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Le continent a le potentiel d’une puissance économique : Le devenir de l’Afrique tributaire de la bonne gouvernance

Par Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités, expert international, membre du conseil scientifique de la revue panafricaine CAFRAD /Unesco

Les travaux du 36e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine (UA) se sont déroulés à Addis-Abeba.Lors du premier jour du sommet, la présidence tournante de l’UA a été confiée au président des Comores, Azali Assoumani, par son homologue sénégalais, Macky Sall.

Les principales questions intéressant le continent africain ont été examinées, notamment l’accélération de la mise en œuvre de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) et la situation de paix et de sécurité en Afrique, la lutte contre les changements climatiques et les défis de sécurité alimentaire, outre l’évaluation du plan d’exécution de la première décennie de l’Agenda 2063 de l’UA et la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies. L’Algérie a été représenté à ce Sommetpar son Premier ministre en tant que représentant du président de la République, Abdelmadjid Tebboune. Celui-ci a décidé d’allouer un montant d’un milliard de dollars US à l’Agence algérienne de coopération internationale pour la solidarité et le développement, pour le financement de projets de développement dans les pays africains. Ce sommet est aussi l’occasion de se pencher sur le poids de l’Afrique et les moyens de permettre au continent de peser de tout son poids sur l’échiquier mondial.

L’Afrique au cœur d’une confrontation géopolitique

En tête du classement des pays par PIB, nous retrouvons les États-Unis dont le PIB s’élève à 24 796 milliards de dollars pour une population de 332 millions en 2022. Ils sont suivis dela Chine en 2eposition avec un PIBde 19 900 milliards de dollars mais pour1,41 milliard d’habitants. Mais l’Europe , plus les USApour moins d’un milliard de la population mondiale estimée à 8 milliards d’habitants en 2022, pèsenten termes de PIB courant ,en 2022, pour plus de 40% de la richesse mondiale. La Russie a un PIB de 1776 milliards de dollars en 2021 proche de celui de l’Espagne pour une population de 146 millions mais possédant d’importantes ressources naturelles première réservoir mondial de gaz45.000 milliards de mètres cubes gazeux, 80 milliards de barils de pétroleet produisant plus de 10 millions de barils/jour. Elle est avant tout une puissance militaire mais non économique. Les échanges commerciaux entre les Etats Unis et l’Afriquesont passés de 142 milliards de dollars US en 2008 à 64 milliards en 2021. Comme le reconnaissent les responsables US eux-mêmes,dan la guerre d’influence qui se joue entre les deux plus importantes économies de la planète, la Chine a largement distancé les Etats-Unis en Afrique sur le terrain économique oùles échanges commerciaux entre le continent et les USA durant ces dernières années n’ont cessé de se réduire comme peau de chagrin. À contrarioet selonl’agence chinoise des douanes les échanges entre la Chine et l’Afrique ont augmentéde 35,3% au cours de l’année 2021, atteignant un montant record de 254,3 milliards de dollars, en n’oubliant pas les échanges avec le monde arabeen 2021 de 330 milliards de dollars, extrapoléentre 2023/2025 à 500 milliards de dollars. Des pays font une percée en Afriquecomme laTurquie où le volume deséchanges devraitatteindre 45 milliards de dollars en 2022etlepoids encore important mais déclinantde l’Europe selon les donnéesdu 01 janvier 2019 (avant l’épidémie du coronavirus)atteignait 151 milliards d’euros d’exportations et 152 milliards d’importations. En préconisant l’adhésion de l’Afrique au G20, ainsi que dans d’autres institutions internationales,lastratégiedes USA est contrecarrer la stratégie de la route de la soieinitiée par la Chine ainsi et que celle desBRICSdont la Chine entend être le leader, voulant attirer certains pays africains et arabes. Récemment lors du Sommet Chine-Monde arabe tenu en Arabie Saoudite,le ministre chinois des Affaires étrangères, a annoncé l’idée des « BRICS Plus », un cadre qui résume cette intention d’ouvrir l’organisation à de nouveaux membres. Actuellementles BRICS avec la dominance de la Chine représententen 2022, environ25% du PIB mondialet plus de 45% de la population mondiale. Certains pays de ce bloc des économies émergentes possèdent l’arme nucléaireà l’image de la Russie, la Chine et l’Inde. Si cette évolution se confirme avec l’entrée de bon nombre d’autres pays, cela devrait modifier fondamentalement les relations internationales,nous orientant vers un monde multipolaire.

Quel est le poids de l’Afrique ?

