Les défis de l’élection présidentielle anticipée
Par Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités et expert international.
Le président de la République Abdelmadjid Tebboune a annoncé jeudi une élection présidentielle anticipée prévue le 7 septembre.
Évitons les polémiques sur les réseaux sociaux sur les raisons de l’avancement de la date de l’élection présidentielle, une décision qui est d’ailleurs conforme à la Constitution. Il est plus utile de se pencher sur les défis du président de la République élu qui sont nombreux.
Le constat est que de 1970 à nos jours: l’Algérie à une économie reposant essentiellement sur la rente des hydrocarbures ( 98% des recettes en devises y compris les dérivées d’hydrocarbure). La gestion volontariste, les enjeux internes et les contraintes externes de plus en plus pesantes ont abouti à des changements menés parfois à la hussarde, qui ont révélé une réalité bien amère : la faiblesse d’une véritable stratégie nationale d’adaptation à ce phénomène total et inexorable que sont les nouvelles mutations tant internes que mondiales. La conjonction de facteurs endogènes et exogènes et l’intervention massive – parfois directe et par moment insidieuse – d’acteurs internes et externes a abouti à une transition économique allant vers une économie de marché productive à finalité sociale qui traîne en longueur depuis des décennies et non pas seulement pour la période actuelle.
L’Économie est fondamentalement politique comme nous l’ont enseigné ses fondateurs notamment Adam Smith, David Ricardo, Karl Marx, Joseph Schumpeter et plus près de nous les prix Nobel de sciences économiques attribués aux institutionnalistes entre 2000/2017. Les réformes de la transition socio-économique renvoient à la refondation de l’Etat qui implique de saisir les tendances réelles de la société algérienne face aux mutations tant internes que mondiales. La refondation de l’Etat passe nécessairement par une mutation profonde de la fonction sociale de la politique. Le passage de l’État de « soutien » à l’Etat de justice est de mon point de vue un pari politique majeur, car il implique tout simplement un nouveau contrat social et un nouveau contrat politique entre la Nation et l’Etat. L’Algérie ne peut revenir à elle-même que si les faux privilèges sont bannis et les critères de compétence, de loyauté et d’innovation sont instaurés comme passerelles de la réussite et de promotion sociale. La refondation de l’Etat ne saurait se limiter à une réorganisation technique de l’autorité et des pouvoirs, car la gouvernance est une question d’intelligence et de légitimité réelle et non fictive. Cela suppose de poser la problématique stratégique du futur rôle de l’Etat largement influencé par les effets de nouvelles mutations mondiales dont la transition énergétique, numérique dont les effets des cyber attaques, des effets du réchauffement climatique et de la recomposition du nouveau pouvoir économique, politique et miliaire mondial à travers un monde multipolaire en devenir. Il y a urgence dans cette trajectoire de refondation de l’Etat de mettre fin à la défiance nourrie à l’ égard du militantisme partisan et se pose cette question : est-ce que les formations politiques sont dans la capacité aujourd’hui de faire un travail de mobilisation et d’encadrement efficient, évitant les logiques d’affrontement, et donc de contribuer significativement à la socialisation politique et donc d’apporter une contribution efficace à l’œuvre de redressement national ? En tout état de cause, il nous semble plus équitable, et plus juste politiquement, de raisonner en termes de marché électoral et de laisser, dès lors, les règles du jeu politique et le nombre d’acteurs qui s’y adonnent, se fixer de manière concurrentielle. Le rôle des pouvoirs publics consistera alors à mettre en place les garde-fous indispensables et à veiller au respect strict des lois et des règles qui régissent le fonctionnement de ce marché. Quant à la société civile dans l’implication de la gestion des affaires de la cité, sa diversité, les courants politico-idéologiques qui la traversent et sa relation complexe dans ses relations à la société rendent impérative une réflexion collective à ce propos. Dans cet ordre d’idées, l’Etat doit encourager la création d’associations dans des secteurs qui sont porteurs mais qui restent vierges et complètement ignorés du mouvement associatif ; de faire de ce cadre un instrument efficace d’encadrement de forces vives qui agissent dans la société de manière dispersée et un levier puissant de leur mobilisation en vue de leur implication active dans l’œuvre de redressement national. Mais cette politique n’a de chance de réussir que si le mouvement associatif est assaini