L’espoir est-il permis ?
Le mouvement de résistance palestinienne Hamas a donné hier son approbation à la proposition de la médiation menée par l’Égypte et le Qatar quant à l’accord de cessez-le-feu dans la Bande de Ghaza et d’échange des otages et prisonniers avec l’entité sioniste. La balle est désormais dans le camp des Israéliens. Ces derniers sont cependant peu enclins à tout accord et se préparent déjà à envahir Rafah.
Le mouvement de résistance palestinienne Hamas a annoncé hier que le chef de son bureau politique, Ismail Haniyeh, avait informé le Qatar et l’Égypte de l’approbation de la proposition des deux pays médiateurs concernant un accord de cessez-le-feu dans la bande de Ghaza. Le mouvement a déclaré, dans un communiqué publié sur son site, que Haniyeh s’est entretenu par téléphone avec le Premier ministre qatari, Cheikh Mohammed bin Abdul Rahman Al Thani, et avec le chef des renseignements égyptiens, Abbas Kamel, et les a informés de l’approbation par le mouvement de leur proposition concernant l’accord de cessez-le-feu. Selon l’agence de presse Reuters, cette proposition, qui n’a pas été présentée publiquement, inclut un cessez-le-feu, le retour chez eux des civils déplacés par le conflit à Ghaza et un échange d’otages et de prisonniers. Un responsable du Hamas a indiqué à Reuter que sa délégation de négociateurs rentrée dimanche au Qatar serait prochainement de retour au Caire pour discuter de l’accord. La balle est donc dans le camp des Israéliens. Même si ce développement est positif et permet d’accentuer la pression sur l’entité sioniste, celle-ci est peu encline à la signature d’un accord et l’affiche clairement. Un responsable israélien a d’ailleurs mis en avant une position de refus dans une déclaration à l’agence Reuters, au moment où Netanyahu commence par mettre en exécution son plan d’invasion de Rafah, dernier refuge à la frontière avec l’Égypte pour un million et demi de Palestiniens qui ont fui les attaques génocidaires des forces d’occupation.
Ordre d’évacuer l’est de Rafah
Les forces sionistes ont commencé à déplacer quelques 100.000 personnes de Rafah, ville du sud de la bande de Ghaza, en prévision d’une offensive terrestre de grande ampleur. L’aviation de l’occupation a, en effet, largué hier des tracts dans l’espace aérien de la ville de Rafah, avec des ordres d’évacuation de l’Est de la ville pour les diriger vers la zone d’Al-Mawasi, à l’ouest de la bande de Ghaza. La région ne dispose d’aucune infrastructure vitale et ne peut accueillir davantage de déplacés, selon des sources locales palestiniennes.
Cette intention clairement affichée d’envahir Rafah a suscité de vives réactions. Le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a qualifié dans un message publié sur la plateforme X, d’inacceptable « les ordres d’évacuation (donnés par l’entité sioniste) aux civils de Rafah laissent présager le pire : davantage de guerre et de famine ». « L’UE, avec la communauté internationale, peut et doit agir pour empêcher un tel scénario », a-t-il ajouté. Dans un précédent message publié plus tôt, le responsable européen a appelé à la mise en œuvre de la résolution 2728 du Conseil de sécurité de l’ONU exigeant un cessez le feu dans la bande de Ghaza.
De son côté, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a jugé « inhumain et inconcevable » l’opération israélienne. « Les habitants de Ghaza continuent d’être frappés par les bombes, les maladies et même la famine. Et aujourd’hui, on leur a dit qu’ils devaient à nouveau se déplacer » quand « les opérations militaires (sionistes) à Rafah s’intensifient », s’est indigné Türk dans un communiqué. « C’est inhumain. C’est contraire aux principes fondamentaux du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme », a-t-il ajouté. Le Haut-Commissaire juge, par ailleurs, « inconcevable de déplacer de force des centaines de milliers de personnes de Rafah vers des zones qui ont déjà été rasées et où il n’y a que peu d’abris et pratiquement aucun accès à l’aide humanitaire nécessaire à leur survie ». « Cela ne fera que les exposer à plus de danger et de misère », a-t-il averti. Selon le Haut-Commissaire, après plus de six mois de frappes incessantes des forces sionistes sur la bande de Ghaza, « il n’y a pas d’endroit en dehors de Rafah disposant des infrastructures et des ressources nécessaires pour accueillir le déplacement massif de plus d’un million de personnes ». Il a également souligné que le droit international humanitaire interdit d’ordonner le déplacement de civils pour des raisons liées au conflit, « à moins que la sécurité des civils concernés ou des raisons militaires impératives ne l’exigent, et même dans ce cas, sous réserve d’exigences juridiques strictes ». « Le non-respect de ces obligations peut constituer un déplacement forcé, ce qui est un crime de guerre », a fait valoir M. Türk. L’Unicef s’est pour sa part, alarmée du fait que quelque 600.000 enfants entassés à Rafah sont menacés d’une « nouvelle catastrophe imminente ». « En raison de la concentration élevée d’enfants à Rafah, parmi lesquels beaucoup sont extrêmement vulnérables et au seuil de la survie, ainsi que de l’ampleur prévisible des violences, avec des couloirs d’évacuation potentiellement minés ou parsemés de munitions non explosées, et les installations et services dans les zones de relogement étant limités, l’Unicef lance un avertissement concernant une nouvelle catastrophe imminente pour les enfants ». « Les opérations militaires risquent d’entraîner un nombre considérable de victimes civiles et de provoquer la destruction totale des services et infrastructures de base dont ils dépendent encore pour leur survie », met en garde l’Unicef dans un communiqué. « Rafah est aujourd’hui une ville d’enfants qui n’ont aucun endroit sûr où aller à Ghaza. Si des opérations militaires de grande envergure sont lancées, les enfants ne seront pas seulement menacés par la violence, mais aussi par le chaos et la panique, à un moment où leur état physique et mental est déjà très fragilisé », a prévenu la patronne de l’agence onusienne Catherine Russell. Enfin, l’organisation humanitaire Save The Children a averti que la décision de l’entité sioniste de déplacer les civils présents à Rafah pourrait avoir des « conséquences fatales » pour les enfants. Le communiqué précise que l’ordre d’évacuation de Rafah intervient suite à une nuit d’intenses bombardements dans la zone causant la mort de 22 personnes, dont 8 enfants.
Lyes Saïdi