Indicateurs entre 2023/2024 de performance du continent au niveau mondial : L’Afrique doit améliorer sa gouvernance
Par Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités et docteur d’Etat 1974 en management stratégique, haut magistrat Premier conseiller à la Cour des Comptes et directeur général des études économiques 1980/1983.
L’Afrique doit faire évoluer, comme le font les pays développés et émergents via leurs départements et agences ministériels, leurs services de renseignement et de contre-espionnage, qui facilitent l’accès aux volumes importants d’informations sur le commerce international mettant en place un service d’information économique au profit des entreprises engagées dans le commerce extérieur.
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont des implications au niveau de la gouvernance militaire, politique et économique ; sur la gestion des entreprises et des administrations mais ont un impact également sur notre nouveau mode de vie. Toute bonne gouvernance est appelée à prendre des décisions en temps réel et toute inadaptation à ces mutations isolerait tout pays encore plus. L’objet de cette présente contribution est de situer l’Afrique face à ces nouvelles mutations
La maîtrise des nouvelles technologies garante du développement et de la sécurité nationale
Avec la transition numérique, il est nécessaire de gérer un important flux d’informations qui exige la crédibilité de l’appareil statistique et la sélection opératoire d’une masse d’information croissante. Tout pays en ce monde en perpétuel mouvement et bouleversement géostratégique a donc besoin de la maîtrise des nouvelles technologies d’information qui se fondent sur le savoir, une Nation étant meilleure et s’imposant face à ses concurrents si elle possède, avant les autres, les bonnes informations afin de créer une asymétrie d’information à son avantage. La maîtrise de l’Intelligence économique et gestion stratégique est devenue pour une Nation et l’entreprise l’un des moteurs essentiels de sa performance globale et de sa sécurité. L’Afrique doit faire évoluer, comme le font les pays développés et émergents via leurs départements et agences ministériels, leurs services de renseignement et de contre-espionnage, qui facilitent l’accès aux volumes importants d’informations sur le commerce international mettant en place un service d’information économique au profit des entreprises engagées dans le commerce extérieur. Il y a aussi l’exigence de faire face à la cyber criminalité où l’IA aide à identifier et prévenir les cyberattaques en surveillant en temps réel les réseaux et en détectant les anomalies. Selon les estimations issues des Market Insights de Statista, le coût total de la cybercriminalité dans le monde a dépassé les 8000 milliards de dollars en 2023, en hausse de 15 % sur un an. L’IA aura un impact sur notre vie quotidienne et surtout sur la nouvelle structure de l’emploi l’organisation du travail, les institutions y compris l’armée et les services de renseignement et les entreprises devant passer du modèle rigide de l’organisation hiérarchique à une organisation en réseaux. Un rapport récent de l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI) met en lumière un profond changement, montrant que la Chine est désormais en tête dans environ 90% des technologies clés, dépassant de manière significative les Etats-Unis. Ce renversement des positions entre les deux géants mondiaux a des implications importantes pour l’avenir de l’innovation, de la sécurité et de l’économie mondiales. Pendant des décennies, les Etats-Unis étaient le leader incontesté de la recherche technologique, occupant une position dominante dans presque tous les domaines stratégiques. Cependant, depuis le début du XXIe siècle, la Chine a entrepris un décollage fulgurant, inversant les positions respectives des deux pays. Selon le rapport de l’ASPI, basé sur une mise à jour du «Critical Technology Tracker», le score des TIC en Afrique est plus bas que dans d’autres régions du monde.Tout pays en ce monde en perpétuel mouvement et bouleversement géostratégique, a besoin de la maîtrise des nouvelles technologies d’information qui se fondent sur le savoir. Celui qui dominera le monde sera celui qui sera concilier la symbiose des nouvelles technologies et notamment l’application de l’intelligence artificielle dans le développement des industries de la vie, l’éducation, la santé, les loisirs ( avons-nous évalué les recettes mondiales de la musique, des