Alger-Pretoria : Une convergence totale
Le président sud-africain a achevé hier une visite de trois jours en Algérie. Une visite qui représente un moment diplomatique crucial qui cristallise les ambitions conjointes de l’Algérie et de l’Afrique du Sud sur la scène internationale et continentale. Cette rencontre s’est construite autour de plusieurs temps forts révélateurs de la profondeur de leur partenariat stratégique.
La visite d’État de Cyril Ramaphosa en Algérie s’inscrit dans une dynamique historique de solidarité et de coopération entre deux nations ayant profondément souffert du colonialisme. Le point d’orgue de cette visite fut l’intervention solennelle de Ramaphosa devant le Parlement réuni avec ses deux chambres vendredi à Alger. Dans un discours empreint d’émotion historique, le président sud-africain a retracé le parcours de résilience commune des deux pays. Il a notamment souligné le rôle crucial de l’Algérie dans la lutte contre l’apartheid, rappelant que le Congrès national africain avait établi son premier bureau international à Alger. Un moment symbolique particulièrement fort fut l’évocation de Nelson Mandela, qui avait déclaré que « l’Algérie l’avait fait homme », soulignant la profondeur du soutien algérien dans le combat pour la liberté. Dans le contexte international actuel, Ramaphosa a utilisé cette tribune parlementaire pour plaider en faveur d’une réforme significative du Conseil de sécurité des Nations Unies. Son appel vise à rendre cette institution « plus représentative », critiquant implicitement les structures de pouvoir héritées de la période coloniale. Cette intervention s’inscrit dans une volonté commune plus large de repositionner l’Afrique comme acteur central des relations internationales.Le président Ramaphosa a indiqué que son pays « réitère son appel en faveur d’une réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies afin qu’il soit plus représentatif », saluant « les positions honorables de l’Algérie ». « Nous devons être ensemble pour réformer le système mondial et financier afin qu’il serve les intérêts de tous les pays et peuples », a-t-il dit à ce propos. Le président sud-africain a également souligné « la nécessité de soutenir les plus faibles et les marginalisés dans toutes les régions du monde et d’aider les civils dans les guerres et les conflits pour parvenir à une solution durable aux problèmes et unifier l’Afrique ». « C’est là un projet visant à atteindre un développement durable et une économie prospère, et ce, à travers l’approfondissement de la coopération entre l’Algérie et l’Afrique du Sud et la coopération entre les Parlements des deux pays », a-t-il soutenu. Affirmant que les deux pays « aspirent à renforcer leurs relations commerciales et d’investissement », le président M. Ramaphosa s’est félicité de la tenue de la 7e session de la Haute commission bilatérale de coopération entre les deux pays et du Forum d’affaires, assurant qu’ils seront « mis à profit pour développer la coopération dans les domaines de l’hydrogène vert, des énergies renouvelables, de l’aviation et des infrastructures ». Il a également insisté sur « la nécessité pour les pays africains d’exploiter leurs ressources naturelles et de ne pas les laisser à la portée des puissances coloniales », et ce, afin de « permettre aux entreprises africaines de se développer, de prospérer et de créer des emplois ». L’Algérie et l’Afrique du Sud « partagent les mêmes valeurs, le même parcours militant et une vision commune dans l’Union africaine et l’édification du continent africain telle que rêvé par les aïeux », a-t-il souligné, mettant en avant la détermination des deux pays à « continuer à respecter les valeurs démocratiques ». Rappelant que son pays avait intenté une action devant la Cour internationale de Justice (CIJ) contre l’occupation sioniste, le président Ramaphosa a affirmé que cette dernière « commet un génocide contre les civiles dans la bande de Ghaza », ajoutant que « tuer des femmes, des enfants et des personnes sans défense, bombarder les maisons, les écoles et les hôpitaux et empêcher l’accès des aides humanitaires est une honte ». « Nous ne pouvons tolérer ses violations et il nous incombe de mettre fin à ce génocide », a-t-il martelé. Concernant la cause sahraouie, le président Ramaphosa a affirmé que l’Algérie et l’Afrique du Sud restaient déterminées à soutenir le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, saluant le soutien de l’Algérie à la lutte de ce peuple. Le président sud-africain a, à cet égard, rappelé à la communauté internationale sa responsabilité envers le peuple sahraoui, l’exhortant à « respecter le droit international et la Charte des Nations Unies », tout en insistant sur « l’impératif de construire un nouvel ordre mondial fondé sur le droit et la justice ».
