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Maroc: Le règne de la répression

Décortiquant les 25 ans de règne de Mohamed VI, le journal espagnol « El Independiente » affirme que l’espoir suscité par son arrivée au pouvoir, en juillet 1999, a rapidement laissé place à une forte répression. Dans un article intitulé « Mohamed VI: 25 ans de règne racontés par un journaliste d’investigation marocain », le quotidien espagnol revient, avec le journaliste Hicham Mansouri, sur son accession au trône, marquée d’abord par une volonté de rupture avec la brutalité caractéristique du précédent règne, puis par des années de plomb.

Après des décennies de règne autoritaire sous Hassan II, le jeune monarque semblait incarner la rupture. Cependant, 25 ans plus tard, le bilan est loin d’être à la hauteur des attentes initiales.  Progressivement, le régime a resserré son emprise sur la société marocaine, restreignant les libertés et musclant sa répression contre toute forme de dissidence. Selon Hicham Mansouri, la période 2014-2024 a définitivement mis fin aux espoirs de démocratisation du pays. Au fil des années, le pouvoir marocain a déployé un arsenal répressif de plus en plus sophistiqué pour faire taire les voix critiques. Les méthodes vont de l’intimidation à l’emprisonnement, en passant par des campagnes de diffamation orchestrées.

Les journalistes indépendants sont particulièrement ciblés. Nombre d’entre eux ont été poursuivis et condamnés sur la base d’accusations fabriquées de toutes pièces : atteinte aux mœurs, blanchiment d’argent, viol, trafic d’êtres humains… Le but est clairement de les discréditer et de les réduire au silence.

Les militants des droits humains et les opposants politiques ne sont pas épargnés. L’exemple le plus emblématique est celui de Nasser Zefzafi, leader du mouvement de contestation dans le Rif, condamné à 20 ans de prison en 2018. Les défenseurs de la cause palestinienne sont également dans le collimateur du régime.

Pour surveiller et traquer ses opposants, le Makhzen (l’appareil d’État marocain) n’hésite pas à recourir aux technologies les plus intrusives. L’utilisation du logiciel espion Pegasus pour cibler journalistes, militants et même dirigeants étrangers en est l’illustration la plus frappante. Sur le plan économique, le règne de Mohamed VI a été marqué par le lancement de grands projets d’infrastructure et de développement. Mais selon Hicham Mansouri, ces réalisations ont surtout profité à une élite proche du pouvoir, creusant les inégalités au sein de la société marocaine. Le journaliste cite notamment le train à grande vitesse reliant Tanger à Casablanca, le plan Azur de développement touristique ou encore le Plan Maroc Vert dans le secteur agricole. Ces initiatives ont entraîné des expropriations et fragilisé de nombreux petits agriculteurs. Au fil des ans, Mohamed VI a consolidé son emprise sur les leviers du pouvoir au Maroc. Le renforcement de l’appareil sécuritaire et la création de nouveaux partis politiques inféodés au palais, comme le PAM (Parti Authenticité et Modernité), ont permis de verrouiller le système.

Malgré cette façade de stabilité, Hicham Mansouri estime que le régime est de plus en plus fragilisé. « Chaque jour, l’un des piliers les plus importants de la monarchie s’érode », affirme-t-il. Si la peur explique encore le silence d’une grande partie de la population, le journaliste met en garde : « le feu brûle depuis de nombreuses années ». Mohamed VI préside aujourd’hui à un régime de plus en plus répressif, arc-bouté sur la défense de ses privilèges.

Lyes Saïdi

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