La réforme des retraites provoque un tollé général : Climat insurrectionnel en France
L’Assemblée nationale française a rejeté, lundi soir, la seconde motion de censure, déposée par les députés RN (Rassemblement national), suite au recours du gouvernement à l’article 49.3 pour faire valider, sans vote, son projet de réforme des retraites, ce qui entraîne l’adoption par le Parlement de cette réforme.
Après le rejet à seulement neuf voix de la première motion dite « transpartisane », celle de l’extrême droite (RN) n’a recueilli que 94 voix sur les 287 nécessaires pour que le gouvernement d’Elisabeth Borne soit renversé. Juste après le rejet de la première motion de censure, les députés de gauche ont brandi des pancartes sur lesquelles il est écrit « on continue », « rdv dans la rue » ou encore « 64 ans c’est non ». Dans un communiqué, les députés du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot), à l’origine de la première motion de censure, ont « regretté » le « rejet de justesse » de leur motion. « Malgré le vote d’aujourd’hui, le gouvernement a perdu la bataille des retraites », ajoutent-ils, appelant à « ne pas promulguer cette loi » ou à « permettre aux Français de voter en soumettant cette réforme à référendum ».
Les oppositions ont annoncé déjà des saisines du Conseil constitutionnel, qui devra se prononcer avant une promulgation du projet de réforme très contesté, qui prévoit notamment le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Après l’adoption de la loi par le Parlement, le président de la République dispose de quinze jours pour promulguer la loi. Toutefois, si au moins soixante parlementaires saisissent le Conseil constitutionnel, ce délai est suspendu. Les opposants au projet de loi prévoient également de sortir à nouveau dans la rue pour protester. Des voix appellent même à la désobéissance civile. Samedi, ils avaient exprimé leur colère avec de nouveaux rassemblements et des blocages grandissants dans les raffineries. La crainte d’une radicalisation de la contestation a conduit les autorités à interdire tout rassemblement sur la place parisienne de la Concorde, proche de l’Assemblée nationale et du palais présidentiel de l’Elysée, où des heurts ont éclaté jeudi et vendredi en soirée. Les manifestants parisiens, quelque 4.000 selon une source policière, se sont repliés sur la place d’Italie, dans le sud-est de la capitale, où ils ont clamé leur refus du passage de 62 à 64 ans de l’âge de départ à la retraite, pierre angulaire de la réforme très impopulaire, voulue par Emmanuel Macron. Depuis la décision jeudi du gouvernement de faire adopter la réforme sans vote à l’Assemblée nationale, la mobilisation s’est durcie, portée par de jeunes militants peu nombreux mais lassés des manifestations massives qui se succèdent depuis mi-janvier. Des rassemblements se sont tenus un peu partout dans le pays, à Brest (ouest), Toulon ou Montpellier (sud-est), avant une nouvelle journée d’action nationale prévue pour ce jeudi. Selon un sondage publié par le Journal du Dimanche, la popularité d’Emmanuel Macron s’est écroulée en mars, à 28%, au plus bas depuis le sortir de la crise des « gilets jaunes » en 2019. Syndicat classé à gauche, la CGT a marqué les esprits en annonçant samedi que la plus grande raffinerie du pays, située en Normandie (nord-ouest) et exploitée par TotalEnergies, avait commencé à être mise à l’arrêt. Un cap a ainsi été franchi. Depuis le début du mouvement, les expéditions de carburant ont été bloquées mais aucune des sept raffineries françaises n’avait été totalement mise à l’arrêt.
Le ministre français de l’Industrie Roland Lescure a laissé entendre que le gouvernement pourrait répliquer en procédant à des réquisitions d’agents. D’autres secteurs clés de l’économie restent par ailleurs perturbés par la mobilisation, notamment dans les transports et la collecte de déchets ménagers. A Paris, environ 10.000 tonnes de déchets sont toujours en attente de collecte sur les trottoirs de la capitale et du personnel va être réquisitionné par le gouvernement pour commencer à collecter des déchets, qui débordent dans plusieurs quartiers. Le gouvernement a choisi de relever l’âge de départ à la retraite pour répondre à une dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population. La France est l’un des pays européens où l’âge légal de départ est le plus bas, même si les systèmes ne sont pas complètement comparables.
Khider L.