Marché pétrolier: Les préoccupations de l’Opep+ face à l’effet Trump
L’OPEP+ observe avec une prudence croissante la perspective d’une possible relance de la production pétrolière américaine dans le contexte du retour potentiel de Donald Trump à la Maison-Blanche. Des délégués du groupe sont particulièrement préoccupés par les implications d’une possible augmentation de la production qui pourrait éroder davantage la part de marché de l’OPEP+ et compromettre ses efforts stratégiques de soutien aux prix du pétrole, indique l’agence de presse britannique Reuters. L’OPEP+, qui produit environ la moitié du pétrole mondial, a récemment reporté à avril son plan visant à augmenter la production. Le groupe a également prolongé certaines réductions d’approvisionnement jusqu’à la fin de 2026, en raison d’une demande faible et de la forte production de certains producteurs non membres de l’OPEP+, notamment les États-Unis. Depuis l’avènement du pétrole de schiste, les États-Unis sont devenus le premier producteur mondial, représentant désormais un cinquième de l’offre globale. Selon Reuters, plusieurs délégués attribuent cette croissance spectaculaire à la politique énergétique de Trump, qui a systématiquement mis en place des mesures de dérégulation du secteur. Un délégué d’un pays allié à l’OPEP+ a déclaré sans détour : « Je pense que le retour de Trump est une bonne nouvelle pour l’industrie pétrolière, avec peut-être des politiques environnementales moins strictes. Mais cela pourrait aussi signifier une augmentation de la production aux États-Unis, ce qui n’est pas bon pour nous. » Les données officielles de l’OPEP confirment cette tendance : la production pétrolière totale des États-Unis a progressé de 11% entre 2022 et 2024, atteignant 21,6 millions de barils par jour, contre environ 10 millions il y a onze ans. Cette croissance exponentielle inquiète particulièrement l’organisation. Une nouvelle hausse de la production américaine pourrait significativement compliquer les projets de l’OPEP et de ses alliés, comme la Russie, de commencer à augmenter leur propre production à partir d’avril 2025 sans risquer une baisse des prix. Cependant, l’analyse de Reuters souligne également les nuances de cette perspective. Certains analystes et dirigeants industriels doutent que la production américaine puisse croître considérablement sous Trump. Les producteurs de schiste mettent désormais l’accent sur la rentabilité, et toute augmentation de production ne sera envisagée que si elle est économiquement viable. Bob McNally, président de Rapidan Energy Group et ancien conseiller de la Maison-Blanche, résume cette position : « La capacité de forage des États-Unis dépend plus des décisions prises à Vienne qu’à Washington. » Les projections récentes corroborent cette analyse modérée. Un rapport de l’OPEP publié la semaine dernière prévoit une augmentation de l’offre américaine de 2,3% l’année prochaine, tandis que l’Agence internationale de l’énergie anticipe une croissance de 3,5%, dépassant celle de l’OPEP. Qui plus est, les experts rappellent que les promesses de Trump, notamment en matière de nouveaux permis de forage, prendront des années à se concrétiser, atténuant ainsi leur impact immédiat sur l’offre mondiale.
Samira Ghrib