Algérie-Union européenne : Borrell dit à Bruxelles ce qu’il pense de sa visite à Alger
Le Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, est revenu dans un compte rendu, publié dimanche sur le site internet du Service diplomatique de l’Union européenne, sur sa visite en Algérie le 12 mars dernier où il a rencontré le président Abdelmadjid Tebboune, ainsi que d’autres hauts responsables du gouvernement.
D’emblée, le chef de la diplomatie européenne rappelle que ce déplacement a eu lieu dans « un contexte régional difficile ». Il a indiqué avoir néanmoins pu échanger « de manière franche et constructive sur tous les sujets d’intérêt commun avec le Président Tebboune et le Premier ministre Aïmen Benabderrahmane ». Josep Borrell rappelle dans son compte rendu que l’Algérie est de longue date un partenaire important pour l’UE dans de nombreux domaines, ajoutant qu’elle est en particulier un fournisseur majeur et fiable de gaz naturel de l’UE, représentant entre 10 et 12 % des importations totales européennes au cours des 10 dernières années. « C’est bien sûr un sujet crucial pour l’UE dans le contexte géopolitique actuel », a-t-il reconnu. Mais, précise-t-il, « c’est très loin d’avoir été la seule raison de ma visite ni même le principal moteur de notre volonté de renforcer nos liens avec l’Algérie ».
Il apparaît au travers de ce compte-rendu que sa visite avait surtout pour but de normaliser les relations commerciales entre l’Algérie et l’Union européenne. Des relations qui ont connu un ralentissement depuis au moins 7 ans pour de nombreuses raisons. La première d’entre elles étant que l’Algérie considère que l’Accord d’association signé en 2002 avec l’UE est déséquilibré. Lors de la chute des prix du brut en 2015 a par ailleurs réduit ses importations de la zone euro pour éviter une saignée de ses réserves de changes.
Ces mesures semblent avoir dérangé Bruxelles. « (…) Les mesures protectionnistes introduites par l’Algérie en 2015 ont eu un impact négatif sur nos échanges par la suite. A ce moment-là, en effet, les prix des énergies fossiles avaient chuté et l’Algérie cherchait à limiter ses importations. Les exportations de l’UE vers l’Algérie ont baissé de 45 % depuis et aujourd’hui la balance commerciale est très déséquilibrée. Au cours de la période récente, nous étions cependant engagés dans une dynamique plus positive. Cela s’était traduit notamment par la visite du Président du Conseil Européen Michel en septembre 2022, la première visite à haut niveau depuis 2018 », a rappelé M. Borrell.
Le chef de la diplomatie européenne a dit que la situation ne s’est pas améliorée puisque « depuis juin 2022, à la suite d’un changement de position de l’Espagne au sujet du Sahara occidental, de nouvelles tensions ont fragilisé cette dynamique ». « Les importations provenant d’Espagne ont été de facto suspendues presque totalement. Cela pèse fortement sur l’ensemble de la relation UE-Algérie », a-t-il expliqué. Josep Borrell a assuré que « le blocage actuel n’est dans l’intérêt de personne ». « J’espère que, suite à nos échanges, nous pourrons trouver ensemble au cours des semaines qui viennent des solutions pragmatiques pour sortir de cette situation », a-t-il poursuivi sans en dire davantage.
Les attentes et les espoirs de Bruxelles
Comment voit-il l’avenir entre l’Algérie et l’UE ? Josep Borrell a dit que « pour notre part, nous souhaitons en effet développer nos relations avec l’Algérie sur le terrain économique, non seulement comme fournisseur de gaz mais pour préparer ensemble l’avenir, en privilégiant en particulier les investissements dans le secteur des énergies renouvelables ». « L’Algérie dispose d’un énorme potentiel dans ce domaine encore peu exploité aujourd’hui. Au-delà, l’expertise technique européenne pourrait aider l’Algérie à diversifier son économie et accroître ses exportations non énergétiques vers l’UE », a-t-il assuré.
Dans son long compte-rendu, le chef de la diplomatie européenne a indiqué que lui et ses interlocuteurs algériens ont discuté également des migrations. Les deux parties ont convenu de poursuivre leurs échanges au sujet d’une coopération en ce qui concerne la gestion des frontières et les retours volontaires d’Algérie vers l’Afrique subsaharienne. Dans le domaine de la coopération judiciaire et policière, il fait état d’une décision d’ « accélérer les négociations en cours pour un accord avec Eurojust et un ‘’working arrangement’’ avec Europol, afin notamment d’aider l’Algérie à recouvrer les « biens mal acquis », dans le cadre des actions en cours dans le pays contre la corruption ».
Les deux parties ont également échangé de façon approfondie au sujet de la situation au Sahel, voisin de l’Algérie. Josep Borrell a rappelé qu’au Mali, l’Algérie joue en effet un rôle important du fait qu’elle est garante de l’accord d’Alger de 2015 et qu’elle est chef de file de la médiation internationale qui comprend aussi l’UE et les pays voisins. Il fera néanmoins remarquer que « cet accord est aujourd’hui mis en difficulté par le regain de tension entre Bamako et les mouvements du Nord ». « J’ai fait part au président algérien, à la fois de notre préoccupation face au développement du terrorisme au Sahel et dans le Golfe de Guinée et de notre inquiétude face à l’implication croissante (…) de Wagner dans la région. Nous avons convenu de relancer le Dialogue de haut niveau UE-Algérie en matière de sécurité. Les premières réunions se tiendront avant la fin de l’année », a-t-il fait savoir. Au sujet de la situation en Tunisie, de plus en plus préoccupante, l’ancien MAE espagnol a dit avoir demandé à ses interlocuteurs « de peser auprès des autorités tunisiennes en faveur d’un accord avec le Fonds Monétaire International qui conditionne également l’aide européenne à ce pays ».
Khider Larbi