ContributionDébats

Quel avenir pour l’Afrique au sein de l’économie mondiale ? (Deuxième partie)

Par Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités, expert international

Pour éviter toute mauvaise interprétation, les données chiffrées économiques doivent être insérées dans le cadre de la dynamique sociale, l’Économique étant avant tout Politique.

Les dix axes de redressement de l’Afrique

Une nouvelle gouvernance menée par des leaders africains est possible afin de régénérer l’Afrique avec principalement comme objectif de lutter contre les inégalités et placer les pays africains, tant individuellement que collectivement, sur la voie d’une croissance et un développement durable. Sans être exhaustif , les priorités peuvent s’articuler autour de dix axes interdépendants : premièrement accélérer la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) adopté le 1er janvier 2021, 54 pays africains l’ayant signé et 47 ratifié, qui selon la Banque mondiale pourrait permettre aux pays africains de faire sortir de l’extrême pauvreté 30 millions d’habitants et d’accroître le revenu de 68 millions d’autres personnes qui vivent avec moins de 5,50 dollars par jour et sur les 450 milliards de dollars de gains potentiels, environ 300 milliards proviendraient des mesures de facilitation du commerce visant à lever les freins bureaucratiques et à simplifier les procédures douanières. L’accord devrait réduire les droits de douane entre les pays membres et traitera d’aspects de politique générale liés notamment à la facilitation des échanges et aux services, tout en englobant des dispositions réglementaires telles que les normes sanitaires et les barrières techniques au commerce. Si elle est pleinement mise en œuvre, la ZLECAf permettrait de réorganiser les marchés et les économies de la région et de stimuler la production dans les secteurs des services, de l’industrie manufacturière et des ressources naturelles L’intégration sous- régionales. à travers la création d’un marché commun de biens et de services renforcera la complémentarité économique du continent de stimuler le commerce intra-africain de 52,3 % d’ici 2025, d’augmenter les revenus de l’Afrique jusqu’à 450 milliards de dollars d’ici 2035, et sortir 30 millions d’Africains de l’extrême pauvreté. Deuxièmement, Il s’agit d’établir des conditions favorables au développement en assurant la sécurité régionale sans laquelle aucun développement n’est possible et pilier du développement de l’Afrique, accélérer les réformes tout en préservant la cohésion sociale par une politique globale synchronisant l’efficacité économique et une profonde justice sociale afin d’avoir l’adhésion des populations, supposant une profonde moralité des dirigeants. Troisièmement, compte tenu de ces risques élevés, des moyens financiers importants, estimés par la Climate Policy Initiative à 2 800 milliards de dollars entre 2020 et 2030, seront nécessaires pour que l’Afrique puisse atteindre ses objectifs de lutte contre le réchauffement planétaire Cela est lié au développement des énergies renouvelables( solaire, hydrogène vert, bleu, blanc) , le continent disposant d’un potentiel important puisqu’il concentre environ 60 % du potentiel solaire mondial et 40 % des minéraux stratégiques nécessaires à la décarbonation ; quatrièmement, liée à l’objectif précédent le développement d l’agriculture qui emploie plus de 50 % de la population active et représente plus de 25 % de son PIB doit constituer où l’Afrique face aux conséquences dramatiques du dérèglement climatique risque de connaître une baisse de 20 % de ses rendements agricoles d’ici à 2050. Cinquièmement, résoudre le problème de l’eau douce. 13 pays africains connaissant une grave insécurité hydrique. Sur la base des conclusions du Evaluation deal sécurit mondiale de l’eau 2023, ces pays comprennent l’Éthiopie, l’Érythrée, les Comores, le Tchad, Madagascar, la Libye, Djibouti, le Libéria, le Niger, le Soudan, le Soudan du Sud, la Somalie et la Sierra Leone. Un autre rapport indique que sur une échelle de 1 à 100, 19 pays africains ont des niveaux d’eau inférieurs au seuil de 45. Le même rapport suggère que seuls 13 pays africains ont au moins un niveau modeste de sécurité hydrique, dont la Tunisie, le Botswana, l’Égypte, Gabon et Maurice et selon l’ONU le Maghreb devrait connaitre une sécheresse croissante entre 2025/2030. L’eau étant un enjeu du XXIème siècle, avec des risques de guerre et des conflits comme en témoigne les tensions entre l’Egypte et l’Ethiopie pour le fameux barrage de al renaissance, mais cela concerne tous les continents, face à la diminution de l’approvisionnement en eau en Afrique à la pénurie d’eau qui risque de frapper l’Afrique, il existe deux solutions principales innovantes le dessalement et la réutilisation de l’eau. Sixièmement, renforcer les investissements notamment étrangers par l’amélioration du climat des affaires par la lutte contre la bureaucratie et la corruption, mais dans un cadre de partenariat gagnant –gagnant, évitant la dilapidation des richesses comme par le passé, où selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), 45 milliards de dollars de flux