Les entretiens officiels entre Ramaphosa et le président Abdelmadjid Tebboune durant cette ont d’ailleurs été particulièrement denses, abordant des enjeux régionaux et internationaux cruciaux et confirmant la convergence des vues entre Alger et Pretoria. Les deux présidents ont réaffirmé leur convergence de vues sur plusieurs dossiers internationaux, notamment le Sahara occidental, pour lequel ils ont réitéré leur soutien au droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Ils ont également échangé sur les situations au Sahel, en Libye, au Soudan et en Afrique centrale, privilégiant systématiquement l’approche des solutions politiques négociées, loin des ingérences extérieures. Le président Tebboune a souligné lors de sa déclaration conjointe la convergence exceptionnelle des points de vue entre les deux pays. Il a mis en exergue l’importance de privilégier des solutions politiques pour résoudre les crises régionales, loin de toute ingérence extérieure. « Nous avons eu une discussion approfondie sur l’actualité régionale et internationale, notamment l’agression sioniste contre Ghaza et le Liban, et je saisis cette occasion pour saluer, encore une fois, l’action intentée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice (CIJ) et réaffirmer notre plein soutien à cette démarche », a dit le président de la République dans une déclaration conjointe à la presse à l’issue des entretiens avec son homologue sud-africain
Partenariat stratégique
La question palestinienne a occupé une place centrale dans leurs discussions. Le président de la République a aussi indiqué avoir procédé avec son frère le président de la République d’Afrique du Sud à « un échange de vues concernant la situation au Sahel, en Libye, au Soudan, en Afrique centrale et en Afrique australe » et abordé « d’autres sujets liés à l’action de l’Union africaine ». Des échanges qui ont fait ressortir « une convergence de vues entre nos deux pays sur la nécessité de privilégier les solutions politiques négociées pour le règlement des crises loin des ingérences extérieures », a-t-il relevé. Et d’ajouter qu’il avait également été convenu d’intensifier les efforts au sein de l’Organisation des Nations Unies et de l’Union africaine pour « renforcer le rôle de notre continent et œuvrer à réaliser la revendication africaine de réforme du Conseil de sécurité en réparant l’injustice historique envers l’Afrique, conformément au Consensus et à la Déclaration de Syrte ». Le président de la République a, par ailleurs, estimé que la visite d’Etat qu’effectue son homologue sud-africain en Algérie « reflète la particularité des relations historiques entre les deux pays, fondées sur la coopération étroite et la solidarité permanente » et « le caractère stratégique de nos relations bilatérales ». LSur le plan diplomatique, la visite a débouché sur des résultats concrets. Une Déclaration de partenariat stratégique et cinq mémorandums d’entente ont été signés, couvrant des domaines aussi variés que la recherche agronomique, la coopération spatiale, l’entrepreneuriat, l’économie et l’entraide juridique. Ces accords traduisent la volonté des deux pays de développer des synergies concrètes. La dimension économique de la visite a été également significative. L’Algérie et l’Afrique du Sud se positionnent ainsi comme des acteurs essentiels de la transformation du rapport de force international, en défendant les intérêts du continent africain.
Dans le domaine spatial, l’accord entre l’Agence spatiale algérienne (ASAL) et l’Agence spatiale nationale sud-africaine (SANSA) illustre la dynamique d’innovation technologique partagée. Le mémorandum sur la recherche agronomique témoigne de leur préoccupation commune pour la sécurité alimentaire continentale. Le volet économique a été particulièrement développé, avec un Forum d’affaires permettant aux opérateurs économiques des deux pays de « construire des ponts de coopération », selon les termes mêmes du Président Tebboune. L’objectif est clairement de diversifier et d’approfondir les échanges commerciaux.
Un moment hautement symbolique fut la décoration de Ramaphosa par Tebboune de la médaille de l’Ordre du mérite national « Athir ». Cette distinction reconnaissait explicitement « ses efforts éminents » dans la défense des valeurs humaines et sa dénonciation des crimes subis par le peuple palestinien. La visite comportait également des dimensions protocolaires importantes, comme la visite de Ramaphosa à la Base centrale de logistique militaire, soulignant la coopération entre les forces armées des deux pays.
Hocine Fadheli