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La stabilité du marché à long terme sera la priorité

Le nouveau président américain Donald Trump réussira-t-il à imposer à l’Arabie saoudite d’ouvrir les vannes afin de pousser les cours du pétrole à la baisse ? Si les marchés doutent de sa capacité à y parvenir, la réponse de Ryad aux exigences de Trump laisse entendre qu’il n’entend pas se faire dicter sa politique pétrolière et celle de l’Opep et que la priorité sera donnée à la « stabilité du marché pétrolier à long terme ».

Lors du Forum économique mondial de Davos, le ministre saoudien de l’Économie Faiçal Alibrahim a clairement exposé la vision saoudienne face aux attentes internationales, notamment celles des États-Unis. Interpellé sur la possibilité de réduire les prix du pétrole, suite aux déclarations du président Donald Trump, Alibrahim a réaffirmé que la priorité absolue du royaume demeure la stabilité à long terme du marché énergétique mondial. Cette approche pragmatique traduit une volonté de maintenir un équilibre délicat entre les intérêts des producteurs et ceux des consommateurs. « La position du royaume, comme celle de l’OPEP, est axée sur la stabilité à long terme du marché, afin de garantir une offre suffisante pour répondre à la demande croissante », a-t-il déclaré dans un langage diplomatique, en évoquant particulièrement la demande accrue des États-Unis et du secteur de l’intelligence artificielle. Décryptage : les impératifs de la stabilité des marchés et la sécurité énergétique à long terme imposent des investissements conséquents pour consolider les capacités de production saoudiennes et plus largement celles de l’Opep, ce qui induit un niveau des prix du baril acceptables pour soutenir les budgets des producteurs et financer les investissements nécessaires. Il est utile de rappeler dans ce sens que l’Opep table sur une augmentation de la demande de 17%, d’ici à 2050. Afin de satisfaire la demande grandissante de brut, l’Opep estime à plus de 17 000 milliards de dollars le montant des investissements cumulés nécessaires pour le secteur, soit quelque 640 milliards de dollars par an en moyenne d’ici 2050, majoritairement dans l’exploration et la production de l’or noir.

La stratégie saoudienne s’articule donc autour de plusieurs axes essentiels. Premièrement, assurer une offre pétrolière suffisante pour répondre à la demande croissante, particulièrement dans des secteurs émergents comme l’intelligence artificielle et les nouvelles technologies. L’Arabie Saoudite, principal acteur de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), joue un rôle pivot dans la régulation du marché énergétique mondial. Sa politique ne se limite pas à une simple logique de prix, mais s’inscrit dans une vision géostratégique plus large, prenant en compte les équilibres économiques internationaux et les enjeux énergétiques du futur.

L’Arabie saoudite destination du premier voyage de Trump

Les déclarations d’Alibrahim à Davos illustrent la complexité des négociations pétrolières internationales. Alors que les États-Unis exercent des pressions pour une baisse des prix, l’Arabie Saoudite maintient une ligne directrice centrée sur la stabilité et la prévisibilité. Cette approche vise à protéger tant les intérêts des producteurs que ceux des consommateurs. Le royaume fait preuve d’une grande prudence diplomatique. Sans rejeter explicitement la demande américaine, il réaffirme son indépendance décisionnelle et sa capacité à gérer ses ressources selon ses propres intérêts stratégiques. Le message est clair, les objectifs immédiats de l’agenda de Trump concernant l’inflation ne sauraient mettre en péril les enjeux de la sécurité énergétique à long terme. Cette posture reflète l’évolution des rapports de force dans le secteur énergétique mondial, où les pays producteurs affirment progressivement leur autonomie, d’autant plus que le contexte géopolitique évolue. Il faut souligner dans ce contexte que bien que l’Arabie saoudite ait des relations privilégiées avec les États-Unis dans le prolongement du pacte de Quincy signé en 1945, elle a depuis opéré un rapprochement avec la Chine et intégré le groupe des BRICS et l’Organisation de coopération de Shanghai, sans oublier qu’elle s’est inscrite dans une stratégie de désescalade avec l’Iran grâce à la médiation de Pékin.  Les enjeux dépassent donc largement la simple question du prix du pétrole. Ils touchent aux équilibres géopolitiques, aux stratégies énergétiques nationales et à la transition vers de nouvelles formes d’énergie.  Pour les marchés internationaux, ces déclarations signifient une continuité dans la politique saoudienne : privilégier la stabilité, anticiper les mutations économiques et maintenir une flexibilité stratégique. D’ailleurs, les cours du brut qui avaient chuté jeudi sous l’effet de l’annonce de Trump qui souhaite un baril à 50 dollars, sont vite remontés vendredi pour finir la semaine à 78,50 dollars pour le Brent de la Mer du Nord et à près de 75 dollars pour le pétrole américain. Une chose est certaine, la première visite internationale de Trump qui sera exceptionnellement réservée à l’Arabie saoudite au lieu du Royaume unis sera scrutée avec intérêt au regard des enjeux en place sur les plans énergétiques, économiques, mais aussi géopolitiques, avec la volonté du 47e président américain de relancer les Accords d’Abraham. 

Samira Ghrib

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