Arts plastiques: Hakou peint l’âme algérienne
Tel un alchimiste des couleurs, l’artiste-peintre Hakou transmute la toile en un kaléidoscope vibrant de l’identité algérienne. Jusqu’au 31 août, la Galerie Guessoum à Hydra se mue en écrin pour une cinquantaine d’œuvres sans titre, mais non sans âme, de cet enchanteur du patrimoine culturel.
Sous la houlette de Djaâfar Guessoum, maestro des antiquités et virtuose de l’art nouveau, la galerie devient le théâtre d’une symphonie picturale en trois mouvements : le « Signe », la « Calligraphie », et la « Femme nord-africaine et nomade ». Hakou, de son vrai nom Abdelhaq Djellab, y orchestre une partition où les courants artistiques dansent une valse éclectique, oscillant entre l’abstrait, l’expressionnisme et le figuratif, s’abreuvant aux sources de l’École allemande et du Fauvisme. Dès le premier pas dans cet antre de créativité, le visiteur est happé par un tourbillon onirique. Les toiles, véritables fenêtres sur l’âme algérienne, s’ouvrent sur un voyage à travers le temps et l’espace. Hakou, tel un Orphée des formes et des couleurs, guide nos sens dans les méandres de l’identité nationale. Une vingtaine de portraits dédient un hommage vibrant à la « Femme nord-africaine et nomade ». Chaque coup de pinceau est une ode à la grâce et à la résilience, chaque nuance une célébration de la diversité. Ces visages, miroirs de l’histoire, racontent en silence des épopées millénaires.
La calligraphie « maghrébine » et les signes « berbères » s’entrelacent dans une trentaine d’œuvres, formant une tapisserie complexe de symboles et de significations. Le « Tifinagh », alphabet amazigh, s’érige en gardien silencieux de la mémoire collective, ses caractères dansant sur la toile comme autant de gardiens de secrets ancestraux.
Hakou jongle avec les techniques comme un prestidigitateur : mixte, aquarelle, gouache, huile et acrylique se succèdent sous ses doigts agiles. Les formats « raisin » et « cavalier » deviennent ses complices, cadres parfaits pour capturer l’essence de l’authenticité. Les couleurs chaudes – jaune, orange, rouge – embrasent la toile, insufflant vie et passion à chaque coup de pinceau. « Dans une réflexion totalement abstraite, j’essaye de montrer la profondeur historique et anthropologique des signes berbères et de la calligraphie maghrébine », confie l’artiste. Ses œuvres sont des fenêtres ouvertes sur les strates du temps, invitant le spectateur à plonger dans les abysses de la civilisation nord-africaine.
Pour la calligraphie, Hakou embrasse le concept d' »El Houroufia », transformant chaque lettre en un univers abstrait à part entière. Les caractères deviennent des danseurs, tournoyant dans un ballet cosmique où chaque arabesque raconte une histoire.
Né en 1965 à Ain Fekroun, dans la wilaya d’Oum El Bouaghi, Hakou a forgé son art sur l’enclume d’une éducation artistique solide et diversifiée. De l’École supérieure des Cadres de la Jeunesse à Constantine en 1987 à l’École supérieure des Beaux-arts d’Alger en 1991, il a affiné son talent comme on polit un diamant brut.
Au fil des ans, Hakou est devenu une figure incontournable du paysage culturel algérien, un phare guidant les regards vers la richesse du patrimoine national. Ses expositions, telles des graines semées au vent, ont fleuri en Algérie et par-delà les frontières : Tunisie, Brésil, Portugal, Belgique, France, Liban, Égypte, Inde… Autant de terres où son art a pris racine, témoignant de l’universalité de son message.
Dans cette exposition, chaque toile est une pièce d’un puzzle plus vaste, celui de l’identité algérienne. Hakou, tel un archéologue armé de pinceaux, exhume les trésors enfouis de la culture, les faisant briller d’un éclat nouveau sous la lumière de son talent.
Les visiteurs, éblouis par ce feu d’artifice de couleurs et de formes, se laissent porter par les courants de créativité. Certains y voient un hymne à la diversité, d’autres une méditation sur le temps qui passe. Tous s’accordent sur un point : Hakou est un poète des formes et des couleurs, un philosophe qui s’exprime par le biais de la peinture.
Alors que le mois d’août déroule ses jours caniculaires, la Galerie Guessoum offre une oasis de fraîcheur culturelle. Les œuvres de Hakou y sont autant de mirages, non pas illusoires, mais bien réels, invitant à une plongée rafraîchissante dans les profondeurs de l’âme algérienne.
Cette exposition est plus qu’un simple accrochage de tableaux. C’est une déclaration d’amour à l’Algérie, un cri du cœur porté par les pinceaux. Hakou, en véritable gardien du temple culturel, nous rappelle que l’art n’est pas seulement esthétique, mais aussi mémoire, identité, et pont entre les générations.
Alors que le 31 août approche à grands pas, le temps presse pour les amateurs d’art et les curieux. Ne manquez pas cette occasion unique de voyager à travers l’Algérie, ses traditions et son histoire, guidés par le talent visionnaire de Hakou. Car chaque toile est une fenêtre, chaque coup de pinceau une invitation au voyage, et chaque couleur une note dans la grande symphonie de l’identité algérienne.
Mohamed Seghir