La Chine risque de booster la demande : Vers une explosion des prix du gaz en 2023
L’AIE prévoit une nouvelle hausse importante des prix du gaz cette, stimulée par une reprise de la demande en Chine.
Les prix du gaz ont récemment atteint des plus bas sur le marché européen -le TTF néerlandais est même descendu en-dessous des 50 euros soit au plus bas depuis 18 mois-. Mais la situation ne saurait durer. C’est du moins ce qu’indiquent les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), organisme qui défend les intérêts des pays consommateurs.
Si les prix du gaz ont été poussés vers le bas par l’apaisement des inquiétudes quant à l’effet de la suspension des approvisionnements du marché européen en gaz russe et une bonne tenue des stocks européens de gaz, avec un hiver particulièrement doux et qui a freiné la consommation, la situation pourrait très vite se retourner prévient l’AIE. Et ce retournement ne sera pas induit par la Russie avec un quelconque effet sur l’offre, mais sera le fait de la Chine et d’un bond de la demande de ce grand consommateur d’énergie qui renouera assurément avec la croissance après la sortie de la politique « Zéro-Covid ». Dans son rapport sur le marché du gaz publié hier à Paris, l’AIE indique que la demande de la Chine, premier importateur mondial de gaz naturelliquéfié (GNL) en Chine pourrait croitre de 35%. « Cela déclencherait une concurrence féroce sur les marchés internationaux et pourrait conduire à ce que les prix du gaz atteignent à nouveau les niveaux insoutenables de l’été dernier, ce qui est particulièrement problématique pour les acheteurs européens », prévient encore l’agence.
« L’année dernière a été exceptionnelle pour les marchés mondiaux du gaz. Les prix reviennent à des niveaux supportables, en particulier en Europe, où un hiver doux et une baisse de la demande ont contribué à refroidir les marchés », a déclaré Keisuke Sadamori, directeur des marchés et de la sécurité énergétiques à l’AIE. « La Chine est la grande inconnue de 2023 et si la demande mondiale de GNL retrouve son niveau d’avant la crise, cela ne fera qu’exacerber la concurrence sur les marchés mondiaux et fera inévitablement remonter les prix », ajoute-il .
Selon l’AIE, malgré la hausse de la demande mondiale de GNL en 2022, l’augmentation de l’offre a été relativement modeste (5,5%). L’investissement a été inerte en raison de la hausse des coûts de construction et des renégociations de contrats en cours. Cependant, de nombreux projets en attente d’investissement – dont plusieurs projets en Amérique du Nord et l’extension du North Field South au Qatar – ont fait des progrès significatifs vers une décision finale, a indiqué l’AIE. Il est vrai que l’approche des consommateurs ne favorise pas l’investissement dans ce secteur fortement capitalistique, ce qui risque d’avoir des effets néfastes sur le marché à moyen terme, avec une contraction de l’offre face une demande grandissante. Le fait est que les pays producteurs de gaz plaident pour une approche du marché du gaz assise sur des contrats à long-terme, une relance de l’investissement qui implique également l’engagement des consommateurs, et des prix justes du gaz participe à une stabilisation du marché. Cependant, les consommateurs ont tendance à s’attacher à des solutions de court-terme qui ne participent à jeter les bases d’un marché stable. Cela s’est vérifié en 2022, où dans un contexte de crise gazière, les consommateurs, principalement européens se sont tournés principalement vers les marchés spot et le GNL pour contre-carrer les effets de la baisse des approvisionnements de gaz russe. Ainsi, et selon l’AIE, les importations européennes de GNL ont bondi de 63% en 2022. Cette forte demande de l’Europe a tiré les prix vers le haut, conduisant le marché mondial du GNL à doubler de valeur en 2022 pour atteindre un montant record de 450 milliards de dollars alors qu’en volume il n’a pourtant progressé que de 6%. «L’Europe a été le premier moteur de l’augmentation de la demande de GNL en se détournant des gazoducs russes. Les cargaisons de GNL livrées à l’Europe ont augmenté de 63% l’an dernier», souligne l’AIE. Les volumes de GNL importés en Europe ont ainsi augmenté de 66 milliards de m3, selon l’AIE, profitant en premier lieu aux États-Unis qui ont fourni les deux-tiers (43 milliards de m3) de ce flux supplémentaire.L’Europe a trouvé le complément auprès d’autres fournisseurs : le Qatar (5 milliards de m3), l’Égypte (5), la Norvège (3), l’Angola (2) et de l’île de Trinité-et-Tobago (2). L’AIE signale également 2 milliards de m3 livrés par la Russie. En fin d’année, au plus fort de cette course au GNL, les sites de stockage étant pleins et l’hiver étant doux, «plus de 30 tankers remplis de GNL» attendaient de «se brancher sur des installations de gazéification en Europe plutôt que d’aller vendre leur cargaison moins cher ailleurs», selon l’AIE.
Les commandes de tankers gaziers ont plus que doublé (+130% comparé à 2021) et atteint un record de 165 en 2022, selon des données Refinitiv citées par l’AIE qui précise que les chantiers navals chinois ont engrangé plus d’un tiers des commandes mondiales. Au total, la consommation mondiale du gaz (GNL et gazoduc) s’est en revanche contractée de 1,6% en 2022 à 4,042 milliards de m3.
Samira Ghrib