L’axe Alger-Rome se consolide
Dans un contexte géopolitique méditerranéen en pleine mutation, les relations algéro-italiennes connaissent une dynamique remarquable. C’est dans ce contexte que s’inscrit la visite officielle en Algérie du vice-président du Conseil des ministres italien et ministre des Affaires étrangères, Antonio Tajani, ce lundi. Cette visite, marquée par une audience accordée par le président Abdelmadjid Tebboune, s’inscrit dans la continuité d’un partenariat stratégique qui ne cesse de se renforcer entre les deux puissances méditerranéennes.
La journée a été riche en rencontres de haut niveau, maquée par l’audience présidentielle à laquelle ont assisté plusieurs hauts responsables algériens, notamment le directeur de Cabinet à la Présidence de la République, Boualem Boualem, le ministre d’État aux Affaires étrangères, Ahmed Attaf, le Directeur général Europe au ministère des Affaires étrangères, Toufik Djouama, ainsi que l’ambassadeur d’Algérie à Rome, Mohamed Khelifi. À l’issue de cette audience, Antonio Tajani n’a pas caché sa satisfaction : « Je suis très heureux d’être ici à Alger, pour la première fois, et je remercie le Président, Abdelmadjid Tebboune, pour son accueil très chaleureux et amical », déclarant avec assurance que les relations entre les deux pays sont « très fortes ». Le ministre italien a souligné la volonté partagée « d’aller de l’avant » dans une coopération multidimensionnelle qui va, selon ses propres termes, « de la coopération politique à la coopération économique et englobe aussi le domaine de la culture ». La dimension culturelle et éducative n’a d’ailleurs pas été négligée lors des discussions, puisque M. Tajani a exprimé le souhait de son pays de « soutenir l’enseignement de la langue italienne en Algérie » et d’accueillir « plus d’étudiants algériens dans les universités italiennes », démontrant ainsi une vision à long terme des relations bilatérales qui dépasse le cadre strictement économique ou politique.
En amont de cette audience au sommet, les ministres des Affaires étrangères des deux pays ont tenu une séance de travail élargie, avec la participation des secrétaires généraux des ministères concernés et de membres des délégations respectives. Cette réunion a permis d’examiner les progrès réalisés dans le cadre du renforcement des relations de coopération et de partenariat dans leurs diverses dimensions politique, économique et humaine. Les deux ministres ont salué « la dynamique remarquable des relations bilatérales et l’intensité des échanges de visites et de consultations bilatérales », tout en abordant les échéances futures.
Migrations, et questions régionales
Au-delà des aspects bilatéraux, les discussions ont également porté sur les enjeux régionaux et internationaux, notamment « les récents développements dans l’espace méditerranéen, au Sahel et au Moyen-Orient ». Sur ce point, Tajani a indiqué avoir évoqué avec le président Tebboune « la stabilité dans la région de la Méditerranée et la lutte contre la traite humaine », assurant que les deux pays « veulent travailler ensemble et à ce titre, il a été décidé d’avoir une coordination durable entre les Secrétaires généraux des ministères des Affaires étrangères de l’Algérie et de l’Italie, ainsi qu’avec la Tunisie ». Cette coordination trilatérale témoigne d’une approche régionale concertée face aux défis communs, notamment migratoires, et annonce une intensification des mécanismes diplomatiques : « On a décidé d’organiser une rencontre entre les gouvernements de nos deux pays en Italie et dont la date sera fixée ultérieurement, ainsi qu’une réunion ministérielle des 5+5 de la Méditerranée », a précisé le ministre italien.
L’aspect économique de la visite a été particulièrement mis en avant avec la tenue d’une table ronde sur l’entrepreneuriat algéro-italien, qui a réuni plusieurs ministres de départements de poids : Mohamed Arkab, ministre d’État à l’Énergie, aux Mines et aux Énergies renouvelables, Youssef Cherfa, ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, et Sifi Ghrib, ministre de l’Industrie, ainsi que le président du Conseil du Renouveau Économique Algérien, Kamel Moula, aux côtés d’une importante délégation d’hommes d’affaires des deux pays.
Coopération économique et énergétique
Lors de cette rencontre économique, Mohamed Arkab a souligné que « l’Algérie est aujourd’hui une destination d’investissement par excellence et constitue un pont entre l’Afrique et l’Europe ». Il a rappelé les réformes engagées sous la conduite du président Tebboune pour faciliter et attirer les investissements étrangers, affirmant que « l’Algérie est un véritable chantier ouvert à l’investissement ». En écho à cette présentation des opportunités algériennes, Antonio Tajani a évoqué plusieurs secteurs prioritaires pour la coopération future : « Nous avons évoqué les différents aspects de la coopération économique, notamment dans les domaines de l’énergie, des infrastructures, du bâtiment et de l’agro-industriel et nous sommes disposés à engager de nouveaux investissements en Algérie et apporter tout notre savoir-faire ». Il a également mentionné d’autres domaines prometteurs tels que les ressources en eau, la défense, le tourisme et l’industrie, déclarant avec force : « Aujourd’hui, nous sommes deux pôles, politique et économique, au cœur des mutations mondiales ». Le secteur énergétique, pilier traditionnel des relations algéro-italiennes, a fait l’objet d’une attention particulière avec la réception par le ministre Arkab d’une délégation de la société italienne ENI, conduite par Guido Brusco, directeur exécutif des opérations du secteur des ressources naturelles. Cette rencontre, à laquelle participait également le PDG de Sonatrach Rachid Hachichi, a permis d’explorer les moyens de renforcer les investissements conjoints dans divers domaines, notamment les hydrocarbures, les énergies nouvelles et renouvelables et l’interconnexion électrique.
Les discussions ont notamment mis l’accent sur « les projets de coopération dans le domaine de l’hydrogène et des énergies renouvelables, dans le cadre des orientations stratégiques de l’Algérie vers une transition énergétique durable ». À cette occasion, le ministre Arkab a réaffirmé l’engagement de l’Algérie à « assurer un climat d’investissement incitatif et à renforcer les partenariats existants au service des intérêts communs », mettant en exergue les réformes entreprises pour améliorer l’attractivité du secteur énergétique algérien. De son côté, Guido Brusco s’est félicité du « niveau des relations de partenariat entre Sonatrach et Eni », soulignant la volonté de sa société de poursuivre le développement de la coopération en explorant de nouvelles opportunités d’investissement en Algérie et en soutenant les projets stratégiques entre les deux pays.
Cette visite officielle d’Antonio Tajani en Algérie apparaît ainsi comme un jalon important dans la consolidation d’un axe Alger-Rome de plus en plus stratégique. Au-delà des déclarations d’intention, les rencontres de haut niveau et les perspectives concrètes de coopération évoquées témoignent d’une relation bilatérale mature et multidimensionnelle, ancrée dans une vision partagée des enjeux méditerranéens. Dans un contexte international incertain et face aux défis communs que représentent la sécurité régionale, les flux migratoires et la transition énergétique, l’Algérie et l’Italie semblent déterminées à jouer un rôle stabilisateur et proactif en Méditerranée, en s’appuyant sur des complémentarités économiques évidentes et sur une tradition de dialogue politique renforcée.
Salim Amokrane