Culture

Figure emblématique du théâtre et du cinéma algériens: Taha El Amiri tire sa révérence

Le monde de la culture est en deuil. Taha El Amiri, de son vrai nom Abderrahmane Bastandji, s’est éteint mardi  à Alger, à l’âge vénérable de 97 ans. Avec sa disparition, c’est une page importante de l’histoire artistique et militante de l’Algérie qui se tourne.

Né le 20 août 1927 dans la mythique Casbah d’Alger, Taha El Amiri a traversé près d’un siècle d’histoire algérienne, mêlant intimement son parcours personnel à celui de l’Algérie. Dès son plus jeune âge, il s’engage dans les Scouts musulmans algériens, où il fait ses premières armes dans le théâtre et le militantisme. Ces deux passions ne le quitteront plus jamais. Son engagement politique se poursuit au sein du Parti du peuple algérien (PPA) et du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), préfigurant son implication future dans la lutte pour l’indépendance. Parallèlement, sa carrière artistique prend son envol en 1947 lorsqu’il rejoint la troupe de Mahieddine Bachtarzi, considéré comme le père du théâtre algérien. Le déclenchement de la guerre d’indépendance en 1954 marque un tournant dans la vie de Taha El Amiri. Recherché par les autorités coloniales, il s’exile d’abord en Suisse en 1956, où il rencontre Mustapha Kateb, autre figure majeure du théâtre algérien. Puis, en 1958, il participe à la création de la Troupe artistique du Front de libération nationale (FLN) en Tunisie. Cette troupe jouera un rôle crucial dans la diffusion de la cause algérienne à l’étranger à travers l’art et la culture. Après l’indépendance, Taha El Amiri poursuit son œuvre artistique sur tous les fronts : théâtre, cinéma et télévision. Sa filmographie impressionnante témoigne de son talent et de sa polyvalence : « Le serment » (1963), « La nuit a peur du soleil » (1965), « Zone interdite » (1974), « Chronique des années de braises » (1975), palme d’or au Festival de Cannes, « Le moulin de Monsieur Fabre » (1983), « Cri de pierre » (1987), sans oublier les feuilletons télévisés populaires comme « El Ouassia » et « El Qilada ». Sur les planches, il brille dans des rôles aussi variés que mémorables : « Othello », « Salah Eddine El Ayoubi », « Montserrat ». Il perpétue également l’esprit de la lutte pour l’indépendance à travers les pièces révolutionnaires écrites par Abdelhalim Raïs : « Awlad El Qassaba », « Dem El Ahrar » et « El Khalidoun ».

Mais Taha El Amiri ne se contente pas d’être un artiste accompli. Il met également son expérience au service des institutions culturelles. Il dirige ainsi le Théâtre national algérien de 1972 à 1975, puis occupe des postes de responsabilité à la télédiffusion et à la troupe théâtrale de la Radio et Télévision algériennes.

L’hommage des artistes

Un dernier hommageSon départ laisse un vide immense dans le paysage culturel algérien, comme en témoignent les nombreux hommages qui lui sont rendus. Le comédien Abdelhamid Rabia salue en lui l’un des « artistes de la première génération » et rappelle son rôle crucial dans la promotion de la cause algérienne à l’étranger pendant la guerre d’indépendance. Mohamed Yahiaoui, directeur général du Théâtre national algérien, souligne quant à lui la « grande perte » que représente sa disparition pour l’art algérien, mettant en avant son statut de « grand artiste et militant ». Le metteur en scène Omar Fatmouche va jusqu’à affirmer que le départ de Taha El Amiri « laissera un grand vide qui sera difficile à combler ». Le ministre des Moudjahidines et des Ayants droit, Laïd Rebiga, a tenu à rendre hommage à ce « Grand artiste et moudjahid, symbole du militantisme », rappelant son appartenance à cette « catégorie de militants exceptionnels qui ont œuvré à mettre en valeur la face militante de la Culture algérienne au service de la Révolution du 1er Novembre ».

Taha El Amiri incarnait à lui seul un pan entier de l’histoire culturelle et politique de l’Algérie. Artiste engagé, il a su mettre son talent au service de son pays, tant dans la lutte pour l’indépendance que dans la construction d’une identité culturelle algérienne forte après 1962. Son parcours exceptionnel, jalonné de reconnaissances (comme l’hommage rendu lors du 15e Festival national du théâtre professionnel d’Alger en 2022), témoigne de l’importance de son legs aux générations futures d’artistes algériens.

Alors que Taha El Amiri reposera désormais au cimetière de Sidi M’Hamed à Alger, c’est tout un pays qui pleure la perte d’un de ses plus illustres représentants culturels. Son œuvre et son engagement resteront à jamais gravés dans la mémoire collective, inspirant les artistes d’aujourd’hui et de demain à poursuivre sur la voie qu’il a si brillamment tracée.

Mohamed Seghir

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