d’investissements directs étrangers ont été dirigés vers l’Afrique en 2022, année de la pandémie, soit 35 milliards de dollars de moins qu’en 2021 et ce parallèlement , la lutte contre la fuite des capitaux liée à la corruption, le quotidien français les Echos.fr , du 29/09/2020 estimant une fuite illicite de 85/100 milliards de dollars par an. Septièmement, l’objectif est la promotion de la diversification de la production et des exportations, y compris la promotion de l’agro-industrie, des usines, des mines, des profils minéraux, du tourisme avec la réalisation d’investissements dans des secteurs fondamentaux susceptibles de contribuer à la croissance économique. L’Afrique doit investir dans les nouvelles technologies dont l’intelligence artificielle, le continent connaissant un important déficit dans le numérique. Selon un rapport de la Banque mondiale et des Nations Unies, l’économie numérique dans le PIB mondial atteindra 25 % en 2026, plus de 30% horizon 2030 contre moins de 15,% en 2016 devant constituer un impératif pour des dirigeants africains, l’Union internationale des télécommunications estimant qu’un gain de 10 % de son déploiement sur les territoires du continent engendrerait une hausse de 2,5 % du PIB par habitant. Selon une enquête réalisée par Africa24, la réalisation de la vision d’une Afrique numérique nécessite le développement de solutions numériques locales. Le continent ne compte que sept start-up licornes, c’est-à-dire des entreprises technologiques dont la valeur est supérieure à 1 milliard de dollars. Pour son essor, l’Afrique prévoit de développer son économie numérique et d’investir dans la promotion des start-ups locales. L’économie numérique africaine vaudrait 712 milliards de dollars (680 milliards d’euros) d’ici à 2050, soit 8,5 % du PIB continental. Huitièmement, il s’agit d’accorder une priorité au développement humain, particulièrement la santé, l’éducation, les sciences et technologies et le développement des compétences et lutter contre l’exode des cerveaux où selon la Banque africaine de développement, rapport de 2022, l’Afrique perd environ 2 milliards $ par an du fait de la fuite des cerveaux dans le seul secteur de la santé. Or c’est une fuite indirecte de capitaux étant la plus grande hémorragie , un pays sans son élite étant comme un corps sans âme, le départ des diplômés appauvrissant les pays d’origine : coût de leur formation, perte de compétence et freins au développement ce qui renvoie à la considération au savoir , la diaspora africaine avec son expérience devant être intégrée. Neuvièmement, l’Afrique accuse un important déficit dans les infrastructures, accéléré par une croissance du taux d’urbanisation environ 50 % de son territoire , selon les conclusions de la révision et de la mise à jour des données Africapolis 2023 avec d’importantes disparités , 12 pays africains affichant un taux d’ électrification entre 80/90% , 23 une moyenne de 50% . Avec une moyenne générale pour le continent de 32%. Le besoin de financement se situerait selon l’agence Ecofin entre 68 et 108 milliards de dollars sur l’ensemble du continent alors que selon la banque africaine de développement le montant dépasserait les 150 milliards de dollars, ce qui influerait sur le taux de croissance d’au moins 2%. Dixièmement, tout en assurant une bonne gouvernance politique, économique et d’entreprise, avec un accent sur la gestion financière publique interne, s’impose une négociation avec les principaux bailleurs de fonds pour alléger la dette qui devient insupportable. Selon le FMI , la dette publique en Afrique a atteint fin 2022 1800 milliards de dollars en hausse de 183 % depuis 2010. A cela s’ajoute le impacts du réchauffement climatique qui frappent de plein fouet l’Afrique qui pourtant n’est responsable selon les rapports de l’ONU pour moins de 5% des effets de serre et selon l’ONU l’Afrique a besoin d’ici 2030 de près de 200 milliards de dollars pour atteindre ses ODD.

* Cette présente contribution relate mon intervention à ALTERNATV ATV Québec/ Canada 28 juillet 2024 15h30 Montréal – 20h30 heure algérienne qui a duré 1h30 disponible sur YouTube https://www.youtube.com/live/9yrHB-EqdXE?si=Le_vG5dEFFq6ugED sur le thème stratégique « l’avenir de l’Afrique au sein de l’économie mondiale , face aux convoitises des grandes puissances et les différents trafics au niveau de la région sahélienne et leurs impacts sur la sécurité et le développement » , conférence qui fait suit suite à mes différentes conférences largement publiées au niveau national et international, données durant les cinq dernières années à l’Ecole supérieure de Guerre – ESG, à l’institut militaire de prospectives IMPED, à l’Etat- major de la gendarmerie nationale, à la DGSN, au sénat français et devant les ambassadeurs accrédités à l’Alger au siège de l’Union européenne, en trois parties interdépendances, premièrement, l’ Afrique au sein de l’économie mondiale, deuxièmement les différents trafics facteur de déstabilisation de l’Afrique au niveau de la région sahélienne et troisièmement les dix axes directeurs du développement de l’Afrique 2025/2030/2040 .

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