Le Général d’Armée Chanegriha en visite officielle en France / Sécurité : Alger et Paris accordent leurs violons
C’est la première fois depuis de longues années qu’un Chef d’État-major de l’ANP effectue une visite officielle en France. Selon
Le Chef d’État-major de l’Armée nationale populaire (CEM-ANP), le Général d’Armée Saïd Chanegriha, a entamé, hier, une visite officielle en France sur invitation du Chef d’État-major des Armées françaises, le Général d’Armée Thierry Burkhard. Selon un communiqué rendu public par le ministère de la Défense nationale (MDN), cette visite s’inscrit dans le cadre du «renforcement de la coopération entre l’Armée nationale populaire et les Armées françaises et permettra aux deux parties d’examiner les questions d’intérêt commun».
Ce déplacement est sans nul doute un événement important dans la mesure où c’est la première fois depuis de longues années qu’un Chef d’État-major de l’ANP effectue une visite officielle en France. Selon de nombreux observateurs, cela a été rendu possible grâce au réchauffement que les relations algéro-françaises ont connu sur le plan diplomatique ces derniers mois. Jusque-là, les échanges entre les deux armées étaient cantonnés à des domaines très restreints, comme celui de la lutte contre le terrorisme et l’échange d’informations.
Depuis la visite du président français Emmanuel Macron à Alger au mois d’août dernier qui a marqué la fin d’une sérieuse brouille diplomatique entre l’Algérie et la France, les échanges entre les deux pays ont effectivement commencé progressivement à se normaliser. A l’occasion, les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron avaient exprimé leur volonté de bâtir une « relation stratégique ». Dans cette optique, ils ont signé le 27 août la « Déclaration d’Alger pour un Partenariat renouvelé entre la France et l’Algérie » qui consigne leur ambition d’étendre les domaines de coopération à tous les secteurs, y compris à ceux de la défense et de la sécurité.
Pour ce qui est de ces derniers domaines, les deux présidents ont pratiquement fait sauter tous les verrous (objectifs et subjectifs) qui empêchaient jusque-là des échanges à un très haut niveau entre les deux pays dans le domaine militaire. Et ces verrous s’expliquent à la fois par l’histoire particulière qui lie Paris et Alger (Une colonisation de 132 ans particulièrement atroce) et les objectifs géostratégiques souvent divergents que visent les deux capitales. Cela a eu pour résultat d’instaurer une méfiance et parfois une rivalité entre les armées et les services de renseignement des deux pays.
Pour dissiper cette méfiance et accorder leurs violons, les présidents algérien et français ont d’ailleurs présidé à Zeralda, dans la banlieue ouest d’Alger, une réunion inédite (retenue sous l’appellation de ‘’format de Zeralda’’) à laquelle ont participé leurs chefs d’état major et les patrons des leurs services de renseignements. Ce type de rencontres est appelé à se renouveler puisque dans la «Déclaration d’Alger pour un Partenariat renouvelé entre la France et l’Algérie », il est clairement dit que « pour les questions de défense et de sécurité, les chefs d’Etats réuniront les responsables des deux pays sur le modèle de la réunion de Zeralda du 26 août 2022, chaque fois que nécessaire». Il y avait tout lieu de s’attendre donc à ce qu’il y ait entre Paris et Alger une plus grande coopération ou une plus grande coordination sur le terrain dans les domaines sensibles de la défense et de la sécurité. La visite, hier, du Général d’Armée Saïd Chanegriha en France coule pratiquement de source.
Plusieurs éléments peuvent expliquer ce rapprochement inattendu. Bien que le poids de l’Histoire continue de peser sur les relations algéro-françaises, Tebboune et Macron semblent s’être résolus à adopter une démarche pragmatique. Comme avait eu à le rappeler le chef d’état major de l’ANP, Saïd Chanegriha, dans son allocution de bienvenue prononcée à l’occasion de sa rencontre avec le ministre français de la Défense en août à Alger, l’Algérie et la France affrontent non seulement les mêmes défis sécuritaires mais sont également liées par la géographie, la Méditerranée occidentale. A ce titre, il semble que tout le monde ait compris qu’il était plus de leur intérêt de coopérer que de s’affronter.
A ce propos, il est fort probable le Général d’Armée Saïd Chanegriha évoquera avec son homologue français, le Général d’Armée Thierry Burkhard la situation au Sahel, un espace actuellement déstabilisé par le terrorisme, les conflits et les crises socio-économiques. L’Algérie ambitionne de jouer un rôle plus grand dans cette région de laquelle l’armée française commence à être évincée. Dans tous les cas, chacun des deux pays a intérêt également à multiplier les partenariats pour endiguer la menace et pour surtout éviter de se marcher sur les pieds. Avant cela, les généraux d’armées Saïd Chanegriha et Thierry Burkhard vont s’atteler certainement à définir avec d’avantage d’exactitude les modalités de la coopération militaire et sécuritaire entre l’Algérie et la France.
Khider Larbi