Sommet du Forum des pays exportateurs de gaz à Alger : Vers une Opep du gaz ?
Le prochain sommet du Forum des pays exportateurs de gaz prévue du 29 février au 2 mars à Alger doit permettre au GECF d’embrasser pleinement le rôle qu’il doit jouer sur le marché gazier en faisant une organisation qui peut peser sur ce marché, de permettre au pays membres de contrôler pleinement leurs ressources naturelles et d’engager une refonte des relations commerciales entre les producteurs et les consommateurs de gaz.
Une Opep du gaz est-elle possible ? La question a alimenté les débats d’experts notamment en raison des spécificités du marché gazier qui différent de celles du marché pétrolier, le marché gazier étant un marché régionalisé dominé par les réseaux de transports par gazoducs, régi par des contrats et des règles spécifiques assis sur les contrats à long terme et l’indexation des prix du gaz sur ceux du pétrole, bien qu’adossé à des marchés spots. Cependant, le contexte change tout comme le marché d’ailleurs, d’abord en raison d’une expansion rapide de la production et des exportations de gaz naturel liquéfié, mais aussi de la place que le gaz est appelé à occuper dans le mix énergétique mondial dans le cadre de la transition énergétique. Au-delà des aspects techniques, énergétiques et économiques purs, le gaz devient un enjeu géopolitique. Le conflit en Ukraine l’a bien démontré, tout comme les tentatives des pays consommateurs de créer des mécanismes pour contrer les leviers de marché et imposer des plafonds aux prix du gaz. Les récents évènements et notamment la dernière conférence des parties pour le climat tenue en novembre à Dubai a mis en avant les luttes qui s’organisent autour des enjeux énergétiques au cœur desquels se trouve le gaz. La Cop 28 a été mue en tribune pour diaboliser les énergies fossiles, y compris l’énergie propre qu’est le gaz naturel appelé à jouer un rôle clé dans la transition et la sécurité énergétiques, en agitant l’argument climatique. Une tribune qui a également servi à promouvoir paradoxalement le recours à l’énergie nucléaire, extrêmement polluante et dont la technologie et contrôlée par quelques pays développés, dans la transition énergétique au mépris des considération environnementale. Un événement qui a démontré que la transition énergétique ne concerne plus les seules considérations écologiques réduites à de simples arguments, mais est un enjeu de domination énergétique, économique et géopolitique. Une évolution qui impose une plus grande coopération et coordination entre les producteurs de gaz, pour peser sur le marché, stabiliser les prix et surtout défendre les intérêts des pays producteurs de gaz et garantir des relations avec les pays consommateurs, et notamment ceux du bloc OCDE, plus équilibrées.
C’est dans ce contexte qu’intervient justement le 7e Sommet des chefs d’États du Forum des pays exportateurs de gaz lequel se tiendra à Alger du 29 février au 2 mars. Un Sommet qui doit permettre au GECF d’embrasser pleinement le rôle qui doit être le sien sur marché. Permettra-t-il de parvenir à la création d’une Opep du gaz ? Pour l’ancien ministre de l’Énergie et expert des marchés gaziers, Noureddine Nait Laoussine, le GECF « doit monter au créneau » et opérer « un rapprochement stratégique » avec l’Opep+. Dans un entretien à l’APS publié hier, l’ancien ministre de l’Énergie a indiqué « que les pays du GECF sont dans la quasi totalité de l’hémisphère Sud et « sont, à juste titre, tous préoccupés par le souci de consolider la place du gaz ». De ce fait, estime l’expert, avec la nouvelle donne gazière qui réserve désormais une bonne place au gaz naturel dans les programmes de lutte contre le réchauffement climatique, par rapport aux autres énergies fossiles, « le moment parait propice à une refondation des relations commerciales entre exportateurs et importateurs de gaz naturel. Le GECF doit monter au créneau ».
Il indiqué que la Déclaration d’Alger qui doit sanctionner le prochain sommet du GECF « devrait souligner que l’alliance OPEP+ et le GECF ont des objectifs communs qui nécessitent un rapprochement stratégique Actuellement, soutient M. Ait-Laoussine, le forum doit exercer, en pratique, davantage d’influence sur le marché « dont les conditions sont, en fait, essentiellement marquées par l’évolution du prix du pétrole (dominé par l’OPEP), avec une indexation partiellement ou totalement basée sur les prix publiés par les +hubs+ pétroliers dans les marchés libres ».
« Ce sommet est devenu indispensable compte tenu du contexte géopolitique actuel, des menaces qui pèsent sur l’approvisionnement énergétique mondial à long terme, suite à la réduction des exportations russes, et de l’importance grandissante du gaz naturel dans la couverture des besoins à l’échelle de la planète », a-t-il ajouté l’expert. Notant que la tenue de cette réunion reflétait une volonté de renforcer l’action du GECF pour protéger les intérêts des pays exportateurs et de favoriser l’expansion du gaz naturel, M. Ait-Laoussine a mis en exergue le poids considérable du GECF dans l’industrie gazière mondiale, puisque ce groupe contrôle 70% des réserves prouvées-récupérables de gaz et contribue pour plus de 50% des échanges internationaux de cette ressource. Pour l’ancien ministre, l’enjeu de cette réunion pour l’Algérie est clair: assurer le succès du sommet, ce qui profitera à l’Algérie, un « acteur très impliqué dans le développement du gaz naturel et dans son commerce à l’international ». Aussi, l’Algérie « dispose d’une expérience prouvée dans le développement de l’industrie du gaz naturel liquéfié (GNL), dans la réalisation de gazoducs en mer profonde et dans la conception d’un contrat équilibré de vente à long terme dont l’ossature est toujours en vigueur aujourd’hui », indique-t-il.
De son côté, Asf Melhem, expert en relations internationales et directeur d’un centre de recherches à Moscou souligné hier lors d’une conférence organisée au ministère de la Communication que le prochain sommet du GECF revêtira une importance particulière dans la mesure où il s’agira encourager le dialogue et la consultation entre les pays membres afin d’assurer la stabilité des prix du gaz dans le monde.
Le Dr Melhem estime que « la principale étape attendue lors du sommet est la création d’une organisation des pays exportateurs de gaz sur le modèle de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) », ce qui « contribuerait à garantir la stabilité des prix du gaz et à atténuer les problèmes rencontrés sur le marché du gaz en proposant des solutions ».
Notons que le Sommet verra la participation des chefs d’Etat, de ministres et de hauts responsables des 12 pays membres, (Algérie, Bolivie, Egypte, Guinée Equatoriale, Iran, Libye, Nigéria, Qatar, Russie, Trinité-et-Tobago, Emirats arabes unis et Venezuela) ainsi que 7 pays observateurs (Angola, Azerbaïdjan, Irak, Malaisie, Mauritanie, Mozambique, et Pérou).
Samira Ghrib