RD Congo : Le M23 assiège Goma
La République démocratique du Congo (RDC) traverse une période de tensions extrêmes dans sa province orientale du Nord-Kivu, où le groupe rebelle M23 mène une offensive majeure qui menace la ville stratégique de Goma. Cette nouvelle escalade militaire s’inscrit dans un conflit qui couve depuis des décennies dans cette région riche en ressources naturelles, caractérisée par une instabilité chronique et des affrontements récurrents entre différents groupes armés.
Le M23, un mouvement rebelle qui avait déjà occupé brièvement Goma en 2012 avant d’être militairement défait, a repris ses opérations avec une intensité particulière depuis le début de l’année 2025. Ses avancées territoriales sans précédent ont conduit à une situation critique, avec l’encerclement progressif de Goma, une ville d’un million d’habitants qui concentre également un nombre important de personnes déplacées. Dans ce contexte de crise, l’Algérie a pris l’initiative de convoquer une réunion urgente du Conseil de sécurité des Nations unies. Cette réunion, initialement prévue pour la semaine suivante mais avancée pour hier en raison de l’évolution rapide de la situation, réunit des acteurs clés : Bintou Keita, Représentante spéciale du Secrétaire général en RDC, Jean-Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, et Joyce Msuya, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires. La ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, et un représentant du Rwanda étaient également attendus, conformément au règlement du Conseil de sécurité. Les combats actuels impliquent plusieurs acteurs : l’armée congolaise, les rebelles du M23, la mission de maintien de la paix des Nations unies (Monusco) et une force régionale de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). La dimension internationale du conflit s’est considérablement accrue, avec des accusations directes de la RDC envers le Rwanda, que Kinshasa soupçonne de soutenir militairement le M23. Cette tension diplomatique s’est traduite par le rappel mutuel des diplomates entre les deux pays. L’escalade militaire a déjà causé des pertes humaines significatives. À ce jour, treize soldats étrangers ont été tués, dont trois Casques bleus de la Monusco. Des soldats du Malawi, d’Uruguay et d’Afrique du Sud ont payé un lourd tribut dans ces affrontements. La mission onusienne, qui compte environ 15.000 soldats, est désormais directement engagée dans des combats intenses contre le M23. La situation humanitaire se dégrade rapidement. Selon l’ONU, plus de 400.000 personnes ont été déplacées depuis le début janvier, aggravant une crise humanitaire déjà chronique dans la région. Les Nations unies ont commencé à évacuer une partie de leur personnel de Goma, et plusieurs pays occidentaux, dont les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, ont conseillé à leurs ressortissants de quitter la ville. Sur le plan diplomatique, les tentatives de médiation se sont jusqu’à présent soldées par des échecs. Une rencontre entre les présidents congolais et rwandais, prévue en décembre 2024 et devant se tenir sous l’égide de l’Angola, a été annulée faute d’entente. Le processus de paix de Nairobi, censé stabiliser la région, semble aujourd’hui totalement compromis. Le M23 a durci sa position en déclarant la fermeture de l’espace aérien au-dessus de Goma et en sommant les forces armées congolaises de se rendre. L’aéroport de la ville, sans être officiellement fermé, a vu ses opérations considérablement réduites, avec l’annulation de plusieurs vols et le renvoi des passagers.
La réunion présidée par l’Algérie vise à évaluer précisément la situation autour de Goma, son impact humanitaire et les perspectives de résolution du conflit. Les membres du Conseil de sécurité cherchent à comprendre les défis de protection des civils, la sécurité des soldats de la paix et les stratégies de la Monusco et de la SAMIDRC pour endiguer l’avancée du M23. L’histoire récente de la RDC suggère que ce conflit s’inscrit dans une dynamique de violence récurrente. Depuis plus de trente ans, la région a connu une succession de conflits, de cessez-le-feu et de trêves rapidement rompus. La situation actuelle pourrait donc marquer le début d’une nouvelle phase d’instabilité régionale, avec des conséquences potentiellement dévastatrices pour les populations civiles.
Lyes Saïdi