Révision de l’Accord d’association: L’UE mise sur un nouveau pacte stratégique avec l’Algérie
L’Union européenne semble avoir définitivement acté la nécessité de réviser son accord d’association avec l’Algérie, reconnaissant ainsi la légitimité des revendications algériennes pour un partenariat plus équilibré. Cette évolution majeure dans la position européenne s’est confirmée hier à Alger, lors d’une conférence sur les zones économiques spéciales, organisée par la Délégation de l’Union Européenne en collaboration avec l’Ambassade de Pologne et l’Agence Algérienne de Promotion de l’Investissement.
Dans son allocution d’ouverture, l’ambassadeur de l’Union européenne en Algérie, Diego Mellado, a clairement affiché la volonté de Bruxelles de donner un nouveau souffle à ce partenariat stratégique. Il a notamment réaffirmé le caractère « fondamental et stratégique » des relations entre l’Algérie et l’UE, tout en soulignant que l’année 2025 constituerait « une bonne occasion de les approfondir et de les consolider sur la base d’un partenariat gagnant-gagnant ». Cette position marque un tournant significatif dans l’approche européenne, qui semble désormais pleinement consciente de la nécessité d’adapter l’accord aux nouvelles réalités économiques et géostratégiques. Le diplomate européen a particulièrement insisté sur l’importance de cette révision, deux décennies après la mise en œuvre de l’accord. « Après 20 ans de mise en œuvre de l’accord d’association, et face aux nouvelles réalités géostratégiques, c’est le moment pour revisiter notre partenariat et regarder nos relations dans leur globalité, notamment dans le cadre du nouveau pacte pour la Méditerranée », a-t-il déclaré. Cette reconnaissance explicite du besoin de révision fait écho aux demandes répétées de l’Algérie, qui a longtemps plaidé pour un rééquilibrage de l’accord. L’évolution de la position européenne intervient dans un contexte où l’Algérie a considérablement diversifié son économie depuis la signature de l’accord en 2005. Cette transformation a été clairement exposée par le Président Abdelmadjid Tebboune lors du Conseil des ministres du 26 janvier, où il a souligné que « la révision de cet accord est dictée par des réalités économiques ». Il a notamment rappelé qu’en 2005, « les exportations de l’Algérie reposaient essentiellement sur les hydrocarbures, alors qu’aujourd’hui, nos exportations hors hydrocarbures se sont diversifiées et élargies, notamment dans les secteurs de la production agricole, des minerais, du ciment et des produits alimentaires ».
Attirer plus d’investissements européens en Algérie,
Les déséquilibres de l’accord actuel ont été particulièrement mis en lumière par le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, qui n’a pas hésité à le qualifier au mois de décembre dernier de « boulet au pied de l’économie nationale ». Les chiffres qu’il a présentés en décembre 2024 sont révélateurs : entre 2005 et 2023, alors que les échanges commerciaux ont atteint près de 1000 milliards de dollars pour les produits européens en Algérie, les investissements européens n’ont totalisé que 13 milliards de dollars, dont 12 milliards ont été rapatriés sous forme de dividendes, laissant à l’Algérie un bénéfice net d’à peine un milliard de dollars sur cette période. Face à ce constat, l’ambassadeur Mellado a reconnu qu’il « est possible d’attirer plus d’investissements européens en Algérie, de développer et de faciliter nos échanges commerciaux et d’intégrer nos économies ». Il a également admis la légitimité de la démarche algérienne visant à diversifier son économie, soulignant qu’elle s’alignait avec les objectifs de l’UE de consolidation de sa base industrielle.
Le dynamisme retrouvé des investissements témoigne déjà des premiers effets positifs de la nouvelle approche de diversification économique en Algérie.
700 projets d’investissement depuis janvier
Dans ce sens, Omar Rekkache, directeur général de l’Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI), a souligné hier lors de la rencontre que plus de 700 projets d’investissement ont été enregistrés depuis le début de l’année 2025, représentant une valeur déclarée de plus de 889 milliards de DA. « Le nombre des projets d’investissement enregistrés au niveau des guichets de l’AAPI, depuis le début de l’année en cours jusqu’au 15 février courant, s’élève à 743 projets », a-t-il précisé, soulignant que ces initiatives devraient générer près de 21.900 emplois. Parmi ces projets, onze impliquent des investisseurs étrangers, dont trois investissements directs et huit en partenariat avec des opérateurs algériens, incluant notamment un projet d’investissement omanais pour la fabrication automobile de la marque sud-coréenne Hyundai.
M. Rekkache attribue ce « bilan positif » au « dynamisme » du climat d’affaires observé ces trois dernières années, résultat de « la vision stratégique des hautes autorités à travers les réformes profondes mises en place, notamment les textes législatives et réglementaires, dont les lois relatives à l’investissement, aux zones franches et au foncier économique ». Cette transformation se manifeste également par la création de pôles industriels spécialisés à travers le pays, comme celui du cuir à Médéa, du textile à Relizane, et des articles scolaires à Bordj Bou Arreridj. Le DG de l’AAPI a également souligné que cette rencontre s’inscrivait dans le cadre de la mise en œuvre du projet de coopération lancé par la Mission de l’UE en collaboration avec le ministère des Affaires étrangères, de la Communauté nationale à l’étranger et des Affaires africaines, visant à promouvoir les investissements européens directs en Algérie.
Cette convergence de vues entre Bruxelles et Alger ouvre la voie à une révision constructive de l’accord d’association. Le Président Tebboune a d’ailleurs tenu à préciser que cette révision n’était « nullement motivée par un différend », mais visait plutôt à consolider les relations entre l’Algérie et l’Union européenne sur la base d’un partenariat équilibré. Cette approche positive a été mise en avant dès octobre 2024, lorsque le chef de l’État algérien avait annoncé sa volonté de mener cette révision « avec souplesse et dans un esprit amical, sans entrer en conflit ». Les points de friction restent néanmoins nombreux, notamment concernant les barrières non tarifaires imposées par l’UE qui freinent l’accès des produits algériens au marché européen, ainsi que les restrictions sur la libre circulation des citoyens et des opérateurs économiques algériens dans l’espace Schengen. La mise en place de la taxe carbone et le système de quotas limitant les exportations algériennes constituent également des points de discussion importants pour les négociations à venir. La reconnaissance par l’UE de la nécessité de réviser l’accord d’association marque ainsi une étape importante dans l’évolution des relations euro-algériennes. Cette nouvelle approche, basée sur la reconnaissance mutuelle des intérêts de chaque partie et la volonté de construire un partenariat véritablement équilibré, pourrait ouvrir la voie à une coopération plus fructueuse entre les deux rives de la Méditerranée.
Samira Ghrib