films et notamment des feuilletons), les industries écologiques en liaison avec les industries alimentaires où le modèle de consommation est appelé à changer, devant privilégier les aliments qui consomment moins d’eau avec les risques de tensions planétaires face à la pénurie de cette ressource rare. Aussi les données qui suivent mesurant le poids de chaque pays au sein de l’économie mondiale sont appelés à évoluer rapidement entre 2025/2030 sous l’impact de de la transition énergétique et numérique comme je viens de le rappeler le 17 février dans une longue interview que j’ai publiée en arabe et en anglais pour le magazine Forum pour la créativité et la culture arabe localisé à Doha Qatar sous le titre « Les défis des pays arabes face à la nécessaire transition énergétique et numérique »
L ’Afrique face aux nouvelles mutations mondiales : quelques indicateurs
1 – Produit intérieure brut en Afrique
Sur un total de 105.000 milliards de dollars de PIB mondial en 2024, l’Afrique représente environ 2.800 milliards de dollars de PIB pour 1,4 milliard d’habitants. Son PIB est inférieur de 7,7 fois de celui de la Chine mais se rapproche de celui de l’Inde, ces deux pays ayant le même nombre d’habitant. Pour 2024, nous avons le classement suivant en Afrique : -Afrique du Sud 373,23 milliards de dollars pour 60,40 millions d’habitants -Egypte 347,59 milliards de dollars pour 112,70 millions d’habitants -Algérie 266,78 milliards de dollars pour 45,60 millions d’habitants –Nigeria 252,74 milliards de dollars pour 223,80 millions habitants – Ethiopie 205,13 milliards de dollars pour 126,50 millions habitants. -Maroc PIB 152,28 milliards de dollars pour une population de 36,98 millions -Kenya 104 milliards de dollars pour une population de 52,60 millions -Angola 92,12 milliards de dollars pour une population de 37,80 millions -Côte d’Ivoire 86,91 milliards de dollars pour une population de 32,00 -Tanzanie 79,61 milliards de dollars pour une population de 69,80 millions. Le Top 10 de ces pays représentent plus de 32% du PIB de l’Afrique et près de 55% de la population et selon le FMI, l’Afrique reste la deuxième région connaissant la croissance la plus forte après l’Asie entre 2024 et 2025. Cependant si l’on prend le PIB par tête d’habitant , ce ratio étant plus fiable que le précédent voile la disparité » de la répartition du revenu par couches sociales. Ainsi pour 2024 selon la Banque africaine de développement les 10 premiers pays d’Afrique nous avons les Seychelles qui arrivent en première position avec 21.875 dollars suivi de : Ile Maurice 12973 dollars- Gabon 9308 dollars- Botswana 7875 dollars- Libye 6975 dollars- Guinée Equatoriale 6733 dollars- Afrique du Sud 5975 dollars- Algérie 5722 dollars Namibie 4725 dollars – Cap-Vert 4656 dollars.
2- Indice du développement humain du PNUD sur 193 pays
Nous avons l’indice du développement humain du PNUD ‘IDH qui est un indice composite, sans dimension, compris entre 0 (exécrable) et 1 (excellent). Il est calculé par la moyenne de trois indices quantifiant respectivement trois composantes suivantes: le log PIB par tête en parité pouvoir d’achat, l’espérance de vie à la naissance, la moyenne pondérée du taux d’alphabétisation et du taux de scolarisation. Nous avons par ordre décroissant selon le rapport du PNUD 2023/2024 en Afrique -Seychelles premier en Afrique avec une note de 0,802 67eme mondial-l’Ile Maurice note de 0,786 rang mondial 72eme -Libye note de 0,746 ,rang mondial 92 eme – Algérie note 0,745 rang mondial 93eme – Tunisie note 0,732 rang mondial 101eme – Egypte note 0,728 rang mondial 105eme – Afrique du Sud note 0,717 rang mondial 110eme – Botswana note 0,708 rang mondial 114eme- Maroc note 0,698 rang mondial 120eme – Gabon note 0,693 avec un rang mondial 123eme Cap vert note 0,661 avec un rang mondial de 131eme-Guinée Equatoriale note 0,650 avec un rang au niveau mondial de 133emle – SaoTomé et Principe 0,650 rang mondial 141eme – Eswatini note 0,610 rang mondial 142 eme – idem Namibie – Kenya note 0,601 , rang mondial 146eme –Congo note 0,593 rang mondial 150eme –Cameroun note 0,587 rang mondial 151eme- Zambie note 0,569 rang mondial 153eme – Ouganda note 0,550 rang mondial 159 -Rwanda note 0,548 rang mondial 161eme – Nigeria note 0,548 rang mondial 161eme et en dernier nous avons le Mali note 0,410 rang mondial 188eme- le Niger note 0,394 rang mondial 189eme- la République centra –africaine note 0,387 rang mondial 191emee et la Somalie note 0,380 rang mondial 193 eme.
