Un sixième coup d’État en Afrique en quelques mois : L’Effet domino !
Depuis 2020, six pays d’Afrique ont été touchés par des coups d’État militaires.
Après le Mali en 2020 puis en 2021, le Soudan et la Guinée en 2021, le Burkina Faso en 2022 et le Niger au mois de juillet dernier, voilà que le Gabon, petit pays de l’Afrique de l’Ouest a été secoué par un putsch qui a déposé le président réélu, cette semaine, pour un troisième mandat Ali Bongo. Un effet de contagion qui fait craindre le pire dans ce continent dont l’histoire récente a été marquée par de multiples putsch et qui est aujourd’hui miné par l’instabilité.
Un groupe de militaire a en effet annoncé hier l’annulation des élections au Gabon, la dissolution de « toutes les institutions de la République » et la « fermeture des frontières du pays jusqu’à nouvel ordre ». Une annonce est intervenue peu après la publication des résultats officiels de l’élection présidentielle de samedi, qui a vu le président sortant, Ali Bongo Odimba, décrocher un troisième mandat avec 64,27% des suffrages, contre 30,77% pour son rival Albert Ondo Ossa. Ali Bongo Odimba a été placé en résidence surveillée. Un des fils du chef de l’État sortant, Noureddin Bongo Valentin, a par ailleurs été arrêté. Les militaires ont également annoncé une enquête ouverte contre ces personnes pour, entre autres, « haute trahison contre les institutions de l’État », « détournements massifs des deniers publics », « corruption active » ou encore « trafic de stupéfiant ». Le commandant en chef de la garde républicaine, l’unité d’élite de l’armée du Gabon, le général Brice Oligui Nguema, a été par ailleurs été nommé « président de la transition » par les militaires putschistes, dans un communiqué lu à l’antenne de la télévision Gabon 24. « Le général Oligui Nguema Brice a été désigné à l’unanimité président du Comité pour la transition et la restauration des institutions, président de la transition », a déclaré un officier en présence de dizaines d’officiers supérieurs et généraux, qui représentent tous les corps de l’armée gabonaise, selon le communiqué. La durée de la transition des militaires au pouvoir n’a pas été précisée. Il est vrai que des tensions étaient déjà été perceptibles dans ce pays depuis le jour des élections samedi. Le pays avait d’ailleurs coupé l’accès à internet et suspendu la diffusion des chaines internationales françaises TV5 Monde, France 24 et RFI pour éviter la diffusion de « fausses informations » avaient alors indiqué. Cependant, la réélection d’Ali Bongo, issu d’une dynastie qui règne sur le Gabon, depuis près de six décennies a mis le feu aux poudres. A l’annonce de cette réélection, l’opposition a dénoncé une fraude massive.
Ali Bongo-Odimba est le fils d’Omar Bongo Ondimba qui a dirigé le pays de décembre 1967 jusqu’à sa mort en juin 2009. Omar Bongo Ondimba est considéré comme l’un des alliés de Paris et piliers de la FranceAfrique. D’ailleurs il avait été installé au pouvoir le général De Gaulles et l’homme d’affaires et Jacques Foccart et a été associé à de nombreux scandales financiers et de malversations tels que l’affaire Elf. Bien qu’il ne se destinât pas à une carrière politique et voulait suivre la voie du chant comme sa mère, Ali Bongo Odimba a été préparé par le patriarche pour assurer la succession dès la fin des années 80. Ali Bongo Odimba a été nommé ministre des Affaires étrangères en 1989, puis ministre de la Défense avant de succéder à son père en 2009. Le règne de l’héritier était cependant loin d’être serein, En 2016, de nouvelles élections ont eu lieu au Gabon, et Ali Bongo la remporte de justesse. Cela a conduit à des contestations massives dans tout le pays.
En 2019, une tentative de coup d’État pour renverser le pouvoir a échoué. Elle a été menée par des officiers de l’armée qui ont pris d’assaut les locaux de la radiodiffusion nationale et ont annoncé la prise du pouvoir, pour mettre fin au règne de la famille Bongo. Cependant, cette tentative a été rapidement réprimée et les officiers impliqués ont été arrêtés.
Au-delà, des faits la multiplication des coups d’État en Afrique, et bien qu’ils renseignent sur la fragilité des systèmes et États en place, ils s’inscrivent dans un contexte marqué par de profond changements sur la scène géopolitique mondiale. Des changements qui semblent directement affecter le continent noir aggravant l’instabilité qui minent de nombreux pays, à l’image de la Libye, du Soudan, du Mali, du Burkina Faso et du Niger. La crainte de voir le continent se muer en théâtre des confrontations entre les grandes puissances est bien réelle.
Une situation qui impose une réflexion profonde sur l’approche à adopter face à ces multiples crises, mais aussi concernant les raisons profondes de l’instabilité chronique qui affecte l’Afrique. Une approche qui doit prendre en question de développement, de consolidation de l’indépendance économique et politique de l’Afrique, l’action à mener pour ancrer les pratiques démocratiques mais aussi la consolidation du cadre juridique légal face à ces changements anticonstitutionnels de régimes. Notons dans ce contexte, que le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf a a indiqué mardi que l’Algérie présentera lors du prochain sommet de l’Union africaine (UA) des propositions pour renforcer le principe du rejet des changements anticonstitutionnels ainsi que les mécanismes de sa concrétisation, d’autant qu’elle se considère « la dépositaire politique et moral du principe du rejet des changements anticonstitutionnels de pouvoir en Afrique, lequel a été consacré sur sa terre lors du sommet africain de 1999 ».
Lyes Saidi