Corruption, espionnage et ingérence en Europe : Le Makhzen au cœur d’un nouveau scandale
Le Maroc est au cœur d’une nouvelle affaire de corruption et d’espionnage en Europe. Selon les médias belges, le parquet de Bruxelles a ouvert une information judiciaire relative à de possibles ingérences marocaines en Belgique.
Après le scandale Pegasus, le « MoroccoGate », un nouveau scandale incrimine les manœuvres du Makhzen en Europe, accusé cette fois en Belgique d’ingérence. Selon le journal belge « Le Soir » et la télévision belge RTBF le parquet de Bruxelles a ouvert une information judiciaire relative à de possibles ingérences marocaines en Belgique. Selon les mêmes médias, l’Office central pour la répression de la corruption (OCRC) a rédigé fin décembre un procès-verbal initial qui reprend les révélations du magazine #Investigation de la RTBF rapportant des influences, voire des ingérences, voire des faits potentiels de corruption publique du Royaume du Maroc en Belgique. Rappelons dans ce contexte que l’enquête de la RTBF diffusée au mois de décembre dernier avait levé le voile sur les réseaux d’influence du régime marocain en Belgique de même qu’elle a levé le voile sur la corruption d’élus belges pour les inciter à prendre position en faveur de l’occupation dy Sahara occidental.
Donc, après un aller-retour du document entre le parquet de Bruxelles et le parquet général, « une enquête à l’information a été ouverte par le parquet de Bruxelles à la fin mars 2024 », a confirmé le ministère public à nos deux rédactions. Le parquet de Bruxelles s’est refusé à tout autre commentaire à ce stade et ne souhaite par exemple pas préciser pour quel(s) chef(s) l’information était ouverte.
Dans cette nouvelle enquête portant sur les activités troubles du Maroc en Belgique, il y a fort à parier que l’information a été ouverte sur base d’éventuels leviers utilisés par les Etats étrangers pour influencer les politiques belges. En décembre 2022, le Makhzen a été éclaboussé par un autre scandale de corruption au Parlement européen afin de faire admettre ses convoitises colonialistes sur le Sahara occidental. Dans le cadre de cette affaire, les enquêteurs belges ont mis la main sur 1,5 million d’euros en liquide, saisis aux domiciles de Pier Antonio Panzeri, ancien eurodéputé socialiste devenu dirigeant d’ONG qui fait figure de principal protagoniste dans des dossiers liés au Maroc, et de l’eurodéputée socialiste grecque Eva Kaili, ainsi que dans une valise transportée par le père de celle-ci. L’ambassadeur du Maroc à Varsovie, Abderrahim Atmoun, était en contact étroit avec Pier Antonio Panzeri qu’il aurait rémunéré pour mener des opérations d’ingérence au Parlement européen. Par ailleurs, dans des révélations fracassantes dévoilées précédemment par Le Soir, Knack et La Repubblica qui ont mis la main sur des comptes rendus des auditions datées des 2 et 13 février 2023, ainsi que d’autres documents issus du dossier d’instruction, Panzeri a évoqué ses liens avec l’ambassadeur Abderrahim Atmoun. Selon ses aveux, le Maroc a versé au moins 180.000 euros -en plus de cadeaux et de voyages- à plusieurs eurodéputés pour les amener à s’aligner sur ses thèses lors de l’adoption de différents textes au Parlement européen.
Pour rappel, en juillet 2021, une enquête mondiale menée par des médias internationaux a révélé l’utilisation, entre autres, par le Maroc du logiciel d’espionnage Pegasus mis au point par l’entreprise sioniste NSO Group. Des journalistes marocains et étrangers ainsi que des hommes politiques étrangers notamment en Espagne et en France figurent parmi les victimes de ce logiciel. Ce scandale international a été révélé par 16 rédactions coordonnées par l’organisation Forbidden Stories, avec l’appui technique d’Amnesty International, qui se basent sur une liste de plus de 50.000 numéros de téléphone, présélectionnés par certains clients de NSO Group pour une éventuelle mise sous surveillance. Pegasus, qui permet de prendre le contrôle d’un téléphone, donne accès à l’intégralité du contenu de l’appareil ainsi qu’à son microphone et à sa caméra. En Espagne, le juge qui avait classé l’enquête sur l’utilisation du logiciel d’espionnage Pegasus contre des membres du gouvernement de son pays, un scandale dans lequel le régime du Makhzen marocain est fortement impliqué, a décidé de relancer ses investigations, après avoir reçu des documents des autorités judiciaires françaises. Le juge en a ainsi décidé après « avoir reçu une décision d’enquête européenne », mécanisme de coopération entre Etats membres de l’UE dans les enquêtes pénales, « émise par les autorités judiciaires françaises », avait indiqué le tribunal de l’Audience nationale dans un communiqué publié le 23 avril dernier.
Lyes Saïdi