Relations algéro-françaises et affaire Amira Bouraoui : Macron veut continuer à «avancer» avec l’Algérie
Le président français Emmanuel Macron s’est exprimé lundi sur le froid qui caractérise depuis peu les relations algéro-françaises.
Lors d’une conférence de presse sur sa nouvelle stratégie en Afrique, il a indiqué qu’il allait continuer à «avancer» pour renforcer la relation de la France avec l’Algérie, au-delà des «polémiques» actuelles et des tensions entre ces deux pays. «On va avancer, la période n’est pas la meilleure mais ça ne m’arrêtera pas. Je sais pouvoir compter sur l’amitié et l’engagement du président Tebboune. Nous avancerons là aussi», a assuré le chef de l’Etat français. «Il y a eu une polémique sur le retour en France d’une Franco-algérienne (Affaire Amira Bouraoui, Ndlr) depuis la Tunisie, avec aussi beaucoup de choses qui ont été racontées et un discours qui s’est construit. Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ont intérêt à ce que l’on fait depuis des années maintenant avec l’Algérie n’aboutisse pas», a-t-il fait remarquer. «Et bien j’ai un message très simple : je vais continuer, ce n’est pas le premier coup de grisou, j’en ai déjà eu mais il faut continuer ainsi, humblement, honnêtement», a-t-il dit évoquant notamment l’«énorme travail sur la mémoire» effectué avec l’Algérie ou la visite du chef d’état-major, le Général d’Armée Saïd Chengriha, en janvier en France.
C’est la première fois que le chef de l’Etat français s’exprime sur les tensions entre Paris et Alger provoquées au début du mois par l’affaire Amira Bouraoui. L’embarquement au début du mois de l’activiste algérienne pour la France à partir de Tunis est très mal perçu par les autorités algériennes qui y ont dénoncé une « exfiltration clandestine et illégale », surtout qu’Amira Bouraoui faisait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire et était par ailleurs entrée illégalement en Tunisie. Avant de gagner la France, elle devait être expulsée vers l’Algérie. Pour exprimer son mécontentement, la présidence de la République avait rappelé l’ambassadeur d’Algérie en France pour consultations. Le diplomate algérien n’a d’ailleurs toujours pas regagné son poste.
Seul le Quai d’Orsay a jusque-là communiqué et de façon très prudente sur la crise qui intervient après un réchauffement des relations algéro-françaises à l’occasion d’un déplacement du président français Emmanuel Macron à Alger en août dernier. Interrogé sur le fait que cette affaire était susceptible de dégrader les relations bilatérales, François Delmas, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères a déclaré le 9 février dernier que « pour notre part, nous entendons continuer à travailler à l’approfondissement de notre relation bilatérale ». Il s’est en revanche refusé à tout commentaire sur le rappel de l’ambassadeur algérien, « une décision algérienne qu’il ne m’appartient pas de commenter ». François Delmas n’a pas non plus voulu faire de commentaires « sur cette situation individuelle » mais a tenu à rappeler qu’Amira Bouraoui était « une ressortissante française et qu’à ce titre, les autorités françaises exercent leur protection consulaire ». « Il s’agit d’une procédure qui ne ressort d’aucune manière de l’ordinaire », a-t-il également réagi. François Delmas, dans un souci manifeste de ne pas envenimer la situation, n’a pas non plus voulu répondre à la possibilité que cette affaire remette en question la visite du président algérien Abdelmadjid Tebboune programmée pour le mois de mai.
Le coup bas de Paris
L’Affaire Amira Bouraoui a irrité au plus haut point les autorités algériennes. L’exfiltration «clandestine» et «illégale» de l’algérienne a été ressentie comme un nouveau coup bas de Paris. La réaction de l’Algérie ne s’était d’ailleurs pas fait attendre. La présidence de la République avait annoncé le 8 février le rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France avec effet immédiat pour consultations. Auparavant, le ministère des Affaires étrangères avait protesté officiellement auprès de l’ambassade de France en Algérie. « Dans le prolongement de la note officielle par laquelle l’Algérie a protesté fermement contre l’exfiltration clandestine et illégale d’une ressortissante algérienne dont la présence physique sur le territoire national est prescrite par la justice algérienne, le Président de la République M. Abdelmadjid Tebboune a ordonné le rappel en consultation de l’ambassadeur d’Algérie en France, Saïd Moussi, avec effet immédiat», avait indiqué un communiqué de la présidence de la République.
Le ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger avait indiqué pour sa part dans un autre communiqué avoir exprimé à l’ambassade de France « la ferme condamnation par l’Algérie de la violation de la souveraineté nationale par des personnels diplomatiques, consulaires et de sécurité relevant de l’Etat français qui ont participé à une opération clandestine et illégale d’exfiltration d’une ressortissante algérienne dont la présence physique sur le territoire national est prescrite par la justice algérienne». L’Algérie avait rejeté ce développement «inadmissible et inqualifiable» qui cause «un grand dommage» aux relations algéro-françaises, avait ajouté le communiqué du département de Ramtane Lamamra.
Dans un éditorial paru dans son édition du 8 février, le journal El Moudjahid avait fait remarquer que la France a « agi de manière très inamicale envers l’Algérie et la Tunisie ». Le doyen des quotidiens algériens avait dénoncé une « politique française d’un pas en avant et dix en arrière » et estime que cet acte « risque de jeter un pavé dans la mare et de troubler le climat serein qui caractérisait les relations entre les deux pays ces derniers temps». Autrement dit, l’affaire Bouraoui a eu pour conséquence d’altérer la confiance qui a été âprement construite entre l’Algérie et la France. Forcément, les interactions futures entre Alger et Paris seront probablement moins chaleureuses.
Khider Larbi