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Crise malienne : La tension monte entre Bamako et les groupes du Nord

Les esprits commencent à nouveau à s’échauffer au Mali. Les autorités de transition malienne et les anciens groupes rebelles du Nord continuent à s’accuser mutuellement de l’échec de l’application de l’accord de paix et de réconciliation issu du Processus d’Alger. L’accord signé en 2015 par l’État malien et des groupes loyalistes avec la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a mis fin aux hostilités enclenchées avec l’insurrection indépendantiste de 2012 dans le Nord. Depuis quelques jours, les échanges d’accusations sont montés en intensité. Le ministre malien de la Réconciliation nationale, le colonel major Ismaël Wagué, vient d’accuser l’un des principaux groupes signataires de violations répétées de l’accord. «Le comportement de certains mouvements constitue une entrave à la paix», a insisté le ministre dans une lettre datée du 24 février adressée à la médiation internationale et authentifiée par plusieurs sources.

Le responsable malien a cité plus particulièrement les ex-rebelles indépendantistes de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) qu’il accuse notamment d’avoir installé des états-majors et des postes militaires dans le Nord, d’avoir mené des actions «entravant» le fonctionnement des bataillons de l’armée reconstituée – justement créée par l’accord de paix et qui rassemble soldats de l’armée malienne et combattants des groupes armés signataires. Le Colonel Wagué leur a reproché également de prendre en charge la sécurisation de Kidal en dépit de la présence de ce bataillon de l’armée reconstituée. Le colonel major Ismaël Wagué a accusé par ailleurs d’anciens groupes politico-militaires du Nord de «collusion de plus en plus manifeste avec les groupes terroristes». Plusieurs dirigeants de la CMA ont, de leur côté, rejeté fermement ces accusations «qui ne sont pas nouvelles». Ils affirment que les actions sécuritaires de la CMA respectent le cadre de l’accord et nient toute collusion « non prouvée » avec les terroristes. 

Nouveau bras de fer

Dans sa lettre, le ministre malien de la Réconciliation nationale a martelé sur un ton menaçant que «le gouvernement mettra tout en œuvre, quels qu’en soient le prix et la forme», «jusqu’à l’éradication du dernier terroriste» et « la sécurisation complète du Mali». «Le gouvernement, tout en restant attaché à la mise en œuvre intelligente de l’accord, rejettera d’office toute accusation qui serait de nature à le tenir pour responsable des éventuelles conséquences de sa violation», souligne le texte. Pour le moment, la Coordination des mouvements de l’Azawad n’a pas encore répondu officiellement aux accusations de Bamako, préférant probablement attendre de voir comment la situation va évoluer sur le terrain.Cet avertissement intervient dans un contexte de vives tensions entre Bamako et les signataires de l’accord d’Alger, au premier rang desquels la CMA formée par les autonomistes du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) et les indépendantistes du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Les ex-groupes politico-militaires du nord-malien, signataires de l’accord d’Alger de 2015, soupçonnent fortement Bamako de vouloir renier ses engagements et de vouloir reconquérir le terrain par la force. Leurs soupçons se fondent sur le fait que les autorités maliennes n’ont pas avancé du tout dans l’application des principales dispositions de l’accord conclu pourtant au terme d’âpres et longues négociations. Ce mouvement a d’ailleurs annoncé en décembre suspendre sa participation à sa mise en œuvre. Par cette décision, la CMA entendait ainsi dénoncer «l’absence persistante de volonté politique des autorités de transition à appliquer l’accord» et «l’inertie de celles-ci face aux défis sécuritaires ayant occasionné des centaines de morts ». Huit ans après cette signature, les deux protagonistes, à savoir l’État malien et les groupes signataires, continuent de se rejeter la responsabilité du blocage. Un responsable soutenant les autorités de Bamako a même prédit en février une reprise prochaine des hostilités. De son côté, la communauté internationale, garante de cet accord, exige sa mise en œuvre diligente. Pour elle, il s’agit de sauver cet accord qui semble aujourd’hui en péril.

Pour tenter d’apaiser les tensions et de rapprocher les points de vue, l’Algérie, cheffe de la médiation internationale, a entrepris ces dernières semaines plusieurs tours de table avec les protagonistes de la crise. Non loin que le 25 février dernier, le président Abdelmadjid Tebboune a reçu en audience Alger les présidents et les représentants des mouvements politiques du Mali. Depuis 2015, l’Algérie à dû intervenir à de nombreuses reprises pour calmer les esprits et convaincre les différents protagonistes de la crise de l’importance et de l’urgence de mettre en œuvre l’accord d’Alger. Un accord sans lequel le Mali risque à nouveau de retomber dans la crise.

Khider Larbi

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