Salon national du livre d’Oran: De l’utilisation du roman dans les guerres de quatrième génération
Au Salon national du livre d’Oran, la séance de vente-dédicace du livre « Kamel Daoud : Cologne, contre-enquête » d’Ahmed Bensaada a suscité un vif intérêt.
Originellement publié en 2016 aux éditions Frantz Fanon et réédité en 2024 par l’ANEP, cet ouvrage de 123 pages dissèque l’idéologie véhiculée dans les écrits et discours de Kamel Daoud. L’académicien y développe une thèse incisive sur certains écrivains contemporains « soumis au néocolonialisme, flattant l’ancien colonisateur au détriment de leur identité culturelle » et qui « détestent leurs origines et promeuvent des idées rétrogrades et nuisibles pour déstabiliser leurs pays ». Selon Bensaada, ces intellectuels servent les agendas de puissances étrangères dans le cadre des guerres de quatrième génération et des guerres cognitives, en véhiculant une image délibérément négative de leurs sociétés d’origine. Lors de sa conférence intitulée « L’utilisation du roman dans les guerres de quatrième génération », le chercheur a précisé que « leurs écrits portent des stéréotypes qui sentent le colonialisme ancien » et que « les auteurs du néocolonialisme sont tous alliés au lobby sioniste, attaquent la religion, la langue et l’histoire de la nation ». Bensaada s’attarde particulièrement sur la position de Daoud concernant la question palestinienne, qu’il qualifie d' »encourageant » la brutalité de l’entité sioniste. Il critique également sa relation ambiguë avec la langue arabe et ce qu’il nomme « sa vision dégradante des musulmans et des Arabes ». Bensaada insiste notamment sur « les accusations sans fondement de Kamel Daoud contre les musulmans et les Arabes lors de l’incident de Cologne en Allemagne », affirmant que « l’objectif était de dénigrer l’Islam ». Au cours de cette présentation qui a attiré de nombreux lecteurs, Bensaada a souligné l’impératif pour un écrivain de rester fidèle à ses racines et à son identité, faute de quoi il ne pourrait « atteindre l’internationalité ni réussir ». Il observe une évolution dans le parcours de Daoud, qui est passé d’une critique objective de sa société à une posture de dénigrement systématique « de la société et du pays d’origine ». En conclusion de son intervention, l’analyste politique a annoncé qu’une troisième édition de « Kamel Daoud : Cologne, contre-enquête » sera publiée après l’épuisement de la deuxième, incluant un contenu actualisé couvrant la période 2016-2025, ainsi que l’analyse d’autres auteurs comme Boualem Sansal. Rappelons que Bensaada est également l’auteur de plusieurs ouvrages, dont « Arabesque », publié en arabe et en français, et « Qui sont ceux qui se sont autoproclamés leaders du Hirak? ». Cette séance, organisée au stand de l’Entreprise nationale de communication, de publication et de publicité (ANEP), s’appuie sur un travail documenté par des sources audio et des références concrètes pour étayer son analyse des mécanismes par lesquels certains intellectuels issus du monde arabe se transformeraient en relais d’influence au service d’intérêts étrangers, tout en bénéficiant d’une large audience médiatique occidentale – un phénomène que Bensaada s’attache à déconstruire méthodiquement dans son œuvre.
Mohand Seghir