Règlement de la crise malienne : Alger veille au grain
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a reçu en audience, hier à Alger, les présidents et les représentants des mouvements politiques du Mali.La rencontre intervient dans un contexte de tension croissante entre les autorités maliennes de transition et la Coordination des mouvements de l’Azawad.L’Algérie entend par ses efforts de médiations rapprocher les points de vue.
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a reçu en audience, hier à Alger, les présidents et les représentants des mouvements politiques du Mali. Le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, et Abdelaziz Khellaf, directeur de cabinet à la présidence de la République, ont assisté à la rencontre, indique un communiqué rendu public en milieu de journée par la présidence de la République sans fournir plus amples détails. Des sources maliennes précisent que les leaders de mouvements signataires de l’accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger ont figuré parmi les personnalités reçues par le chef de l’Etat, ajoutant que ces derniers se trouvent dans la capitale algérienne depuis plusieurs jours.
La rencontre intervient dans un contexte de tension croissante entre les autorités maliennes de transition et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), formée par les autonomistes du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) et les indépendantistes du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Les ex-groupes politico-militaires du nord-malien, signataires de l’accord d’Alger de 2015, soupçonnent fortement Bamako de vouloir renier ses engagements. Leurs soupçons se fondent sur le fait que les autorités maliennes n’ont pas avancé du tout dans l’application des principales dispositions de l’accord conclu pourtant au terme d’âpres et longues négociations. Huit ans après cette signature, les deux protagonistes, à savoir l’État malien et les groupes signataires, continuent de se rejeter la responsabilité du blocage. De son côté, la communauté internationale, garante de cet accord, exige sa mise en œuvre diligente.Le fait est là, il y a une crise de confiance entre les groupes politico-militaires de l’Azawad et Bamako, surtout que les autorités maliennes refusent toujours de se réunir en terrain neutre comme le réclame la CMA. Et pour marquer son mécontentement, la CMA a suspendu en décembre dernier sa participation aux mécanismes de mise en œuvre de l’accord de paix qui prévoit notamment l’intégration dans l’armée des anciens rebelles et ainsi qu’une décentralisation du pouvoir dans les régions du Nord. Par cette décision, la CMA entendait ainsi dénoncer «l’absence persistante de volonté politique des autorités de transition à appliquer l’accord» et «l’inertie de celles-ci face aux défis sécuritaires ayant occasionné des centaines de morts. Les populations du septentrion malien se sont souvent plaintes d’être abandonnées par Bamako alors que les groupes terroristes, en particulier l’Etat islamique au grand Sahara (EIGS), ont redoublé de férocité dans la région de l’Azawad.
Entre-temps, les trois groupes politico-militaires regroupés jusque-là au sein de la CMA ont fusionné au cours d’une cérémonie qui s’est déroulée le 8 février dernier à Kidal. Dans une déclaration adressée à la presse, ces trois organisations ont «décidé de fusionner les mouvements qui composent la CMA en une seule entité politique et militaire». Si les signataires de cette déclaration invoquent «la volonté des populations de l’Azawad (le nord du Mali) d’unir leurs efforts pour faire face à tous les défis», il s’agit aussi pour eux de peser davantage face au gouvernement malien. Cette évolution fait craindre autant à la médiation internationale qu’à de nombreux spécialistes de la sous-région une aggravation de la crise et un retour aux hostilités.
Nouvelle dynamique
C’est donc pour rapprocher les points de vue et éviter au Mali de revenir à la case-départ que le président de la République à reçu hier les mouvements politiques maliens. Dans une déclaration au terme de leur audience avec le chef de l’Etat, ces derniers n’ont d’ailleurs pas manqué de remercier l’Algérie pour les efforts qu’elle déploie pour consacrer la paix, la sécurité et la réconciliation au Mali de façon générale et dans l’Azawad en particulier. « L’Algérie est à remercier pour cet effort important car en réalité cela fait une quarantaine d’année qu’elle s’investit pour régler les différends (…) », a déclaré le président de la délégation malienne, ajoutant qu’il apparaît au terme de la rencontre avec le Président Tebboune que l’Algérie se mobilise plus que par le passé et a mis en place une nouvelle dynamique pour le rétablissement de la paix et de la sécurité dans la région. « Au nom de la population de l’Azawad nous remercions l’Algérie pour le rôle qu’elle joue », a-t-il conclu.
Ce n’est pas la première fois cette année que l’Algérie a dû intervenir pour apaiser les esprits et convaincre les différents protagonistes de la crise de l’importance et de l’urgence de mettre en œuvre l’accord d’Alger. Le ministre algérien des Affaires étrangères s’est rendu à de nombreuses reprises ces six derniers mois à Bamako pour lever les entraves que rencontre son application. Lors d’un entretien le 16 février à Addis-Abeba avec son homologue malien, Abdoulaye Diop, M. Lamamra a d’ailleurs réaffirmé que l’Algérie poursuivait ses démarches visant à parvenir au consensus nécessaire entre toutes les parties maliennes signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et à renforcer leur adhésion dans ce cadre, en vue de réaliser ses objectifs sur le terrain. La balle semble désormais dans le camp de Bamako. Aux autorités maliennes de prouver qu’elles tiennent véritablement à l’accord de paix d’Alger et qu’elles n’ont pas d’agenda caché.
Khider Larbi