Le sommet arabe de Djeddah marqué par de l’embarras : Le pari raté de MBS
Le 32e Sommet arabe a pris fin à Djeddah. Un sommet que le prince héritier du Royaume wahabbite, Mohamed Ben Salmane, voulait un tremplin pour ses ambitions, mais qui s’est terminé en queue de poisson.
Le Sommet arabe de Djeddah aura laissé l’impression d’un échec. Bon nombre de chefs d’États arabes auront boudé le rendez-vous saoudien. Au-delà de l’absence du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, Mohamed Ben Salmane, l’héritier du trône et premier ministre du Royaume n’aura même pas réussi à rallier ses alliés du Conseil de coopération du Golfe. Aussi bien le président des Émirats arabes unis, Cheikh Mohammed ben Zayed Al Nahyan, que l’émir du Koweït, absent pour des raisons de santé que le sultan d’Oman, Haitham bin Tariq, ont décliné l’invitation. Le roi du Maroc a, comme à l’accoutumée, boudé le Sommet de la Ligue arabe. Il en est de même pour le président de l’union africaine, le président comorien, Azali Assoumani, sans oublier le chef du Conseil de souveraineté soudanaise et commandant de l’armée, Abdel Fattah al-Burhan, embourbé dans un conflit qui secoue son pays depuis plus d’un mois, absent lui aussi. Mais au-delà de cet absentéisme qui met à mal les ambitions saoudiennes de faire de ce sommet un rendez-vous « historique », MBS s’est raté en imposant à ses hôtes un invité surprise, mais surtout encombrant. La présence du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, au Sommet de Djeddah a surpris, mais elle a surtout causé de l’embarras au sein des délégations qui ont pris part au Sommet. Un embarras qui peut expliquer d’ailleurs la précipitation avec laquelle certains hôtes ont chercher à en finir avec ce Sommet. Le fait est que MBS ait cherché à imposer, sans consulter qui que ce soit, le dossier ukrainien dans les travaux du Sommet a surpris plus d’un. D’autant plus que Zelensky, allié d’Israël et qui a fermé allègrement les yeux sur les atrocités commises par l’occupation israélienne en Palestine a eu l’audace de dicter leur conduite aux dirigeants arabes. « Malheureusement, certains pays dans le monde et ici, parmi vous, ferment les yeux sur ces prisons et annexions illégales », dira l’encombrant hote. Il a ainsi appelé les dirigeants de la région à « jeter un regard honnête » sur la guerre.
Une invitation qui a suscité moult interrogations sur les motivations de MBS. Si certains avancent l’argument que l’Arabie saoudite a cherché à travers le Sommet de Djeddah et l’invitation de Zelensky au travaux, en contradiction avec le protocoles et règles qui régissent l’organisation panarabe, à imposer « un leadership régional » et s’inviter en médiateur dans le conflit ukrainien en proposant un plan de paix, l’impression qui demeure est que l’Arabie saoudite a surtout cherché à rassurer ses « alliés » occidentaux traditionnels quant à son positionnement géostratégique.
Dans le prolongement de la Déclaration d’Alger
Ainsi et en cherchant à démonter et conforter un semblant de « leadership » sur le monde arabe, MBS aura surtout démontrer le peu d’intérêt que le Royaume qu’il « dirige » accorde aux questions vitales qui concernent le monde arabe. Il aura tout fait pour éclipser l’événement majeur de ce sommet, soit le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe. Un retour qui a été le fruit des efforts de la diplomatie algérienne qui s’est affairée pendant de longs mois pour concrétiser ce retour et en faire le symbole de la réunification des rangs et de la fin des divisions un retour acté sous la présidence algérienne de la Ligue arabe et formalisé lors de la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères, le 7 mai, au Caire. Il aura détourné les regards de la question palestinienne et des développements dangereux dans la région, des conflits qui secouent le monde arabe au Liban, en Libye et plus récemment au Soudan. Le Sommet de Djeddah n’aura au final pas marqué l’action arabe commune. La Déclaration de Djeddah qui a sanctionné les travaux du sommet s’est au final inscrite dans le prolongement de la Déclaration d’Alger et du Sommet d’Alger qui avait, lui, l’ambition de marquer un tournant dans l’action arabe commune et de recentrer les débats sur les défis qui s’imposent au monde arabe, comme la sécurité alimentaire et hydrique, la coopération économique interarabe, la gestion et le traitement des conflits dans le monde arabe, sans oublier d’avoir remis la question palestinienne au cœur des préoccupations et d’avoir initié un processus de réconciliation inter-palestinienne.
Lyes Saidi