, auxquels se sont ajoutés 7000 agents supplémentaires en 2016 pour veiller en particulier au respect du port du voile. Des applications s’étaient répandues en Iran pour avertir les autres de la présence des patrouilles, et ainsi espérer leur échapper. Rien qu’entre 2013 et 2014, la police des mœurs avait fait poursuivre près de 18.000 femmes en justice, pour non-respect des règles islamiques en vigueur.
Le rôle de la police des mœurs a évolué au fil des années, mais il a toujours divisé, même parmi les candidats à la présidentielle. Sous le mandat du président modéré Hassan Rohani, on pouvait croiser des femmes en jeans serrés portant des voiles colorés. Mais en juillet dernier, son successeur, l’ultraconservateur Ebrahim Raïssi, a appelé à la mobilisation de «toutes les institutions pour renforcer la loi sur le voile», déclarant que «les ennemis de l’Iran et de l’islam voulaient saper les valeurs culturelles et religieuses de la société en répandant la corruption».Selon la loi en vigueur depuis 1983, les femmes iraniennes et étrangères, quelle que soit leur religion, doivent porter un voile et un vêtement ample en public. Depuis la mort de Mahsa Amini et les manifestations qui ont suivi, un nombre grandissant de femmes se découvrent la tête, notamment dans le nord huppé de Téhéran. Le 24 septembre, soit une semaine après le début des manifestations, le principal parti réformateur d’Iran a exhorté l’État à annuler l’obligation du port du voile. L’Iran, qui voit dans la plupart des manifestations des «émeutes», accuse notamment des forces étrangères d’être derrière ce mouvement pour déstabiliser le pays. Selon un dernier bilan fourni par le général iranien Amirali Hajizadeh, du corps des Gardiens de la Révolution, il y a eu plus de 300 morts lors des manifestations depuis le 16 septembre.
R.I.