Visite de Dati dans les territoires du Sahara occidental occupés: Alger dénonce un mépris de la légalité internationale
Le ministère des Affaires étrangères, de la Communauté nationale à l’étranger et des Affaires africaines a vivement réagi hier à la visite de la ministre française de la Culture, Rachida Dati, dans les territoires occupés du Sahara occidental.
Dans un communiqué sans ambiguïté, la diplomatie algérienne a qualifié cette visite « d’une gravité particulière », soulignant qu’elle est « condamnable à plus d’un titre ». « La visite d’un membre du Gouvernement français au Sahara Occidental est d’une gravité particulière. Elle est condamnable à plus d’un titre. Elle traduit un mépris insigne de la légalité internationale de la part d’un membre permanent du Conseil de Sécurité », lit-on dans le communiqué. « Elle aide à la consolidation du fait accompli marocain au Sahara Occidental, territoire où un processus de décolonisation reste inachevé et où l’exercice d’un droit à l’autodétermination demeure inaccompli », ajoute la même source. Enfin, « la visite malvenue du membre du Gouvernement français renvoie l’image détestable d’une ancienne puissance coloniale solidaire d’une nouvelle. Ce faisant, le Gouvernement français se disqualifie davantage et s’isole par rapport à l’action des Nations Unies visant à hâter un règlement du conflit du Sahara Occidental sur la base d’un strict respect de la légalité internationale », conclut le communiqué. La visite de Mme Dati, qui s’est rendue dans les villes occupées de Dakhla et Laâyoune en compagnie du ministre marocain de la Jeunesse et des Sports, intervient alors que Paris s’enfonce dans une logique qui va à contre sens de droit et de la légalité internationale, dans le cadre d’une démarche où une ancienne puissance coloniale soutien les plan d’occupation d’un nouveau régime colonial.
La France à contre-courant de l’Histoire
Cette nouvelle provocation française survient quelques mois après la reconnaissance par Paris de la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, une décision qui avait déjà conduit au rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France. Le président Abdelmadjid Tebboune avait alors alerté son homologue français lors d’une rencontre en marge du G7 à Bari en juin dernier .
« Nous avons parlé avec le président Macron plus de 2 heures 30 en marge du sommet du G7 à Bari, le 13 juin dernier. (…) Il m’a alors annoncé qu’il allait faire un geste pour reconnaître la « marocanité » du Sahara occidental, ce que nous savions déjà. Je l’ai alors prévenu?: « Vous faites une grave erreur?! Vous n’allez rien gagner et vous allez nous perdre » », a déclaré le président de la République dans un récent entretien journal français « l’Opinion ». « Et vous oubliez que vous êtes un membre permanent du Conseil de sécurité, donc protecteur de la légalité internationale », a-t-il ajouté dans un entretien à ce quotidien. Affirmant que le conflit au Sahara occidental est « une question de décolonisation pour l’ONU qui n’a toujours pas été réglée », le président de la République a rappelé que « l’indépendance de l’Algérie a été obtenue après cent trente ans de combat ».
« Vous faites une grave erreur ! Vous n’allez rien gagner et vous allez nous perdre ». Le chef de l’État algérien avait notamment rappelé à Emmanuel Macron ses obligations en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, censé être le garant de la légalité internationale. Cette position française va en effet à l’encontre des décisions de la Cour internationale de Justice qui, dans son avis consultatif de 1975, avait clairement établi l’absence de liens de souveraineté entre le Maroc et le Sahara occidental. Plus récemment, la Cour de justice de l’Union européenne a réaffirmé le statut distinct du territoire sahraoui en déclarant illégaux les accords commerciaux entre le Maroc et l’UE incluant les territoires occupés.
Des réflexes coloniaux qui persistent
Pour l’Association de la jeunesse sahraouie de France, la visite de Rachida Dati n’est qu’une « tentative de contournement des décisions des Nations unies et des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne ». L’association rappelle que le territoire sahraoui est soumis depuis 1975 à un blocus militaire marocain, marqué par de graves violations des droits humains. Face à cette situation, l’Association de la jeunesse sahraouie de France appelle le gouvernement français à « respecter la légalité internationale et à se conformer aux résolutions des Nations unies concernant le Sahara Occidental », condamnant « fermement toute action politique, culturelle ou commerciale considérant le Sahara Occidental comme faisant partie du Maroc ». La démarche française traduit l’image détestable d’une ancienne puissance coloniale solidaire d’une nouvelle colonisation et par laquelle Paris s’isole par rapport à l’action des Nations Unies visant à hâter un règlement du conflit du Sahara Occidental sur la base d’un strict respect de la légalité internationale. Cette position française a suscité de vives critiques également des critiques au niveau international et au sein même de la classe politique hexagonale. Le secrétaire général du Parti communiste français, Fabien Roussel, a ainsi accusé il y a quelques mois Emmanuel Macron d’avoir « trahi la position historique et équilibrée de la France sur les résolutions des Nations Unies et les droits du peuple sahraoui », tandis que la secrétaire nationale des écologistes, Marine Tondelier, dénonce un « fiasco international ». Le peuple sahraoui, soutenu par une grande partie de la communauté internationale, reste déterminé à poursuivre sa lutte pour l’autodétermination, conformément aux résolutions des Nations unies, malgré les tentatives franco-marocaines de légitimer l’occupation.
Hocine Fadheli