Lutte contre le terrorisme Sahel : Les troupes françaises indésirables au Burkina Faso
Les jours des troupes françaises au Burkina Faso sont désormais comptés. Selon plusieurs sources, les autorités burkinabè de transition auraient demandé leur départ et ce dans un délai d’un mois. «Le gouvernement burkinabè a dénoncé mercredi dernier, l’accord qui régit depuis 2018, la présence des forces armées françaises sur son territoire», a indiqué samedi l’Agence burkinabè d’information (AIB).
«Cette dénonciation faite le 18 janvier 2023, donne selon les termes de l’accord du 17 décembre 2018, un mois aux forces armées françaises pour quitter le territoire burkinabè», poursuit la même source. Le Burkina Faso héberge un contingent de près de 400 éléments des forces spéciales françaises qui opèrent à travers l’«opération Sabre».La décision de Ouagadougou était quelque peu prévisible. L’ex-puissance coloniale est fortement contestée au Burkina Faso depuis plusieurs mois. Des manifestations (la dernière en date remonte au vendredi 20 janvier) ont régulièrement eu lieu à Ouagadougou pour exiger le retrait de la France. En octobre et novembre derniers, plusieurs manifestations ont visé l’ambassade de France à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays. Et en décembre, les autorités burkinabè ont exigé le départ de l’ambassadeur de France, Luc Hallade, après des propos jugés offensants. Le 3 décembre 2022, les autorités burkinabè ont suspendu Radio France internationale (RFI), à l’instar du Mali.Les tensions sont telles que Paris a dû dépêcher, la semaine dernière, à Ouagadougou, la secrétaire d’État Chrysoula Zacharopoulou pour y rencontrer le président de transition. «La France n’impose rien, elle est disponible pour inventer un avenir ensemble», a-t-elle martelé, assurant ne vouloir «influencer aucun choix ni aucune décision, personne ne peut dicter ses choix au Burkina». De son côté, le président de transition, le capitaine Ibrahim Traoré, a affirmé au même moment devant des étudiants que le «combat pour la souveraineté» est «engagé». « Dans les heures à venir, vous verrez un certain nombre d’informations tendant à revoir nos relations avec certains États », avait-il prévenu. Façon d’insister sur l’idée que les Burkinabés ne veulent plus de l’ancienne puissance coloniale chez eux. Les autorités burkinabés de transition ont en outre manifesté leur volonté de diversifier leurs partenariats notamment en matière de lutte contre le terrorisme. Pour beaucoup d’observateurs, ce départ annoncé acte une nouvelle étape du recul français en Afrique. Un recul qui profite à des acteurs nouveaux comme la Chine, la Russie, la Turquie et les Etats-Unis.
Recul français en Afrique
Le Burkina Faso est le troisième pays d’Afrique duquel l’armée française se fait éjecter en moins de deux années. C’est le cas de la Centrafrique et du Mali, deux pays où Paris disposait de bases militaires depuis plusieurs décennies. Les derniers militaires français ont quitté la Centrafrique en décembre dernier. La coopération militaire entre Paris et la RCA avait été suspendue en 2021, après que les autorités de Bangui avaient fait le choix de la société militaire privée russe Wagner pour assurer leur sécurité. La France a dû également mettre fin officiellement à l’opération Barkhane en novembre dernier. Les dernières troupes françaises ont quitté leur base dans la ville malienne de Gao le 15 août 2022. Commencé en janvier 2013, l’opération a rencontré une grande hostilité au sein de la population malienne. La France n’avait guère d’autre choix que de reconnaître l’échec de Barkhane après que Bamako ait brusquement mis fin à ses relations. Le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, avait alors accusé, dans une lettre adressée au Conseil de sécurité des Nations unies, la France d’avoir livré des armes et des renseignements à des terroristes dans le but de déstabiliser son pays.Ce reproche trouve aujourd’hui un écho jusqu’au Niger. Car désormais, c’est depuis le Niger essentiellement que les troupes françaises vont opérer au Sahel. Là aussi, l’arrivée de soldats français ne contente pas tous les Nigériens. Une nouvelle coalition d’une quinzaine d’organisations de la société civile s’est même constituée pour réclamer leur départ : le M62. Ce mouvement a d’ailleurs organisé des marches pacifiques à Niamey « pour la défense de la souveraineté et de la dignité » du Niger.
Pour le journaliste français Rémi Carayol qui vient de publier un livre intitulé « Le mirage sahélien – la France en guerre en Afrique. Serval, Barkhane et après ? », L’opération Barkhane était une mission dès lors vouée à l’échec dès le départ. « Il faut décorréler l’opération Serval de l’opération Barkhane », a-t-il expliqué à un média français. « L’opération Serval était une guerre gagnable et elle a été gagnée. L’objectif était très clair : il s’agissait de repousser les groupes terroristes qui contrôlaient une partie du Mali. L’erreur majeure de l’exécutif français à ce moment-là a été de poursuivre cette opération et de la transformer en 2014 en opération Barkhane, aux objectifs beaucoup plus flous. Le fait d’étendre l’intervention à cinq pays de la région, et non plus au seul Mali, rendait la mission quasiment impossible pour les militaires ».
Khider Larbi