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Moyen-Orient : L’Irak condamne un « bombardement » turc près d’un aéroport au Kurdistan

Le président irakien Abdel Latif Rachid a condamné hier un « bombardement » imputé aux forces turques et mené la veille contre l’aéroport de Souleimaniyeh au Kurdistan d’Irak, théâtre de luttes meurtrières entre Ankara et les combattants kurdes turcs du PKK. Depuis des décennies, le conflit opposant la Turquie au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), mouvement classé « terroriste » par Ankara et ses alliés occidentaux, a débordé dans le nord de l’Irak, les deux camps y disposant de positions militaires ou de bases arrières. Au Kurdistan d’Irak, région autonome du nord du pays, Ankara effectue ponctuellement des frappes de drones contre le PKK. L’armée turque a aussi lancé plusieurs offensives en Syrie voisine contre une coalition dominée par des combattants kurdes qu’elle considère comme une extension du PKK. Vendredi, les services de sécurité de l’aéroport de Souleimaniyeh, deuxième ville du Kurdistan irakien, avaient laconiquement rapporté une « explosion » près du mur d’enceinte qui n’a pas fait de victimes. « Les opérations militaires turques contre la région du Kurdistan se répètent, la dernière en date étant le bombardement contre l’aéroport civil de Souleimaniyeh », a accusé hier la présidence irakienne dans un communiqué. « En condamnant ces attaques sur l’Irak et sa souveraineté, nous assurons qu’il n’y a aucune justification légale permettant aux forces turques de poursuivre » de telles actions, ajoute le texte. Une source au ministère de la Défense a démenti toute implication, affirmant que « les forces armées turques n’ont pas eu une telle activité ». La Turquie a fermé début avril son espace aérien aux avions en provenance et à destination de l’aéroport de Souleimaniyeh. Ankara a justifié cette mesure en accusant les combattants du PKK d’avoir intensifié leurs activités dans le secteur, fustigeant même une « intrusion » de l’organisation « terroriste » dans l’aéroport. Illustrant la complexité d’un conflit impliquant de nombreux belligérants, une coalition en Syrie dominée par des combattants Kurdes, les Forces démocratiques syriennes (FDS), a réagi vendredi soir à l’incident de Souleimaniyeh. Evoquant des « informations qui prétendent » que le commandant en chef des FDS Mazloum Abdi avait été pris pour cible, la coalition a assuré qu’il s’agissait d’informations « sans fondement ». M. Abdi a lui-même condamné hier le bombardement contre l’aéroport de Souleimaniyeh. Il a par ailleurs estimé dans un tweet que « la position de soutien » apportée par l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), parti aux manettes à Souleimaniyeh, « à ses frères en Syrie irritait la Turquie ». « Nous poursuivrons nos relations de principe avec nos frères et alliés à Souleimaniyeh », promettait-il. Ces relations avaient été mises au jour à la mi-mars à l’occasion d’un autre incident dans le nord de l’Irak. Neuf combattants des FDS ont péri dans le crash de deux hélicoptères causé par « le mauvais temps », selon un communiqué. Cette délégation se rendait au Kurdistan irakien pour « échanger des informations militaires et de sécurité ». Considérant les FDS et leur principale composante des YPG (Unités de protection du peuple) comme une extension du PKK, la Turquie les qualifie aussi de « terroristes », même s’ils sont les précieux alliés de Washington dans la lutte contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI). En Irak, Ankara a installé depuis 25 ans plusieurs dizaines de bases militaires au Kurdistan autonome, qui n’a d’autre choix que d’accepter cette présence et les opérations terrestres et aériennes menées régulièrement contre le PKK. En juillet 2022, des frappes d’artillerie imputées à Ankara contre une aire de loisirs du Kurdistan avaient tué neuf civils parmi lesquels des femmes et des enfants. La Turquie avait nié toute responsabilité et accusé le PKK.

R.I.

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