3-Classement des pays selon le développement des NTIC en 2024
Par ordre, le paradoxe du fait de la situation politique, nous avons la Libye qui est à la première place avec un score de 88,1 suivie du : -Maroc (86,8) -Seychelles (84,7) -Maurice (84,2) -Afrique du Sud (83,6) -Algérie (80,9) -Botswana (78,7) -Tunisie (77,2) -Egypte (76,8) -Gabon (74,7) -Eswatini (70,4) -Sénégal (69,3) -Cap-Vert (69,1) -Namibie (68,8) -Ghana (66,2)
4-L’Indice de l’innovation
Dans son rapport sur l’indice mondial de l’innovation 2024 (GII) intitulé « Unlocking the Promise of Social Entrepreneurship », l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a évalué les pays africains qui accusent du retard important du fait de l’important exode de cerveaux qui vide l’Afrique de sa substance. Selon les données récentes de l’Union africaine, l’Afrique perd environ 70 000 professionnels hautement qualifiés chaque année dont 2 milliards de dollars an uniquement pour le secteur de la santé (source BAD 2023), ce taux d’émigration de professionnels qualifiés étant l’un des plus élevés au monde, étant nécessaire pour le compenser environ 4 milliards de dollars par an et ce souvent pour des raisons tant de conflits que de gouvernance interne mitigée. En prenant le classement suivant rang mondial- le score sur 100 nous avons pour les 20 premiers pays d’Afrique le classement suivant : Ile Maurice premier en Afrique, 55eme mondial et une note de 30,6 -le Maroc 2eme en Afrique -66eme mondial, note 28,8 – Afrique du Sud 3eme en Afrique 69eme mondial – Tunisie 4eme en Afrique 81eme mondial note 25,4 – Égypte 5eme en Afrique , 86e mondial 23,7 et une note 23,7 -Botswana 6eme en Afrique 87eme mondial note 23,1 -Cap-Vert 7eme en Afrique 90eme mondial note 22,3 – Sénégal 8eme en Afrique 92eme mondial note 22,0 -Kenya 9eme en Afrique 96eme mondial , note 21,0 -Ghana 10eme en Afrique, 101eme mondial note 20,0 -Namibie 11eme en Afrique 102eme mondial note 20,0 – Rwanda 12eme en Afrique 104eme mondial , note 19,7 – Madagascar 13eme en Afrique , 110eme mondial, note 17,9 – Cote d’Ivoire 14eme en Afrique, 112eme mondial ,note 17,5 – Nigeria 15eme en Afrique , 113eme mondial , note 17,1 – Algérie 16eme en Afrique 115eme mondial , note 16,2 – Zambie 17eme en Afrique, 116eme mondial , note 15,7 – Togo 18eme en Afrique, 117eme mondial, not 15,6 – Zimbabwe 19eme en Afrique, 118eme rang mondial note 15,6 – Bénin 20eme en Afrique 119eme mondial avec une note de 15,4( source GILL 2024).