et que si les associations qui le composent ne soient pas au service d’ambitions personnelles inavouables et parfois douteuses. Sollicitée à maintes reprises, et à l’occasion d’échéances parfois cruciales, cette dernière se manifestera souvent sa présence d’une manière formelle et ostentatoire, impuissante presque toujours à agir sur le cours des choses et à formuler clairement les préoccupations et les aspirations de la société réelle. Elle est scindée en quatre segments : une société civile principal interlocuteur de l’Etat, ; une société civile appendice des partis islamiques légaux ; une société civile dite démocratique nombreuse, mais atomisée et minée par de rivalités de leadership et enfin une société civile la plus nombreuse, la plus active, collant avec la société. Elle reflète de la dominance de la sphère informelle au niveau économique représentant hors hydrocarbures, plus de 50% de la superficie économique et drainant et selon les données de fin septembre 2022 de la banque d’Algérie plus de 7200 milliards de dinars approchant 50 milliards de dollars. Les exigences d’un Etat fort de sa droiture et de son droit, si elles constituent un outil vital pour la cohésion nationale et le destin de la nation, ne doivent pas occulter les besoins d’autonomie de pouvoirs locaux qui doivent être restructurés en fonction de leur histoire anthropologique et non en fonction des nécessités électoralistes ou clientélistes. La cohésion de ces espaces et leur implication dans la gestion de leurs intérêts et de leurs territorialités respectives enclencherait alors une dynamique de complétions positives et rendront la maîtrise des groupes plus faciles pour la centralité politique nationale. L’avenir appartient au niveau international aux grands ensembles et au niveau interne à une réelle décentralisation. Cellule de base par excellence, la commune a été régie par des textes qui ne sont plus d’actualité, autrement dit frappés de caducité. L’objectif central de la démarche est de transformer la commune « providence » en « commune entreprise ». Cela suppose que toutes les composantes de la société et les acteurs de la vie économique, sociale et culturelle, soient impliqués, sans exclusive, dans le processus décisionnel qui engage la configuration de l’image de l’Algérie de demain qui devra progressivement s’éloigner du spectre de l’exclusion, de la marginalisation qui hypothèquent la cohésion sociale. L’implication du citoyen dans le processus décisionnel qui engage l’avenir des générations futures, est une manière pour l’Etat, de marquer sa volonté de justice et de réhabiliter sa crédibilité en donnant un sens positif à son rôle de régulateur et d’arbitre de la demande sociale, car il n’existe nulle part dans le monde un Etat ultra libéral.
Transformation économique
Dans le domaine socio-économique, l’objectif stratégique est la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures au sein d’un cadre concurrentiel Comme je l’ai démontré dans un ouvrage parue à l’Office des Publications Universitaires (OPU Alger 1983) « valeur, prix et croissance économique», en référence à la théorie de la thermodynamique le monde est en perpétuel mouvement. Même la pierre et notre univers (avec le réchauffement climatique influences géostratégiques sur la cartographie géographique mondiale) que l’on croit inerte se décompose lentement à travers les décennies et les siècles. La société n’échappe pas à cette règle ou les mouvements culturels ( qui seront prépondérants entre 2030/2040), économiques, sociaux, politiques avec des acteurs n’ayant pas toujours les mêmes objectifs, engendrent des transformations soit positives ou négatives. Le temps ne se rattrape jamais en économie que l’on peut définir comme la maitrise et le gain du temps. Toute Nation qui n’avance pas recule forcément les niveau de vie comparée aux profondes transformations mondiales. C’est dans ce cadre que le défi du futur président est une véritable stratégie d’adaptation à ce monde turbulent et instable, de profondes réformes afin de favoriser le développement durable ou une régression de l’Algérie tant dans le domaine économique , social, politique et militaire dans la mesure ou le véritable pouvoir économique mondial et l’influence diplomatique au niveau de la diplomatie repose sur une économie forte, où les deux pivots du développement du XXIème siècle sont la bonne gouvernance et la maîtrise du savoir étant l’’aube de la quatrième révolution économique mondiale 2024-2030. Il n’est plus permis aujourd’hui de faire l’impasse sur le rôle que des acteurs résidents, mus puissamment par des intérêts organiquement liés à la distribution de la rente, qui ont pu à un moment ou à un autre peser dans un sens franchement