Marocgate : Le Makhzen face à la justice belge
Dans une démarche sans précédent, un groupe de militants et journalistes marocains a décidé de traduire le régime du Makhzen devant la justice belge pour son implication dans le scandale de corruption au Parlement européen, plus connu sous le nom du Morocco Gate et révélant les mécanismes d’une ingérence systématique marocaine dans les affaires européennes visant à dissimuler les violations des droits humains au Maroc et dans les territoires du Sahara occidental occupés.
L’initiative, rapportée par les médias belges La Libre.be et Le Soir, est portée par des figures emblématiques de l’opposition et de la défense des droits humains, dont Ali Reda Ziane, fils de l’ancien ministre et avocat Mohammed Ziane, les journalistes Omar Radi, Soulaimane Raissouni et Hicham Mansouri, ainsi que le militant Fouad Abdelmoumni. Les plaignants ont mandaté les avocats Mohamed Jaite et Delphine Paci pour les représenter devant la chambre des mises en accusation à Bruxelles, qui contrôle l’instruction ouverte en 2022. La première audience est prévue le 7 janvier prochain, marquant un tournant dans la lutte contre l’impunité. Le cœur des poursuites réside dans les pratiques d’ingérence du régime marocain, qui ont systématiquement cherché à influencer les politiques européennes par la corruption. Cité par le média bruxellois, l’avocate Delphine Paci a noté que les plaignants ont affirmé que les préjudices occasionnés par les actions d’ingérence menées par les (eurodéputés inculpés) et par les organismes grâce auxquels ils sévissaient – dont l’ASBL Fight Impunity – pour favoriser les politiques publiques menées par le Maroc, sont gravissimes ». « Ils ont par exemple légitimé la répression faite à l’égard des militants des droits de l’homme marocains et sahraouis », a ajouté l’avocate. L’affaire Marocgate, qui a éclaté en 2023, a révélé un vaste système de manipulation politique. Les enquêteurs belges ont découvert 1,5 million d’euros en liquide, saisis lors de perquisitions chez Pier Antonio Panzeri, ancien eurodéputé socialiste devenu dirigeant d’ONG, et Eva Kaili, eurodéputée socialiste grecque. Les révélations sont accablantes. Selon les documents obtenus par Le Soir, Knack et La Repubblica, Panzeri a admis que le Maroc a versé au moins 180.000 euros, en plus de cadeaux et de voyages, à plusieurs eurodéputés pour influencer leurs votes et positions. L’ambassadeur marocain Abderrahim Atmoun apparaît comme un acteur central de ce réseau de corruption, ayant été en contact étroit avec Panzeri et l’ayant rémunéré pour mener des opérations d’ingérence au Parlement européen. Des figures clé du régime du Makhzen et au sein du palais royal sont impliquées dans ce scandale. Les objectifs de cette corruption sont doubles : faire taire toute critique sur l’exploitation illégale des richesses du Sahara occidental et masquer les violations systématiques des droits humains tant au Maroc que dans les territoires occupés. Cette plainte représente plus qu’une simple action judiciaire. Elle symbolise la résistance de militants marocains contre un régime qui tente de museler toute voix dissidente, utilisant la corruption comme instrument de politique étrangère. Le procès à venir promet des révélations importantes et pourrait avoir des répercussions diplomatiques majeures, obligeant le Maroc à rendre des comptes sur ses pratiques d’influence et de manipulation politique en Europe.
Lyes Saïdi