5- Le classement de l’Afrique pour l’Intelligence artificielle
Le rapport pour 2023 l’intelligence artificielle en Afrique: défis et opportunités du Policy Center for the New South souligne l’impact transformateur de l’intelligence artificielle (IA) sur le paysage économique mondial. Nous avons le classement suivant pour les 15 premiers pays d’Afrique par ordre décroissant : premier en Afrique -Ile Maurice – rang mondial 61eme -Egypte rang mondial –62eme -Afrique du Sud rang mondial 77eme -Tunisie rang mondial 81eme -Rwanda rang mondial 84eme -Maroc rang mondial 88eme -Sénégal rang mondial 91eme -Bénin rang mondial 97eme -Kenya rang mondial 101eme -Nigeria rang mondial 103eme -Botswana rang mondial 110 ème -Seychelles rang mondial 112eme -Cap Vert rang mondial 119eme -Algérie rang mondial 120 eme au niveau mondial -Namibie rang mondial 125eme
6.- Classement selon le rapport 2024 de l’Indice de perception de la corruption du 11 février 2025
Je rappelle que les données de l’IPC saisissent les aspects suivants de la corruption, en fonction de la formulation de la question spécifique utilisée pour recueillir les données : – les pots-de-vin -le détournement de fonds publics – la prévalence de fonctionnaires utilisant la fonction publique à des fins privées sans subir de conséquences – la capacité des gouvernements à endiguer la corruption et à appliquer des mécanismes d’intégrité efficaces dans le secteur public – les formalités administratives et les contraintes bureaucratiques excessives qui peuvent accroître les opportunités de corruption – les nominations basées sur le népotisme plutôt que sur la méritocratie dans la fonction publique -les poursuites pénales efficaces contre les fonctionnaires corrompus – l’existence de lois adéquates sur la divulgation financière et la prévention des conflits d’intérêts pour les fonctionnaires – la protection juridique des lanceurs d’alerte, des journalistes et des enquêteurs lorsqu’ils signalent des cas de corruption et de versement de pot-de-vin -la captation de l’État par des intérêts particuliers étroits – l’accès de la société́ civile aux informations sur les affaires publiques. Sur les quelque 13.000 milliards de dollars de dépenses publiques mondiales en 2023, si on applique un taux variant entre 10 et 20% jusqu’à 25% perdus à cause de la corruption qui souvent se répercutant sur le coût de la marchandise accélérant l’inflation nous aurons entre 1300 et 2600 milliards de dollars par an. Selon un rapport de la Banque africaine de développement BAD dans une note du 08 décembre 2024, l’Afrique perdrait 145 milliards de dollars par an pour corruption en 2023 contre 128 en 2021, soit plus 5,17% de son PIB évalué à 2800 milliards de dollars ce qui est énorme. La corruption liée souvent en Afrique à l’importance de la sphère informelle outre les facteurs politiques et sociaux démobilisant la population a pour impact d’importantes pertes pour les recettes fiscales. Et comme l’a mis en relief l’économiste de renommée mondiale, John Maynard Keynes, il vaut mieux que l’homme exerce son despotisme sur son compte en banque personnel que sur ses concitoyens. Par ordre décroissant : les Seychelles arrivent en premier en Afrique étant le pays le moins corrompu, 18è rang mondial, avec une note de 72 suivi de : -Cap-Vert (35è) – note 62 -Botswana (43è) note 57 -Rwanda (43è) note 57 -Maurice (56è) 52 -Namibie (59è) 49 -Bénin (69è) 45 -Côte d’Ivoire (69è) 45 -Sao Tomé-et-Principe (69è) note 45 -Sénégal (69è) note 45 -Ghana (80è) note 42 -Burkina Faso (82è) note 41 -Afrique du Sud (82è) note 41 -Tanzanie (82è) note 41 -Tunisie (92è note 39 -Zambie (92è) 39 -Gambie (96è) 38 -Ethiopie (99è) -Lesotho (99è) -Maroc (99è° score 37 -Algérie (107è) note 34 -Malawi (107è) note 33-Niger (107è ) note 32 -Sierra Leone (114è) note 32 -Angola (121è) note 32.
En conclusion, je suis convaincu que l’Afrique a toutes les potentialités pour devenir la locomotive de l’économie mondiale entre 2040/2050 avec l’avènement de la quatrième révolution économique qui se fondera sur la transition numérique et la transition énergétique via les industries écologiques. Son devenir sera ce que les Africains voudront qu’il soit. Comme je le rappelais dans une interview donnée au grand quotidien financier les Echos -Paris le 07 août 2008, et dans plusieurs contributions internationales entre 2010-2024 la numérisation permet la lutte contre la mauvaise gestion et la corruption ce qui renvoient à la bonne gouvernance et à la rationalisation de l’Etat dans ses choix en tant qu’identité de la représentation collective.
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