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Sensal, Daoud… Bensaâda décrypte les dynamiques de l’aliénation intellectuelle

Le chercheur et écrivain Ahmed Bensaâda a livré une analyse approfondie du phénomène des écrivains qu’il qualifie de « néo-colonisés », mettant en lumière une dynamique complexe au sein de la littérature contemporaine algérienne. Dans son intervention sur Canal Algérie, il a développé une réflexion particulièrement éclairante sur ces auteurs qui s’inscrivent dans une démarche de reconnaissance auprès de l’ancien colonisateur français. La réussite de ces écrivains, note-t-il, s’appuie notamment sur leur capacité à correspondre aux attentes du système littéraire occidental, tout en bénéficiant d’une certaine bienveillance de la part de l’establishment culturel français. Ces auteurs se distinguent par leur volonté d’adopter les codes et les perspectives de l’ex-colonisateur, allant parfois jusqu’à porter un regard critique, voire dépréciatif, sur leur propre culture d’origine. Se référant à son ouvrage « Kamel Daoud: Cologne, contre-enquête » publié en 2016, Bensaâda explore ce mécanisme subtil par lequel certains écrivains algériens contemporains parviennent à se faire une place dans le paysage littéraire français.  Il est vrai que certains auteurs hostiles à leur pays d’origine bénéficient des aides financières, de soutiens médiatiques et des ventes fermes garanties par certaines chapelles pour booster leurs ouvrages. Il observe que leur succès repose souvent sur leur capacité à épouser les idées les plus réactionnaires et à utiliser des stéréotypes qui correspondent aux attentes d’un certain public occidental. Le chercheur souligne que ces auteurs sont particulièrement valorisés par un système littéraire qui, selon lui, perpétue une forme de domination culturelle post-coloniale. Cette reconnaissance se manifeste à travers l’accès aux médias prestigieux, aux librairies de renom et aux prix littéraires, créant ainsi un cercle vertueux de légitimation. Bensaâda introduit également le concept d' »informateur indigène », désignant ces auteurs qui sont considérés comme des experts de leur culture d’origine, indépendamment de leurs qualifications réelles. Cette position leur confère un statut particulier dans les médias occidentaux, où ils sont sollicités pour s’exprimer sur des questions relatives à leur culture et leur société d’origine. Le chercheur critique notamment la proximité de certains de ces auteurs avec les milieux sionistes, citant les exemples de Kamel Daoud et Boualem Sansal. Il suggère que ces rapprochements constituent une stratégie délibérée pour faciliter leur accès au succès, quitte à compromettre leur identité culturelle, linguistique et religieuse. Pour illustrer son propos, Bensaâda évoque des cas concrets, comme celui de Kamel Daoud qui, après avoir obtenu la nationalité française, a déclaré se sentir « plus français que les Français », ou encore celui de Boualem Sansal, qui s’est démarqué par ses positions concernant le conflit israélo-palestinien. Selon le chercheur, ces prises de position révèlent une forme d’aliénation culturelle où la recherche d’une « pureté occidentale » conduit paradoxalement à une forme d’effacement identitaire. Cette quête de reconnaissance auprès de l’ancien colonisateur s’accompagne ainsi d’un prix élevé : celui d’une certaine dissolution dans une culture qui, tout en les célébrant, les maintient dans une position subalterne. Cette analyse soulève des questions fondamentales sur l’autonomie culturelle, l’authenticité littéraire et les dynamiques de pouvoir qui persistent dans le champ littéraire post-colonial.

Chokri Hafed

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