Relations algéro-françaises : Quand le Quai d’Orsay dit une chose et fait son contraire
Dans sa réponse à une question d’un député français sur les relations entre la France et l’Algérie, Catherine Colonna, ministre française des Affaires étrangères, a déclaré mardi qu’il était « de la responsabilité de tous de contribuer à développer notre relation avec l’Algérie ». Il s’agit là sans doute d’une manière de décocher une flèche en direction de certains milieux politiques français qui cherchent actuellement à saborder le rapprochement entre l’Algérie et la France. C’est le cas, par exemple, de l’ancien ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, qui intervient régulièrement dans la presse française pour s’attaquer à l’Algérie.
La cheffe de la diplomatie française a expliqué lors de son intervention qu’ « (…) avec l’Algérie, nous regardons vers l’avenir, car nous avons une ambition forte et nous entendons poursuivre ce travail, au bénéfice de nos peuples, et en particulier au bénéfice de nos jeunesses ». Catherine Colonna a rappelé que « la France est liée (…) à l’Algérie par des liens d’une nature exceptionnelle, des liens qui dépassent les personnes et qui dépassent les contingences, car ils prennent racines dans une histoire partagée, une histoire d’une richesse, mais aussi d’une complexité, vous l’avez dit, qui est hors du commun ».
Ces liens hors du commun, a-t-elle souligné, on peut les voir à l’œuvre, avant tout, dans les échanges humains. « Nos trois pays sont liés, indéfectiblement, par leurs jeunesses, par leurs étudiants, par leurs langues, par leur histoire, par les histoires familiales. Des histoires imbriquées dans la grande Histoire. Malheureusement, dans ce genre de relations étroites, on ne peut éviter, parfois, des périodes de doutes ou quelques accrocs. On le sait », a-t-elle poursuivi. Catherine Colonna insistera sur l’idée que « ce qui est important, c’est ce que nous voulons pour l’avenir, par-delà ces vicissitudes. C’est le sens de la visite d’amitié du Président de la République (Emmanuel Macron, NDLR) en Algérie fin août dernier, et de celle de la Première ministre (Elizabeth Borne, NDLR) en octobre, qui ont l’une et l’autre tracé des perspectives pour le temps long entre nos deux pays, y compris sur le plan mémoriel ».
C’est la seconde fois en moins d’un mois qu’un responsable français s’exprime sur les relations algéro-françaises qui traversent à nouveau une sérieuse zone de turbulences. La dernière en date est celle du président français Emmanuel Macron. Invité également à s’exprimer sur le froid qui caractérise les relations algéro-françaises, il a indiqué lors d’une conférence de presse, le 27 février dernier, sur sa nouvelle stratégie en Afrique, qu’il allait continuer à «avancer» pour renforcer la relation de la France avec l’Algérie, au-delà des «polémiques» actuelles et des tensions entre ces deux pays.
Coups bas
Emmanuel Macron a ajouté : «On va avancer, la période n’est pas la meilleure mais ça ne m’arrêtera pas. Je sais pouvoir compter sur l’amitié et l’engagement du président Tebboune ». «Il y a eu une polémique sur le retour en France d’une Franco-algérienne (Affaire Amira Bouraoui, Ndlr) depuis la Tunisie, avec aussi beaucoup de choses qui ont été racontées et un discours qui s’est construit. Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ont intérêt à ce que l’on fait depuis des années maintenant avec l’Algérie n’aboutisse pas», a-t-il fait remarquer. «Et bien j’ai un message très simple : je vais continuer, ce n’est pas le premier coup de grisou, j’en ai déjà eu mais il faut continuer ainsi, humblement, honnêtement», a-t-il conclu. Le président français s’exprimait deux semaines après la crise provoquée par l’affaire Amira Bouraoui. L’exfiltration début février de l’activiste algérienne pour la France à partir de Tunis a outré les autorités algériennes qui y ont dénoncé une « exfiltration clandestine et illégale», surtout qu’Amira Bouraoui faisait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire et était par ailleurs entrée illégalement en Tunisie. Avant de gagner la France, elle devait être expulsée vers l’Algérie. Pour exprimer son mécontentement, la présidence de la République avait rappelé l’ambassadeur d’Algérie en France pour consultations. Le diplomate algérien n’a d’ailleurs toujours pas regagné son poste. Au strict plan du discours, il est possible de déceler de la part des autorités françaises une volonté à la fois de ne pas envenimer la situation et de ramener de la sérénité dans les relations algéro-françaises. Seulement cette volonté réitérée mardi par la cheffe du Quai d’Orsay est démentie par la réalité du terrain. A titre d’exemple, il n’est pas recevable de plaider d’un côté en faveur d’un partenariat d’exception avec Alger et de l’autre autoriser la diffusion par France 24, une chaîne publique de télévision qui est le bras médiatique du Quai d’Orsay, d’une interview du chef du groupe terroriste Aqmi dans laquelle il appelle à la reprise des actes terroristes en Algérie. C’est tout simplement inadmissible. Il s’agit d’un geste des plus inamicaux. A ce niveau, il n’est pas admis de dire une chose et de faire son contraire. A moins qu’il y ait des desseins cachés. Les relations algéro-françaises iront certainement mieux lorsque Paris cessera sa politique du double langage et ses coups bas.
Khider Larbi