Panzeri fait des révélations fracassantes sur le « Moroccogate » : Les aveux qui enfoncent le Makhzen
Pots-de-vin, voyages aux frais du roi, ingérences et espionnage. Le Makhzen ne recule devant rien pour imposer ses thèses et faire valoir ses intérêts quitte à entretenir des réseaux criminels sur le dos du contribuable marocain. Et l’affaire du « Moroccogate » lève le voile sur une partie des réseaux de corruption financer par le régime marocain pour favoriser une sa politique belliqueuse et invasive envers les pays du Maghreb et de l’Europe.
Les dernières révélations de l’un des principaux accusés dans ce scandale lié aux réseaux de corruption au Parlement européen établis et financés par le Maroc enfoncent un peu plus ce dernier, qui n’a plus bonne presse sur le Vieux continent. L’ex-eurodéputé italienPier Antonio Panzeri, interrogé dans le cadre de l’enquête lancée par la Justice belge, évoque avec force détails de quelle manière le régime marocain a organisé ses réseaux d’influence au sein du Parlement européen, par l’entremise de son ambassadeur en Pologne, Abderrahim Atmoun. Selon les médias belges et italien Le Soir, Knack et La Repubblica, Pier Antonio Panzeri a évoqué dans ses aveux des pots de vin d’au moins180.000 euros, en plus de cadeaux et de voyages, offerts par le régime du Makhzen pour soudoyer des eurodéputés en échange d’un soutien au Parlement européen.
Accompagné d’un avocat et d’un traducteur, l’ex-eurodéputé a commencé à tout déballer devant les enquêteurs de l’Office central pour la répression de la corruption (OCRC).En effet, de sa bonne collaboration dépend l’approbation en fin d’enquête de son mémorandum de « repenti » signé avec le parquet fédéral belge en janvier.
Dans des révélations fracassantes dévoilées par la presse qui a mis la main sur des comptes rendus des auditions datées des 2 et 13 février, ainsi que d’autres documents issus du dossier d’instruction, Panzeri a indiqué que le régime marocain a versé au moins 180.000 euros -en plus de cadeaux et de voyages- à plusieurs eurodéputés pour les amener à s’aligner sur ses thèses lors de l’adoption de différents textes au Parlement européen.
Il a ainsi expliqué comment il avait été approché par les relais du Makhzen en 2009, alors qu’il venait d’être réélu au Parlement européen.Le chemin de l’Italien, président de la délégation pour les relations avec les pays du Maghreb et co-président de la commission parlementaire mixte UE-Maroc, croise rapidement celui d’Abderrahim Atmoun. Ce dernier, parlementaire depuis 2003, partagé entre le Maroc et la France, maîtrisant également l’italien, il hérite lui aussi, dès 2011, de la coprésidence de la commission parlementaire mixte. »De cette relation de travail est née une amitié », a confié en audition Antonio Panzeri. Et de préciser qu’Atmoun n’a pas hésité, peu avant le scrutin européen de 2014, à privatiser – pour une somme estimée à 50.000 euros – un club de jazz milanais afin d’y rassembler la diaspora marocaine votant en Italie.Entre janvier et février 2017, Panzeri troque la présidence de la délégation Maghreb pour celle de la sous-commission des droits de l’Homme. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à cultiver de bons rapports avec Abderrahim Atmoun et le royaume chérifien.Entre 2017 et la fin de son mandat en juillet 2019, il a ainsi été convié à quelques reprises à Casablanca et Marrakech, explique-t-il aux enquêteurs. Avec une pensée particulière pour ce séjour d’une semaine qu’il aurait passé sur invitation à La Mamounia, l’hôtel le plus prestigieux du pays, avec quelques amis, dont son assistant parlementaire Francesco Giorgi et la compagne de ce dernier, la désormais ex-vice-présidente du Parlement européen, Eva Kaili.En mai 2019 cependant, Antonio Panzeri n’est pas réélu. Il immatricule à Bruxelles l’association sans but lucratif « Fight Impunity » et continue à nourrir ses bonnes relations avec le régime du Makhzen.Mais ce dernier entend se rapprocher parallèlement d’eurodéputés en exercice. Panzeri aurait notamment glissé à son ami Atmoun, ressort-il encore des auditions, les noms de Brando Benifei, Alessandra Moretti, Andrea Cozzolino et d’un quatrième parlementaire.Selon Antonio Panzeri, ces quatre parlementaires se seraient fait représenter par leurs assistants respectifs lors d’une réunion organisée à Rome par Abderrahim Atmoun.Quelques mois après son départ du Parlement européen « en octobre ou novembre » 2019, l’audition fait ressortir que Panzeri et celui qui fut longtemps son assistant, Francesco Giorgi ont organisé une rencontre avec Atmoun dans un restaurant bruxellois, proche du domicile de Panzeri. »Nous avons longuement discuté, il a été décidé de nous rétribuer en cash. Il a été décidé de nous donner 50.000 euros chacun, chaque année ».Antonio Panzeri admet alors avoir reçu 20.000 euros dans une chambre d’hôtel pour le trimestre en cours, son collaborateur Giorgi devant se contenter de la moitié et d’un voyage offert au Maroc.En juin 2021, les deux ressortissants italiens vont jusqu’à Paris en voiture – où Atmoun, qui est devenu ambassadeur du Maroc en Pologne, a des attaches – et reviennent avec 50.000 euros en coupures de 50 et 100 euros.Et en octobre 2022, ils effectuent un nouveau déplacement à Paris mais le trajet se fait cette fois en train à grande vitesse. Antonio Panzeri et Francesco Giorgi, explique encore le premier en audition, reçoivent chacun 25.000 euros. Il est vrai que le scandale « Moroccogate » a été retentissant et a dévoilé au grand jour les manœuvres du Makhzen dans les affaires européennes. Une affaire qui a révélé la manière dont le régime marocain a agi pour incliner les positions européennes en ce qui concerne le dossier du Sahara occidental, les atteintes aux droits de l’Homme au Sahara occidental et au Maroc, mais aussi dans le dossier Pegasus, du nom du logiciel israélien que le Makhzen a utilisé pour espionner des personnalités politiques, des militants des droits de l’Homme et des journalistes, sahraouis, marocains, algériens, espagnols et français. Les services de renseignement marocains ont même ciblé le premier ministre espagnol Pedro Sanchez et son gouvernement ainsi que le président français Emmanuel Macron, son ex-Premier ministre Edouard Phillipe et plusieurs membres de son gouvernement. Depuis le « Moroccogate », le régime marocain fait face à un véritable retour de flamme. Isolé et lâché par ses relais, il doit faire face aux conséquences de sa politique irréfléchie. Le PE a interdit l’accès aux représentants du Maroc. Le Parlement européen a récemment rendu, et pour la première fois depuis 25 ans, une résolution condamnant les violations des droits de l’Homme par le régime marocain, de même qu’il a remis à l’ordre du jour l’examen du rôle du Maroc dans l’affaire Pegasus. C’est dire que pour le Makhzen, le temps de l’impunité est révolu !
Hocine Fadheli