L’Algérie face aux défis de la sécurité alimentaire
par Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités et expert international
L’Algérie est le pays le plus étendu du continent africain mais également du monde arabe et du pourtour méditerranéen et s’étend sur 2.380.000 km² dont 2.100.000 km² d’espace saharien.
La densité paraît faible, mais les neuf dixièmes de la population sont concentrés sur les terres du Nord. Sa situation géographique est stratégique : en face de l’Europe, côtoyant la Tunisie, l’Atlantique Maroc/Mauritanie, la Libye, le Mali et le Niger comme point d’appui de l’Afrique sub-saharienne, l’objectif stratégique horizon 2025-2030 est d’éviter que plus de 95% de la population vive sur moins de 10% du territoire et avoir une autre vision de l’aménagement de l’espace en valorisant le Sud notamment dans le développement agricole mais nous devons éviter des utopies comme nous devons préserver les superficies arables du Nord dont l’urbanisation effrénée détruit les meilleures terres agricoles, tout en n’oubliant pas les Hauts Plateaux qui recèlent d’importantes potentialités .
La surface agricole globale en Algérie s’élève à 43,98 millions d’hectares, dont seulement 8,59 millions ha sont exploités, avec un périmètre de cultures annuelles atteignant 7,53 millions ha et des périmètres agricoles pérennes atteignant 1,05 million ha. La superficie totale ensemencée en céréales est estimée fin 2023 à 3,3 millions d’hectares, dont 54 % en blé dur, 29 % en orge, 14 % en blé tendre et 3 % en avoine et afin d’encourager la production nationale, le prix d’achat du blé dur est passé de 4500 Da à 6000 Da, le blé tendre de 3500 Da à 5000 Da, l’orge de 2500 Da à 3400 Da et l’avoine de 1800 Da à 3400 Da. Selon USDA département de l’agriculture des Etats Unis, dans un rapport en date du 17 mai 2024 , le rendement des cultures en Algérie devrait augmenter de 11% pour atteindre 1,67 tonne par hectare et en conseil des ministres en date du 23 juin 2024 mentionnant un objectif stratégique pour parvenir à l’expansion des surfaces cultivées dans le grand sud pour atteindre 500.000 hectares de blé dont 117.000 pour le Qatar,36.000 pour l’Italie et 120.000 hectares pour des investisseurs algériens, l’ objectif fixé à moyen terme a été de 50 quintaux à l’hectare. Les orientations du ministère de l’Agriculture pour 2024/2026 qui ont porté, dans le même sens, sur la nécessaire augmentation du rendement par hectare de blé et d’orge , tout en intensifiant le partenariat étranger, sachant qu’en 2020 la production nationale était de 43,9 millions de quintaux, avec un rendement moyen de 15 quintaux , l’objectif étant d’atteindre une moyenne de production de 30 à 35 quintaux par hectare entre 2024/2025 , en précisant que le blé panifiable dans bon nombre de pays grands producteurs a un rendement moyen de 60 à 100 quintaux à l’hectare ( 6 à 10 tonnes).
La consommation annuelle en Algérie oscille entre 9 et 10 Mt entre 2022/2023 , la production locale de céréales toutes catégories confondues représentant environ 30/35%des besoins et avec la pression démographique,47 millions en janvier 2024, plus de 50 millions d’habitants horizon 2030. Selon la dernière note de conjoncture sur la situation mondiale des marchés des grandes cultures, publiée par l’établissement français des produits de l’agriculture et de la mer FranceAgriMer, l’Algérie a importé 6,5 millions de tonnes (Mt) de blé tendre durant la campagne 2022/2023. Ce chiffre s’annonce en hausse pour 2023/2024, pour atteindre 7,2 Mt, soit une augmentation de 11%. Ce qui place l’Algérie cinquième importateur mondial de blé tendre, après l’Egypte, la Chine, l’Indonésie et la Turquie. C’est le troisième client de l’Union européenne (UE) après le Maroc et le Nigeria, avec des achats estimés par FranceAgriMer à près de 1,5 Mt en 2023/2024, contre 2,38 Mt en 2022/2024. Ce qui illustre la démarche de l’Algérie allant dans le sens de la diversification de ses fournisseurs en blé tendre.. Pour la FAO, qui fournit d’autres données, les commandes de céréales de l’Algérie demeurent élevées en raison d’une production nationale de céréales inférieure à la moyenne, affectée par des conditions de climat de sécheresse. Les importations de blé tendre ont représenté environ 6,5 millions de tonnes et pour le blé dur 1,5 MT en 2023, 8,7 millions de tonnes blé pour le blé dur et tendre en 2024, avec une baisse en 2025, une prévision de 8,4 millions de tonnes, et des importations de maïs à 4 millions de tonnes et de l’orge autour de 1 million de tonnes destinées essentiellement à servir d’aliments de bétail. Le ministère de l’agriculture, contredisant ces rapports internationaux donne des prévisions d’ importations de blé qui devraient baisser de 500.000 de tonnes, du fait d’une augmentation de la production locale, et s’établir à 8,5 millions lors de la campagne 2024-25, contre 9 millions lors de la campagne 2023/2024. ( bilan provisoire). Et selon le conseil des ministres en date du 23 juin 2024 où évaluant la campagne moisson-battage, caractérisée par une hausse de la production de blé , qui ne concerne pas le blé tendre qui représente plus de 80% des importations du blé , a noté la réduction de son importation, ce qui a permis au Trésor d’économiser 1,2 Md USD. Cela démontre un fait: nous devons réorienter le modèle de consommation , l’Algérie ayant des avantages comparatifs plus pour la production du blé dur que pour le blé tendre. Selon l’agence Ecofin, les besoins de consommation devraient augmenter de 50 000 tonnes pour s’établir à 11,2 millions de tonnes fin 2024
En conclusion, entre 2022/2023, la valeur de l’ensemble des importations de biens alimentaires , en précisant que le taux d’intégration des entreprises publiques et privées ne dépassant pas 15%, environ 85% matières premières et équipements étant importés, avoisine 10 milliards de dollars, il n’existe dans aucun pays une sécurité alimentaire à 100%.Il faut reconnaitre qu’un effort important a été réalisé dans le secteur agricole . Comme nous l’ ont enseigné un des fondateurs de l’économie David Ricardo l’on devra appliquer la règle économique universelle, tenir compte des avantages comparatifs car les subventions et avantages accordés à un secteur, étant des surcoûts supportés par le trésor public et indirectement par le consommateur, doivent être transitoires , devant à terme être compétitif tant en termes de coûts que de qualité. Et cela s’applique à la filière agricole notamment dans le Sud , grâce à la nappe de l’Albien étant la plus grande nappe d’eau souterraine au monde , composée en grande majorité d’eau saumâtre, donc impropre à la consommation humaine sans le dessalement contenant plus de 50 000 milliards de mètres cubes d’eau, l’équivalent de 50 000 fois le barrage de Beni Haroun étant à cheval sur trois pays, l’Algérie, la Libye et la Tunisie , 70 % de la nappe se trouvant en territoire algérien au sud-est du pays, cette nappe ne se renouvelle pas l’on devra l’utiliser selon les experts raisonnablement afin préserver l’éco système.