Projet de Loi sur la monnaie et le crédit : Plus d’autonomie pour la Banque d’Algérie ?
Très attendu, le projet de Loi sur la monnaie et le crédit a atterri à l’Assemblée populaire national (APN). Outre les dispositions destinés à adapter les textes régissant l’Autorité monétaire ainsi que la place bancaire et financière au contexte actuel en intégrant les concepts liés à la monnaie numérique ou les financements verts, la nouvelle loi renforce les prérogatives de la Banque centrale et contribue à apporter plus d’autonomie à travers la réinstauration de la notion de mandat pour le Gouverneur et les vice-gouverneurs de la Banque d’Algérie.
Si globalement en matière d’attributions de la Banque d’Algérie, l’Exécutif a repris presque ce qu’il y a dans le texte en vigueur, l’Ordonnance n°03-11 du 26 août 2003 relative à la monnaie et au crédit, il y a du nouveau par rapport aux postes de gouverneur et de vice-gouverneurs (au nombre de deux) de la Banque d’Algérie. Ils seront nommés, par décret présidentiel, pour un mandat de quatre années renouvelable une seule fois. Ce qui n’est pas le cas dans le texte en vigueur qui stipule que : » La direction de la Banque d’Algérie est assurée par un gouverneur assisté de trois vice-gouverneurs, tous nommés par décret du Président de la République ». En plus de ses missions habituelles, comme mentionnés dans le texte en vigueur et qui ont été reconduites, le gouverneur, d’après le projet de loi, dans son article 17, peut demander aux actionnaires principaux d’une banque ou établissement financier de « fournir un apport financier », et ce, dans le cas où la situation de celle-ci l’exige. Il peut également « organiser la participation de toutes les banques et établissements financiers pour prendre les mesures nécessaires pour protéger les intérêts des déposants et le bon fonctionnement du système financier ainsi que la réputation de la scène financière ». Pour ce qui est des attributions de la Banque d’Algérie, et pour intégrer la finance islamique, le projet de loi stipule que celle-ci « peut effectuer toute opération relative à la politique monétaire qu’elle considère nécessaire, comme elle peut adapter les outils d’interventions au niveau du marché financier, avec les spécificités des opérations financières relatives surtout à la finance islamique et au financement vert (article 43). Autre nouveauté, dans le cas où le texte est adopté en l’état, la BA pourra également, selon l’article 46, et dans le souci de préserver la stabilité financière, « fournir de la liquidité urgente », comme dernier recours, pour une banque solvable, qui fait face à un problème temporaire de liquidité. Pour ce qui est de ce qui est communément appelé « la planche à billet », l’article existant dans la loi en vigueur (article 46) et qui stipulait que « la BA est autorisée, également, à consentir exceptionnellement au Trésor public une avance, destinée exclusivement à la gestion active de la dette publique extérieure », a été reformulé.
Planche à billets, oui mais à condition
« La BA est autorisée, également, à consentir exceptionnellement au Trésor public une avance, dans le cas d’une crise exceptionnelle inattendue et non annoncée, selon les conditions et moyens fixés par le Conseil de la monnaie et du crédit », stipule l’article 47 du projet de loi.Comme signalé plus haut, le nouveau texte prévoit l’autorisation de nouvelles activités comme celles relatives aux prestataires de service de paiement, des courtiers indépendants ou des bureaux de change. Il est question aussi de la « monnaie numérique de la banque centrale », appelé, comme signalé dans le texte, le « dinar numérique algérien », mentionné dans l’article 2 relatif à la définition de la monnaie nationale, qui s’ajoute donc à la monnaie fiduciaire. Le législateur a prévu, bien entendu, la finance islamique, qui est prise en charge par les articles 71 et 72.
Sur un autre plan, l’exécutif a décidé de prévoir deux nouvelles commissions. La première est la « Commission de la stabilité financière » (article 154). Présidé par le gouverneur, ou un représentant qu’il aura désigné, elle est composée de deux représentants, d’un rang supérieur, de la BA, de deux représentants du ministère des finances, un de celui des affaires religieuses, le Président de la commission d’organisations des opérations boursières, celui de la commission supervision des assurances ainsi que les SG de la commission bancaire et du Conseil de la monnaie et du crédit. Celle-ci sera chargée de définir, entre autres, « les risques qui pourraient porter atteinte au système financier et renforcer la transparence ». La deuxième commission qui sera créée est la « Commission nationale des paiements (article 162). Composée du gouverneur et de représentants de plusieurs ministères et de différents services de sécurité, celle-ci aura comme mission principale d’ « établir un projet de stratégie nationale pour le développement des moyens de paiements bancaires, afin de renforcer les transactions financières et consolider l’intégration financière ».
En dernier lieu, il est utile de signaler que dans l’exposé des motifs, le législateur a indiqué que ce projet de loi « vise à adapter le cadre législatif et organisationnel aux transformations économiques et financières profondes et aux défis techniques et technologiques, comme il permettra de s’ouvrir sur de nouveaux acteurs ». Il est question aussi de « renforcer la gouvernance de la Banque d’Algérie, de Conseil de la monnaie et du crédit, de la commission bancaire et des banques et établissements financiers ». « Cette révision vise, également, à renforcer la gouvernance du système bancaire, la Banque d’Algérie en tête, et à améliorer sa transparence, tout en conférant au Conseil de la monnaie et du crédit (CMC) de nouvelles prérogatives lui permettant d’accompagner les transformations que connaît l’environnement bancaire, outre l’élargissement de ses prérogatives en matière d’agrément des banques d’investissement, des banques numériques, des prestataires de services de paiement et des courtiers indépendants, et autoriser l’ouverture des bureaux de change », a indiqué en définitif le législateur.
Elyas Nour