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Approvisionnement de l’Europe en gaz : L’Algérie pourrait doubler ses capacités…à condition

Par le Pr. Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités-expert international directeur des études au ministère de l’Énergie et à Sonatrach 1974/1979-1990/1995-2000/2007-2013/2015

L’Algérie de doubler ses capacités d’exportation de gaz à moyen terme. Cetobjectif nécessite sept conditions et ne devrait pas avant 2025/2027. Il s’agit de l’Algérie de faire passer sa part de marché en Europe de 11% en 2021 à 20-25% à terme.

L’Algérie a produit selon le rapport de Sonatrach en 2021, 100,8 Gm3 (milliards de m³) de gaz naturel, soit 3,63 EJ (exajoules). La Sonatrach prévoit également une hausse de 2,2% de la production pour 2022. Ce volume permettra une hausse des exportations, en sus de la couverture des besoins de la consommation intérieure, en plus des volumes destinés à la réinjection dans les puits pour éviter leurs détériorations. Les normes internationales donnent exigent la réinjection de 20 à 30% de la production primaire pour préserver les puits.

 Selonles prévisions,Sonatrachprévoit que les exportations passent de 43 milliards de mètres cubes gazeux en 2021, à environ 56 m3 à la fin 2022. À terme la hausse des capacités d’exportations dépend d’un certain nombre de facteurs.

La première condition concerne l’amélioration de l’efficacité énergétique. Il s’agit d’une nouvelle politique des prix qui permette de rationnaliser la consommation. Cela nous renvoie au dossier de subventions, car le soutien aux prix de l’énergie a produit un effet pervers, celui de la stimulation d’une forte consommation intérieure presque équivalente aux exportations. Selon le P-DG de la Sonelgaz la consommation de gaz sur le réseau domestique ainsi que pour la génération électrique devrait atteindre les 50 milliards de mètres cubes en 2025  . Il devient intolérable  que l’on continue à la fois de livrer le prix du gaz  à certaines unités à 10/20% du prix international et  à construire  des millions de logements avec les anciennes techniques alors que les nouveaux procédés permettent d’économiser entre 30/40% de la consommation d’énergie.

La deuxième condition est relative à l’investissement en amont pour de nouvelles découvertes d’hydrocarbures conventionnels, tant en Algérie que dans d’autres contrées du monde. La position de l’Algérie envers l’Europe et d’autres pays est claire : la loi  nouvelle des hydrocarbures étant  attractive , Sonatrach étant limitée dans l’autofinancement,  il s’agit de redéfinir le partenariat dans une logique de partage des risques et des dividendes. Il s’agit ainsi pour les partenaires commerciaux de la Sonatrach d’investir dans le cadre d’un partenariat gagnant – gagnant  etavec pour objectif d’augmenter la production et les exportations.

La troisième condition est liée au développement des énergies renouvelables (actuellement dérisoires, moins de 1% de la consommation globale en 2021 ) devant combiner le thermique et le photovoltaïque, le coût de la production mondial ayant diminué de plus de 50% et il baissera encore plus à l’avenir. Avec plus de 3000 heures d’ensoleillement par an, l’Algérie a tout ce qu’il faut pour développer l’utilisation de l’énergie solaire. Le  ministère de l’Energieet des Mines,  a mis en place un programme qui devrait permettre, sous réserve de trouver des financements, de couvrir 40% de la consommation intérieure à partir des énergies renouvelables à l’horizon 2030  et de dégager des capacités d’électricité renouvelableà l’export via les interconnexions électriques.

La quatrième condition est liée à la capacité réelle de la concrétisation d’un objectif affiché plusieurs ministres de l’Energie entre 2013 et 2021, celui de construire la première centrale nucléaireà des fins pacifiques en 2025, pour faire face à une demande d’électricité croissante.

La cinquième condition est le développement du pétrole/gaz de schiste.Selon les études américaines, l’Algérie possède le troisième plus gisement mondial de gaz de schiste avec des réserves d’environ 19 500 milliards de mètres cubes gazeux. Mais l’exploitation de cette ressource nécessite, outre un consensus social interne, de lourds investissements, la maîtrise des nouvelles technologies qui protègent l’environnement et des partenariats avec des firmes de renom(voir dossier 9 volumes 890 pages sous la direction du  Pr A.Mebtoul,  opportunité et risques et urgence de la  transition énergétique  premier ministère 2015) .

La  sixième  condition consiste en la redynamisation du projet Galsi, Gazoduc Algérie-Sardaigne-Italie, qui devait être mis en service en 2012, d’une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux dont le coût était estimé en 2012 à 3 milliards de dollars, ayant doublé depuis ( un tracé très complexe), dossier que  j’ai défendu lors de mon déplacement  en Italie en 2010 et qui a été avorté par les élus de la Sardaigne .

La septième condition  est l’accélération de la réalisation du gazoduc Nigeria-Europe via l’Algérie, d’une capacité de plus de 33 milliards de mètres cubes gazeux.Selon les études européennes de 2020 ce projet devrait induire un coût d’ environ 20 milliards de dollars contre une estimation de 11 milliards de dollars en 2011. Il faut cependant, prendre en considération que l’avenir sera tourné vers l’hydrogène comme source d’énergie du futur 2030/2040.

En conclusion, la future stratégie énergétique affecte les recompositions politiques à l’intérieur des Etats comme à l’échelle des espaces régionaux. Les choix techniques d’aujourd’hui engagent la société sur le long terme : seul le Conseil national de l’Energie, présidé par le président de la République, est habilité à tracer la politique énergétique future du pays.

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