L’artisanat compte l’histoire millénaire de l’Algérie
Ainsi, jusqu’au 31 août, la Galerie Baya sera le cœur battant de l’artisanat algérien, un lieu où le passé et le présent se rencontrent dans une danse éternelle de beauté et de tradition.
Dans l’écrin somptueux du Palais de la Culture Moufdi-Zakaria, la Galerie Baya s’est parée de mille et une merveilles, telle une caverne d’Ali Baba regorgeant de trésors artisanaux. Jusqu’à la fin du mois d’août, les murs de ce temple de l’art vibrent au rythme des motifs enchevêtrés et des couleurs chatoyantes qui content, tels des griots de laine et de cuivre, l’histoire millénaire de l’Algérie. Sous l’égide du ministère de la Culture et des Arts, cette exposition se dresse comme un phare illuminant la richesse du patrimoine algérien. Mourad Bernoussi, le capitaine de ce navire artistique, guide les visiteurs à travers cet océan de traditions avec la fierté d’un gardien du temple. « Chaque pièce exposée est un livre ouvert sur notre passé, un témoignage vivant de notre profondeur historique et civilisationnelle », déclare-t-il, les yeux brillants d’une passion contagieuse. Les tapis, véritables tableaux de laine, sont les stars incontestées de ce ballet artisanal. Tels des papillons aux ailes déployées, ils tapissent les murs de la galerie, chacun racontant l’histoire unique de sa région d’origine. D’Alger à Tizi-Ouzou, de Constantine au Hoggar, ces chefs-d’œuvre tissés sont autant de fenêtres ouvertes sur la diversité culturelle du pays. Les visiteurs pourront ainsi découvrir durant 26 jours, des tapis d’Alger, de Babar et Nemamcha (Khenchla), de Oued Souf, de Maâtka et Ait Hichem (Tizi-Ouzou), de Ghergour (Sétif), de Maâdid (M’sila), de Djebel Amor (Oranie), du Hoggar, de Constantine, des Aurès et de Beni Izguen (Ghardaïa), autant de pièces consignant l’histoire à travers une expression artistique antique, autochtone et prolifique La symphonie des motifs s’entrechoque dans un tourbillon visuel enivrant : ici, un croissant de lune s’étire paresseusement, là-bas, des cavaliers galopent fièrement sur un fond ocre. Plus loin, des épis de blé dansent sous un soleil invisible, tandis que des coffres de mariée gardent jalousement leurs secrets séculaires. Chaque fil, chaque nœud est un mot dans ce poème textile qui chante la gloire de l’Algérie.
Au pied de ces tapisseries célestes s’étalent des objets de vannerie, de dinanderie et de poterie. Ces humbles serviteurs du quotidien, façonnés par des mains expertes, portent en eux l’âme de leurs créateurs. Les couffins en fibre de palmier, semblables à des nids d’oiseaux géants, côtoient des assiettes de cuivre qui brillent comme autant de soleils miniatures. La dinanderie de Tlemcen et de Constantine fait résonner le métal de mille feux. Les plateaux, vastes comme des lacs d’argent, semblent attendre le festin des mille et une nuits. Les brocs et les seaux, sentinelles de cuivre, montent une garde silencieuse, prêts à étancher la soif des visiteurs émerveillés.
La poterie, quant à elle, rappelle que de la terre la plus humble peuvent naître les plus grandes beautés. Les jarres kabyles, ventrues et majestueuses, semblent contenir non pas de l’eau, mais les secrets millénaires de leurs créateurs. Les couscoussiers des Aurès, perchés sur leurs pieds d’argile, rêvent encore des festins qu’ils ont préparés. Et les petits bols à épices de Djemila, fragiles comme des coquilles d’œuf, gardent en leur sein les parfums enivrants de l’Orient. Cette exposition est bien plus qu’un simple étalage d’objets ; c’est une ode à la femme algérienne, gardienne inlassable des traditions. Chaque point noué, chaque coup de pinceau, chaque coup de marteau sur le cuivre porte l’empreinte de ces artisanes anonymes qui, depuis la nuit des temps, tissent le fil de l’histoire algérienne.
Pour le visiteur qui franchit le seuil de la Galerie Baya, c’est un voyage dans le temps et l’espace qui s’offre à lui. Il peut, l’espace d’un instant, sentir sous ses doigts la rugosité d’un tapis du Hoggar, imaginer le tintement des bracelets d’une mariée de Constantine, ou humer le parfum imaginaire d’un couscous fumant servi dans une poterie des Aurès.
Cette exposition est une fenêtre ouverte sur l’âme de l’Algérie, un kaléidoscope culturel qui tourne au rythme des pas des visiteurs. Elle est un rappel vibrant que la beauté peut naître des matériaux les plus simples, que l’art n’a pas besoin de grands discours pour émouvoir, et que l’histoire d’un peuple peut se lire dans les motifs d’un tapis ou les courbes d’une jarre.
Alors que le soleil d’août darde ses rayons sur Alger, la Galerie Baya offre un havre de fraîcheur et de beauté. Elle invite les Algériens, qu’ils soient du pays ou de la diaspora, ainsi que les touristes curieux, à plonger dans ce bain de culture et d’histoire. Car comme le dit si bien Mourad Bernoussi, chaque objet exposé est « un aperçu sur la richesse et la diversité d’une partie du patrimoine culturel algérien, dans sa profondeur historique et civilisationnelle ».
Mohamed Seghir