38e sommet de l’UA à Addis-Abeba : Rendre justice aux Africains
Le 38e sommet ordinaire des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine (UA) s’est ouvert hier à Addis-Abeba, sous le thème « La justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine par les réparations ». Ce thème, choisi lors de la 37e session ordinaire de l’Assemblée de l’Union en février 2023, place au centre des discussions la question des réparations pour les torts historiques subis par le continent africain et sa diaspora. Le président de la République algérienne, M. Abdelmadjid Tebboune, a participé activement à ce sommet, après avoir présidé la veille le 34e sommet du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP), en sa qualité de président de ce Mécanisme.
Ce sommet a été l’occasion pour le passage de témoin à la présidence tournante de l’UA. Le président angolais, Joao Lourenço, a succédé au Mauritanien Mohamed Ould Ghazouani, dont le mandat est arrivé à terme. C’est la première fois que l’Angola, pays considéré comme un trait d’union entre l’Afrique centrale et l’Afrique australe, assume cette responsabilité. À cette occasion, le nouveau président de l’UA s’est dit « prêt » à améliorer le travail de l’instance afin de résoudre les problèmes communs dans les domaines de l’économie, de la paix et de la sécurité, promettant notamment de « travailler pour apporter des réparations à la population africaine, ce qui est le thème du sommet ». Dans son discours d’ouverture, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a mis l’accent sur l’urgence de réparer les injustices historiques : « Il est temps de remédier aux injustices historiques découlant de la colonisation de l’Afrique et de son impact sur ses peuples ». Il a particulièrement critiqué le manque de représentation de l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU, qualifiant cette absence de « pas justifiée ». Guterres s’est engagé à « œuvrer avec l’UA pour corriger cette injustice et renforcer la représentation effective de l’Afrique au Conseil de sécurité à travers l’octroi au continent de deux sièges permanents », ajoutant que « nous avons besoin de corriger ces erreurs et les solutions existent ». Le chef de l’ONU a également évoqué plusieurs crises qui secouent le continent, notamment au Soudan et en République démocratique du Congo (RDC). Concernant le Soudan, il a dénoncé la famine et la plus grande vague de déplacement, soulignant la nécessité de mettre fin aux hostilités, surtout à l’approche du Ramadhan. Pour la RDC, Guterres a affirmé qu' »il n’y a pas de solution militaire à la crise » et que « l’intégrité territoriale de la RDC doit être respectée ». Sur la situation au Moyen-Orient, il a soutenu que « la paix dans la région passe par la solution à deux États », affirmant que le peuple palestinien a souffert le martyr. Dans son bilan de fin de mandat, le président sortant de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, a évoqué les défis auxquels il a dû faire face, notamment « les mutations violentes qu’a connues l’Afrique et leur impact sur la stabilité du continent, ainsi que la dégradation de la situation sanitaire exaspérée par l’épidémie du Coronavirus ». Face aux « turbulences actuelles dans l’ordre mondial », M. Faki a affirmé que « l’Afrique ne doit pas rester en marge et doit, au contraire, trouver sa place dans ce grand bouleversement ». Selon lui, ce dont a besoin l’Afrique aujourd’hui est « un réveil des consciences et l’attachement à notre identité africaine ». La veille du sommet, lors d’une réunion de haut niveau sur le thème des réparations, les participants ont appelé à la création d’un « front commun et uni pour la justice et la réparation pour les crimes historiques et les atrocités commises contre les Africains, notamment le colonialisme, la discrimination raciale et les génocides ». Ils ont exhorté la Commission de l’UA à mener des efforts pour « reconnaître et documenter les effets du colonialisme et de l’esclavage sur les sociétés africaines » et à œuvrer pour « l’obtention d’indemnisations financières pour les pays et les sociétés africaines victimes de l’exploitation coloniale, en sus de l’investissement dans les infrastructures, l’éducation et la prise en charge sanitaire pour soutenir le développement économique ». Un moment émouvant a été l’intervention en visioconférence de Mme Djazia Kerkeb, fille du défunt moudjahid Mokhtar Kerkeb, qui a rappelé qu' »on ne peut parler de réparations pour les Africains sans revenir intégralement à la Glorieuse guerre de libération et aux mouvements de libération africains ». Elle a évoqué le parcours de son père, de son adhésion à l’Armée de libération nationale (ALN) à ses contacts avec les représentants des mouvements de libération africains établis à Alger, soulignant comment il avait « mis l’expérience militante libératrice de l’Algérie au service des mouvements de libération africains », notamment en formant aux techniques de combat des leaders comme Samora Machel, Sam Nujoma, Agostinho Neto et Joaquim Chissano.
Chokri Hafed