Récupération du patrimoine matériel pillé durant la colonisation française en Algérie : Une première étape franchie
Le président de la Commission algérienne histoire et mémoire, Lahcen Zeghidi, a indiqué hier que cette dernière a fini d’inventorier avec son homologue française, les biens culturels et le patrimoine matériel pillés lors de la colonisation française en Algérie. Un inventaire qui compte, entre autres, 2.000 canons, 2 millions de documents d’archives, ainsi que les possessions de l’Émir Abdelkader. Une première étape qui permettra d’entamer le processus de récupération de ces biens.
C’est en marge d’une rencontre tenue hier sur le thème de la « Mémoire nationale et problématique de l’écriture de l’histoire », que Lahcen Zeghidi a tenu à mettre en avant les résultats de la dernière des 4 réunions tenues par la commission algéro-française histoire et mémoire, tenue le 25 janvier dernier à Paris. Une commission qui a réussi à inventorier tout ce que le colonisateur français a pillé entre 1830 et 1962 en termes de patrimoine matériel, souligne-t-il. Il a précisé que la partie algérienne de la commission en question « dispose désormais de toutes les informations nécessaires sur le patrimoine matériel pillé par la colonisation française en Algérie, après avoir visité divers centres et institutions d’archives civils et militaires spécialisées à Paris et dans ses environs ».
Il a ajouté qu’après avoir examiné tous les objets pillés, des armes, du matériel, des vêtements, des écrits et des manuscrits, notamment ceux liés à l’émir Abdelkader, « il a été convenu que ces biens seraient numérotés dans un premier temps, puis réclamés et récupérés ». Il a également confirmé que les deux parties ont convenu de récupérer deux millions de documents, ainsi que toutes les archives liées à la période ottomane antérieure à 1830. Lahcène Zeghidi mettre l’accent particulièrement sur certains biens pillés à l’exemple du « Trésor d’Alger », et le pillage dès les premiers jours de la colonisation de 2000 canons algériens, dont certains sont encore exposés au Musée militaire des Invalides à Paris et qui portent l’inscription « fabriqué en Algérie » en arabe.
Selon le président de la Commission, cette dernière a également demandé lors de la dernière réunion transmission de la carte des lieux où les Algériens exilés et des prisonniers décédés en France au 19e siècle sont enterrés, avec leur numérotation et la possibilité pour leurs descendants de les consulter. Notons que la commission algéro-française Histoire et mémoire comptant dix membres, dont cinq algériens et cinq français, a indiqué dans un communiqué que sa dernière réunion tenue le 25 janvier dernier à Paris s’est accordée sur 9 propositions. Au-delà des aspects liés à la recherche et à la formation, ces propositions concernent notamment la restitution de 5 mètres linéaires d’archives de l’Algérie à l’époque ottomane, ainsi que la remise de 2 millions de documents numérisés des archives nationales d’outre-mer et la restitution des biens culturels. La partie algérienne «propose une liste ouverte de biens symboliques comme ceux ayant appartenu à l’Emir Abdelkader, à Ahmed Bey et à d’autres personnalités algériennes». Parmi ces biens, l’épée, le burnous, le Coran, la tente et les canons de l’Emir, la tente d’Ahmed Bey, la clé et les étendards de Laghouat, les canons, etc. elle aussi salué « la proposition faite par des musées, comme le Quai Branly ou le Louvre, de réaliser un inventaire des items provenant d’Algérie». Les propositions portent aussi sur les cimetières des détenus algériens du XIXe siècle en France. Les historiens se sont convenus de «poursuivre l’identification et la recension des cimetières, des tombes et des noms des détenus algériens du XIXe siècle décédés et enterrés en France, et de valoriser ces lieux de mémoire par l’apposition de plaques commémoratives en une douzaine de lieux (Toulon, Pau, Amboise, Sainte-Marguerite, Sète, Agde, Porquerolles, Calvi, Corte, Ajaccio, la Guyane, la Nouvelle-Calédonie), renvoyant à un site Internet sur lequel des précisions historiques seront données sur ces lieux de détention et les personnes qui y étaient emprisonnées. Elle propose également «la finalisation de l’opération de numérisation des registre de l’état civil et des cimetières de la période coloniale conservés en Algérie. Les historiens français demandent que «les cimetières chrétiens et juifs en Algérie soient cartographiés et leurs registres numérisés».
La création de cette commission avait été annoncée en août 2022 à Alger par les présidents français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune, dans le but de « regarder ensemble cette période historique » du début de la colonisation française (1830) jusqu’à la fin de la guerre d’indépendance (1962). La commission mémorielle, avec à sa tête, du côté algérien, le professeur Mohamed-Lahcen Zeghidi, et du côté français, l’historien Benjamin Stora. Elle a tenu trois autres réunions: la première par visioconférence en avril, la deuxième à Paris en juin, tandis que la troisième réunion a été tenue au mois de novembre dernier à Constantine.
Hocine Fadheli