De 100 millions d’habitants en 1900, la population de l’Afrique est passée à environ 275 millions dans les années 1950-1960, puis à 640 millions en 1990 et à 1,4 milliard en 2022 soit 18 % de la population mondiale. Contrairementà une idée faussement répandueles flux migratoires prépondérant dans le continentsont intra-africainset non en dehors de l’espace Afrique en direction de l’Europe. Selon un rapport de 2022, sur les 8,4 millions de migrants en Afrique de l’Ouest, moins de 10 % d’entre eux se dirigent vers l’Europe. Pour cecontinent ,ce serait une erreur politique de le considérer comme un ensemble homogène. Il n’y a pasune Afrique mais des Afriquesavec des spécificités économiques et culturellesinteret intra-régionales du fait du poids de l’histoire,expliquant certains conflits ethniqueset des frontières souvent tracées par lesanciennes puissances coloniales. Il y al’Afrique du Nord. Il y a aussi l’Afrique subsaharienne oùprès de 70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 2 USD par jour. Il faut compter également l’Afrique de l’Ouest ;l’Afrique de l’Estetl’Afrique australe. Plusieurs facettes d’un continent qui comptent plusieurs disparités. Il y a les disparités démographiques. Pays le plus peuplé du continent,le Nigeria compte près de 212 millions d’habitants, suivis de l’Egypte (102 millions), l’Ethiopie(99,7 millions), l’Afrique du Sud (61 millions) et l’Algérie (45 millions,)le Maroc (36,3 millions), leMali (21 millions)face à des pays comme la la Libyequi ne compte que 6 millions d’habitants.Le commerce mondial a augmenté de 25% en rythme annuel en 2021 pour atteindre un record de 28.500 milliards de dollarset mêmesi les exportations africaines de biens et services ont enregistré une croissance particulièrement rapide au cours des dix dernières années, ellesreprésentent à peine 3 % du commerce mondial, loin de ses importantes potentialités en raisons de multiples blocages qui empêchent de libérer les énergies et les potentialités africaines. Des blocages d’ordre politique d’abord. Les dirigeants africains portent une lourde responsabilité devant leur population et doivent favoriser l’État de droit, la lutte contre la corruption et les mentalités tribales, la protection des droits de l’Homme et s’engager résolument dans la réforme globale, donc la démocratisation de leur société tenant compte de l’anthropologie culturelle évitant de plaquer des schémas déconnectés des réalités sociales.

Renforcer les échanges intra-africains

La libération des potentialités africaines passe aussi par le développement des échanges intra-africains. L’ensemble des études économiques ont enregistré que le taux des échanges commerciaux intra-africains, ne dépasse les 11%, le taux d’intégration le plus « faiblecomparativement aux autres régions du monde, alors que le volume des échanges intra-asiatiques et intra-européens se situent respectivement aux alentours de 52 % et de 72 %. Les raisons de cette situation sont multiples : le manque de cohérence des politiques en Afrique renvoyant à la gouvernance, dont celles des politiques commerciales, industrielles ou agricoles qui doivent pouvoir réaliser l’objectif de faire du commerce intra-communautaire et de l’intégration de véritables leviers du développement.Par ailleurs, le manque de capitaux, d’infrastructures, des taxes douanières qui coûtent très cher, tous ces problèmes de logistiques associés au manque de compétence des ressources humaines constituent un sérieux frein à la fluidité des échanges où en plusl’Afrique voit s’échapper chaque année 192 milliards de dollars causés par des flux illicites contre seulement 30 à 40 milliards d’aide au développement,selon le président fondateur de Sopel International et président du Centre africain de la Nouvelle économie, CANE Executive. L’important est de dynamiserdes effets économiques la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf)afin de stimuler la croissance, de réduire la pauvreté et d’élargir l’inclusion économique dans les pays concernés.Selon des simulations reposant sur l’amélioration de l’efficacité des marchés des produits et du travail, de dégrèvements tarifaires progressifs , supposant des entreprises concurrentiellesen termes de cout /qualités s’alignant sur les normes internationales,la mise en œuvre dela zone de libre échangepermettrait selon un rapport de l’UA, de sortir 30 millions d’Africains de l’extrême pauvreté, d’augmenter les revenus de près de 68 millions autres personnes qui vivent avec moins de 5,50 dollars par jour ; d’augmenter les revenus de l’Afrique de 450 milliards de dollars d’ici à 2035 (soit une progression de 7 %), sous réserve du renforcement des mesures de facilitation des échanges , delever les freins bureaucratiques etsimplifier les procédures douanières ce qui permettraitd’accroître de 560 milliards de dollars les exportations africaines. Concernant les prévisions continentales de la Banque mondiale,le PIB de l’Afrique devrait passer de 2 980,11 milliards de dollars en 2022pour 55 pays, à 4 288,08 milliards de dollars en 2027, soit une hausse de 43,89%. Ces projections de croissance dépendentd’une série d’hypothèses qui peuvent se réaliser ou pas, étant tributaires de labonne gouvernance, notammentla lutte contre la corruption, les réformes à engager, lessous intégrations régionales,la stabilité politique et d’autres facteurs internes et externes.

A.M.

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