Maroc : le point de non-retour ?
La colère populaire au Maroc atteint un point de non-retour, alors que la mobilisation des Marocains est grandissante face à la détérioration continue des conditions de vie. L’appel à manifester massivement le dimanche prochain devant le Parlement à Rabat, lancé par l’Union nationale du travail, illustre l’ampleur d’une contestation qui ne cesse de prendre de l’ampleur.
Cette nouvelle mobilisation, placée sous le slogan « Contre la hausse des prix et la destruction du pouvoir d’achat des Marocains », s’inscrit dans un contexte de tensions sociales exacerbées par l’incapacité du régime à apporter des réponses concrètes aux difficultés croissantes de la population. Les chiffres alarmants publiés par le Haut-Commissariat au Plan en juin dernier témoignent d’une détérioration sans précédent de la situation sociale : le nombre de Marocains vivant dans la pauvreté absolue a plus que doublé, passant de 623 000 en 2019 à 1,42 million en 2022, soit une augmentation moyenne annuelle de 34%. Plus préoccupant encore, la précarité économique touche désormais 4,75 millions de personnes, contre 2,6 millions en 2019, représentant une hausse annuelle moyenne de 23,6%. Cette situation dramatique se manifeste par une explosion des prix qui frappe durement les couches populaires, certains produits ayant vu leur coût augmenter jusqu’à 200%, y compris les produits de première nécessité pourtant subventionnés comme le gaz. L’incapacité du gouvernement à gérer efficacement les dossiers sociaux et économiques critiques aggrave la crise, notamment dans des secteurs essentiels comme l’éducation, la santé, la justice et l’agriculture. Le désespoir atteint un tel niveau que le pays a été témoin de tentatives d’émigration massive de mineurs et de jeunes, comme l’événement marquant du 25 septembre à Fnideq, qualifié de « honte sans précédent » par l’Union du travail. Ce phénomène traduit le profond malaise d’une jeunesse qui ne voit plus d’avenir dans son propre pays. Un malaise auquel le Makhzen répond par l’intensification de la répression. L’Espace marocain des droits humains dénonce une violation flagrante des droits fondamentaux garantis par la Constitution et les traités internationaux, pointant du doigt les graves reculs en matière de droits humains documentés tant par les rapports gouvernementaux que par les organisations internationales et onusiennes. Cette situation critique reflète l’échec des politiques publiques et l’incapacité du régime à répondre aux besoins essentiels de sa population, dans un contexte où la corruption et les conflits d’intérêts grandissent. Les manifestations qui se poursuivent depuis plusieurs mois témoignent d’une colère populaire profonde face à un système qui semble avoir perdu toute capacité à garantir une vie digne à ses citoyens. Le fossé grandissant entre une élite privilégiée et une population de plus en plus précarisée nourrit un mécontentement social qui pourrait avoir des conséquences majeures pour la stabilité du royaume. La multiplication des mouvements de protestation et l’élargissement de leur base sociale indiquent que le Maroc traverse une période sensible, où les revendications pour la justice sociale et économique se font de plus en plus pressantes. Face à cette situation explosive, l’absence de réponses efficaces du gouvernement et la persistance des politiques ayant conduit à cette crise laissent présager le pire !
Lyes Saïdi