défavorable aux réformes politiques et économiques. De même qu’il n’est plus possible, du point de vue de l’analyse aussi, d’occulter le rôle que d’autres acteurs, externes ceux-là, ont pu jouer dans un sens tout aussi défavorable, motivés qu’ils étaient eux aussi par la défense d’intérêts de groupes ou de personnes que la poursuite d’un commerce hautement lucratif rendait allergiques à toute velléité de changement et de réformes. Des acteurs internes aussi bien que des acteurs externes ont agi clairement dans le sens contraire, encourageant et défendant, par des moyens divers, la mise en œuvre de réformes dont la nécessité n’échappe à personne. Comme il n’est plus permis d’ignorer la nécessaire adaptation de l’Algérie face aux nouvelles mutations mondiales dont son devenir est dans l’espace euro-méditerranéen et africain son espace naturel. Aussi les réformes en profondeur du fonctionnement de la société algérienne et non des replâtrages organisationnels, nécessitent d’analyser les relations dialectiques réformes et les segments de la production de la rente ( Sonatrach) et celui de sa redistribution ( système financier), bouleversent des intérêts, les gagnants de demain n’étant pas forcément ceux d’aujourd’hui.. Or Tout projet étant porté par forcément des forces sociales, souvent avec des intérêts différents, en démocratie les urnes la population tranchant sur le projet de société, où la minorité politique se soumet à la volonté de la majorité, tout en restant une force de propositions. Comment ne pas rappeler que par le passé,(1974/2023), j’ai eu l’honneur de coordonner plusieurs ouvrages pluridisciplinaires, d’une brûlante actualité ayant abordé les réformes politiques, sociales et économiques, fruit d’un travail collectif à la rédaction duquel ont contribué des collègues spécialistes en anthropologie, en économie et en sciences politiques des universités d’Oran et d’Alger (Casbah Editions deux volumes 520 pages sous le titre réformes et démocratie- 2005) . A cette époque j’avais donné plusieurs conférences suite à la création de l’association nationale de développement de l’économie de marché ADEM fondée en 1992( agrément ministère intérieur 63/92) que j’ai eu l’honneur de présider de 1992 à 2015, aux universités de Annaba, de Constantine, de Tizi Ouzou, de Béjaïa , Mascara , Sid Bel Abbès, Tlemcen, d’Oran, à l’Académie militaire Inter- Armes de Cherchell, à l’Ecole supérieure de Guerre, à l’IMPED Institut militaire de prospective , conférence devant le Commandement de la Gendarmerie nationale, des cadres de la direction de la sûreté nationale DGSN ainsi que de nombreuses conférences au niveau international (USA /Europe) dont la rencontre devant la majorité des ambassades accrédités en Algérie à l’invitation de l’ambassade de l’Union européenne, et ce afin pour expliquer notre démarche. Privilégiant uniquement les intérêts supérieurs du pays, notre souci est l’alternance démocratique tenant compte de notre authenticité, afin d’arriver à une économie diversifiée hors-hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales avec l’avènement de la quatrième révolution économique mondiale 2024/2030/2040. ( voir nos interviews 2017/2020 à /AfricaPresse Paris, l’autre à l’American Herald Tribune « Dr. Abderrahmane Mebtoul: “Algeria Still Faces Significant Challenges).. L’on devra éviter tant l’autosatisfaction source de névrose collective que la sinistrose et le dénigrement gratuit. L’Algérie a de larges marges de manœuvres avec 73 milliards de dollars de réserves de change 83 avec les 173 tonnes d’or, la dette extérieure faible 1,6% du PIB, donc un cadre macro-financier stabilisé, bien les indicateurs économiques non proportionnels aux dépense publiques, un taux de croissance entre 2020/2023 moyen de 2/3%, alors qu’il faut un taux de croissance de 8/9% pour absorber un flux additionnel annuel de demande d’emplois de 350.000) 400.000/an, avec un taux de chômage selon le FMI dépassant 14% , un taux d’inflation de 9/10% entre janvier 2023 et janvier 2024. Et la solution se trouve dans le dialogue productif privilégiant uniquement l’avenir de l’Algérie,
En résumé les objectifs stratégiques du président de la République qui sera élu le 7 septembre est de faire de l’Algérie un pays émergent et elle en a les potentialités. L’Algérie a besoin qu’un regard critique et juste soit posé sur sa situation sur ce qui a déjà été accompli et sur ce qu’il s’agit d’accomplir encore au profit exclusif d’une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d’un même projet, d’une même ambition et d’une même espérance concilier la sécurité nationale , l’efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale.
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