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Corruption au Parlement européen : Ces révélations qui enfoncent le Makhzen

De nouvelles révélations sont venues enfoncer un peu plus le Maroc dans ce qui est désormais appelé le Marocgate, ce vaste scandale de corruption au Parlement européen (PE) dans lequel plusieurs eurodéputés accusés d’avoir « roulé » pour le compte du Makhzen, en contrepartie d’importantes sommes d’argent, ont été arrêtés. L’affaire est loin d’avoir connu son épilogue puisque d’autres parlementaires européens sont dans le collimateur de la justice belge.

Dans un article intitulé « Corruption au Parlement européen : « Pier Antonio était un agent du Maroc au sein du Parlement européen’’ », publié mardi soir sur son site internet, la RTBF éclaire, avec des détails à l’appui, comment le Maroc est parvenu à mener à la baguette, autrement dit corrompre, un certain nombre de députés européens dans l’optique de les contraindre par la suite à soutenir son entreprise coloniale au Sahara Occidental.

La RTBF confirme que pour mener à bien son entreprise d’infiltration des institutions européennes et particulièrement du Parlement européen, le Makhzen s’est appuyé sur deux anciens eurodéputés socialistes, l’italien Pier Antonio Panzeri et le français Gilles Pargneaux. Au passage, la même source indique qu’à la demande de la justice belge, le Parlement européen a lancé lundi la procédure de levée de l’immunité parlementaire de deux eurodéputés, le Belge Marc Tarabella et l’Italien Andrea Cozzolino. Tous deux sont des proches de Pier Antonio Panzeri.Pour comprendre comment le Maroc a tissé sa toile au Parlement européen, la RTBF s’est rapprochée de la portugaise Ana Gomes qui a fréquenté le Parlement européen pendant 15 ans en tant que députée en même temps que Pier Antonio Panzeri et en étant socialiste tout comme lui. Elle connaît donc l’institution européenne aussi bien que sa poche. Autant dire que son témoignage est accablant. Elle dénonce ouvertement ses manigances. Tout comme Ana Gomes, la justice belge soupçonne Pier Antonio Panzeri d’être au cœur de ce scandale de corruption présumé. Il est d’ailleurs inculpé pour participation à une organisation criminelle, corruption et blanchiment d’argent.

Pier Antonio Panzeri au cœur du Marocgate

Invitée par les journalistes de la RTBF à donner son avis sur le Qatargate, Ana Gomes a répondu instantanément : « Je me suis dit tout de suite, et je l’ai dit ici deux jours après que le scandale soit connu, j’ai dit à la télévision portugaise, si ça implique Monsieur Panzeri, ce n’est pas seulement le Qatar, c’est le Maroc. Ça va venir au Maroc, c’est clair ». Selon l’ancienne eurodéputée européenne, le Maroc, comme le Qatar, est passé par Pier Antonio Panzeri pour influencer les politiques européennes. A partir de 2012-2013, elle a dit se souvenir « d’un lobby pro-marocain de plus en plus structuré au sein du Parlement européen ». « A la manœuvre, il y aurait eu deux hommes, tous les deux socialistes : un français, Gilles Pargneaux, qu’elle qualifie de vaniteux car il se présentait comme un conseiller du Roi du Maroc ; et Pier Antonio Panzeri, d’après elle, plus fin et plus malin », ajoute-t-elle.

Ana Gomes dit avoir côtoyé ce dernier pendant 15 ans dans une multitude de réunions de travail. Par exemple, au sein d’une délégation parlementaire avec des pays de la Méditerranée, au sein de la Commission Affaires étrangères du Parlement européen, ou encore dans la sous-Commission des droits de l’Homme que Pier Antonio Panzeri a présidé entre 2014 et 2019. Partout, se souvient-elle, « l’élu italien travaillait pour saper, boycotter toutes les initiatives qui déplaisaient au Maroc, que ce soit sur la question des Droits humains ou à propos du Sahara occidental». Pier Antonio Panzeri a suivi à la lettre le plan du Makhzen consistant à faire du Parlement européen une sorte d’annexe du ministère marocain des Affaires étrangères. Comment ? Pier Antonio Panzeri et Gilles Pargneaux ont mis en place un système de corruption pour rendre des eurodéputés redevables vis-à-vis du Maroc.

Capturer les eurodéputés

L’ancienne eurodéputée a ainsi fait part de mails de Pier Antonio Panzeri et du Français Gilles Pargneaux qui, plusieurs fois, l’ont invitée à des voyages au Maroc. « On recevait des invitations pour aller dans des voyages, qu’ils nous décrivaient comme des voyages magnifiques. Bien sûr, c’étaient des séjours qui seraient payés par les Marocains. Et des voyages qui convenaient aux Marocains pour nous faire voir ce qu’ils voulaient. Bien sûr, moi je n’ai jamais accepté. Mais malheureusement, je crains que quelques membres aient accepté d’y aller et c’était une façon de capturer les membres. Pas seulement de les instrumentaliser. Mais de les capturer ».

Ana Gomes précise que l’année 2019 est une date charnière. Pourquoi ? Cette année-là, confie-t-elle à la RTBF, « Pier Antonio Panzeri ne cache plus son soutien indéfectible au Maroc ». Elle rappelle qu’un important accord sur la pêche et l’agriculture avec le Maroc est cassé par la justice européenne. « C’est un coup dur pour Rabat et tous ceux qui avaient soutenu le Maroc, notamment au sein du groupe socialiste du Parlement européen », précise-t-elle. « Le lobbying pro-marocain s’est déclenché de façon assez furieuse. Même Panzeri, qui jusque-là était plutôt malin et dissimulé dans le soutien aux positions du Maroc est devenu très ouvert. Je me souviens d’avoir eu de grandes discussions, moi et d’autres collègues, au sein du groupe en plénière, en disant que ce n’est pas possible la position que défendent Pargneaux et Panzeri, et c’est là où j’ai fait peut-être mon alerte la plus véhémente : ces positions étaient des positions qui ne correspondent pas à nos valeurs et nos principes. Ce sont des positions des agents du Maroc. Ce n’était pas normal. Ce n’était pas seulement une question de position politique. Il y avait quelque chose de plus », raconte Ana Gomes qui dit avoir eu la confirmation de ses soupçons de corruption. Et elle regrette aujourd’hui que son groupe politique n’ait pas entendu à l’époque ses avertissements. Pour Ana Gomes, il n’y a pas de doute : Pier Antonio Panzeri est bien le personnage central du Qatargate et du Marocgate.Même s’il n’a pas été réélu en 2019 au Parlement européen, Pier Antonio Panzeri a continué à y sévir. Ana Gomes est « convaincue que l’Italien a profité des réseaux qu’il a construits pendant ses trois mandats pour continuer à servir les intérêts du Maroc via son ONG des Droits de l’Homme, qu’il a appelé Fight Impunity (combattre l’impunité, ndlr) ». Son ONG serait l’instrument pour acheter des membres du Parlement européen et leur pouvoir d’influence au profit des Marocains.

Khider Larbi

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