L’usine de production de liège définitivement fermée : Symptôme du déclin de la filière liège ?
Les autorités de tutelle ont annoncé la fermeture et le transfert de ses actifs de l’usine de Liège d’Annaba à « Jijel Liège et Étanchéité ». L’arrêt depuis des années de l’unité qui fut le fleuron de la production du liège à Annaba a finalement été justifié par Youcef Chorfa, ministre de l’Agriculture et du Développement rural. En effet, répondant à une question écrite du député Ali Mouilhi au sujet de l’industrie du liège notamment sur le cas de l’usine d’Oued El Aneb (Berrahal), Youcef Chorfa a confirmé l’impossibilité de rouvrir cette unité de production en raison de l’insuffisance de la matière première extraite du chêne-liège disponible dans les forêts, notamment dans la commune de Séraidi. Or, la disparition progressive de cet arbre productif a eu un impact négatif sur la transformation et l’exploitation du liège, d’où l’inévitable descente aux enfers de l’usine. La prise de cette décision, à savoir la fermeture de l’unité d’Oued El Aneb, est motivée par la diminution considérable du potentiel forestier. Ainsi, le défaut d’une amélioration rapide de la situation de l’unité, risque de compromettre l’existence même de l’industrie du liège en Algérie. Cette diminution de la matière première, qu’est le liège, s’explique également par l’insécurité qui avait caractérisé les maquis de la région durant la décennie noire. Une période qui a contraint tous les exploitants à déserter, laissant les forêts de chêne se développer sur des surfaces complètement abandonnées et sans entretien. Autre conséquence de la diminution du potentiel forestier de liège, les incendies ravageurs naturels ou intentionnellement provoqués. Tous ces facteurs ont fait en sorte que le liège se raréfie de plus en plus et l’unité d’Oued El Aneb n’était plus en mesure d’assurer la matière première. Une conséquence directe pour les entreprises qui en font leur principale ressource, qui n’arrivent plus à satisfaire la demande de leurs clients nationaux et étrangers. La bonne qualité et les propriétés physiques que présente le liège algérien, lui a procuré une place importante sur le marché international. Il a des demandeurs potentiels dont entre autres, l’Italie, le Portugal, l’Inde et la Chine. Rappelons que l’Algérie occupait, jusqu’à il y a peu de temps, la troisième place mondiale en matière d’exportation de cette matière après le Portugal et l’Espagne. Mais en raison du charbonnage et des incendies dévastateurs, dont sont victimes les forêts, c’est toute la filière, et pas seulement les exportations, qui en pâtisse. L’Algérie, qui produisait dans les années 1980 environ 25.000 tonnes de liège/ an, n’en produit actuellement qu’à peine 3.000 tonnes, soit une baisse moyenne de 800 tonnes de liège/an. Des opérations ont été menées par les services de la direction générale des forêts pour relancer le chêne-liège dans le cadre du plan national de reboisement, dont l’objectif était de replanter, sur vingt ans, quelque 1.250.000 hectares. Toutefois, une résolution du Conseil de Participations de l’État (CPE), adoptée en avril 2012 a décidé de privilégier l’accès à la matière première aux entreprises publiques, au détriment du privé. Une décision qui a écarté le secteur privé de l’achat de la matière première liège. En vertu de cette résolution, le liège issu du domaine forestier de l’Etat est cédé prioritairement, et au gré à gré, aux entreprises publiques de transformation du liège, dont celle de « Béjaïa Liège », « Jijel Liège et Etanchéité », et « Taleza Liège Collo ». Ces entreprises publiques ont même bénéficié d’un effacement de dettes et de prêts pour relancer leur production. Ce qui n’a pas été le cas pour l’usine d’Oued El Aneb mise hors service en 2005, pourtant pourvoyeuse d’emplois et de richesses.
Sofia Chahine