Décision de l’OPEP+ d’augmenter sa production à partir du 1er avril 2025 : Quel impact sur l’économie algérienne ?
Par Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités, expert international docteur d’ Etat en gestion 1974, ancien directeur des études au Ministère de l’Énergie et à la Sonatrach, Président de la commission transition énergétique des 5+5+Allemagne 2019/2021 et haut magistrat Premier conseiller et directeur général des études économiques à la Cour des comptes 1980/1983.
Lors d’une réunion ministérielle, tenue par vidéoconférence le 03 mars 2025 , l’OPEP+ a décidé d’un assouplissement des réductions volontaires de production pétrolière à compter du 1er avril 2025.
Selon le communiqué du cartel, « compte tenu des fondamentaux sains et des perspectives positives du marché », les membres de l’OPEP+ ont réaffirmé leur décision, convenue le 5 décembre 2024, de procéder à un retour progressif et flexible des ajustements volontaires de 2,2 millions de barils quotidiens à partir du 1er avril 2025 », ce qui a conduit à une chute des cours dont la cotation le 06 mars 2025 est passée sous la barre des 70 dollars , exactement à 14H GMT 69,66 dollars le Brent et 68,71 dollars le WIt, et pour le prix de cession du gaz naturel après avoir dépassé les 50 dollars le mégawattheure au 05 mars 2025 (source bourse) il est passé à 42,27 dollars malgré un froid rigoureux, en rappelant que durant le premier semestre 2024 il fluctuait entre 30/35 dollars, ce qui se répercute sur la rentabilité en bas de baisse sur bon nombre de projets gaziers ce qui pénalisera forcément les petits producteurs dépendant fortement de la rente des hydrocarbures. Rappelons que les treize membres de l’OPEP sont l’Algérie, l’Angola, l’Arabie saoudite, le Congo, les Émirats arabes unis, le Gabon, la Guinée équatoriale, l’Iran, l’Irak, le Koweït, Libye, le Nigeria et le Venezuela. Les 10 autres pays membres de l’OPEP+ sont l’Azerbaïdjan, le Bahreïn, le Brunéi, le Kazakhstan, la Malaisie, le Mexique, Oman, le Soudan, le Soudan Sud et la Russie principal acteur. Le Brésil les ayant rejoint en tant que membre depuis janvier 2024. Selon l’Agence internationale de l’Énergie, l’OPEP représente 34% de la production mondiale et l’OPEP+ compte pour environ 51% de la production mondiale de pétrole. Il faut voir dans cette décision l’influence des deux plus grands producteurs à savoir la Russie et l’Arabie Saoudite, produisant chacun plus de 10 millions de barils jour, les autres pays étant marginaux, et de l’effet du président américain Trump dans ses bonnes relations avec ces deux géants pétroliersdont le but est un cours entre 50/60 dollars.
Dès lors quel impact dès lors une baisse du cours des hydrocarbures sur l’économie algérienne mais qui touchera tous les pays à forte population et mono exportateurs de pétrole et dont la consommation intérieure est forte et les exportations relativement faibles ? Selon les données jointes au communiqué de l’Opep, la production algérienne connaîtra une augmentation en avril 2025 pour atteindre 911.000 barils par jour, contre 13 millions pour les USA, 10/11 millions barils jour pour la Russie et l’Arabie Saoudite. Sur cette production algérienne 55% sont destinés à l’exportation et 45% pour la consommation intérieure, les exportations actuelles étant d’environ 480.000-500.000 barils jour pour le pétrole et sur plus de 100 milliards de mètres cubes gazeux produits environ 50 milliards exportés ayant connu selon le site spécialisé en Energie international Attaqa du 20 février 2O25 une baisse en 2024 à 98,41 milliards de mètres cubes en 2024, contre 105,24 milliards de mètres cubes en 2023. Aussi cette augmentation modérée pour l’Algérie ne compensera pas la baisse des cours s’il venait à être entre 60/65 dollars, pour le volume actuel de production avec moins de 40 milliards de dollars de recettes en devises de Sonatrach et en cas de 50 dollars les recettes seraient d’environ 30 milliards de dollars. Cela aura forcément un impact sur les équilibres financiers de l’Algérie qui doit être attentive aux impacts de la décision récente de l’OPEP +, car gouverner c’est prévoir afin d’ éviter les discours euphoriques ayant conduit aux scénarios des années passées que nul Algérien ne souhaite revivre.
Une nouvelle politique énergétique
D’où l’importance d’une nouvelle politique énergétique reposant sur un Mix énergétique, efficacité énergétique, développement des énergies renouvelables pour la consommation intérieure , développement de l’hydrogène pour l’exportation et un accroissement de la production pour compenser cette baisse des prix. L’on devra tenir compte des nouveaux enjeux énergétiques mondiaux donc d’une forte concurrence notamment en plus de l’entrée de nouveaux producteurs en Afrique, de l’accroissement des exportations américaines en direction de l’Europe et éventuellement du gaz russe en cas de la résolution du conflit en Ukraine, l’Algérie ayant profité de ce conflit où sa part est passée de 10/12% entre 2019/2022 à plus de 19% entre 2023/2024. Car les recettes de Sonatrach sont passées de 60 milliards de dollars en 2O22, à 50 milliards de dollars en 2O23 seront estimées probablement entre 43/44 milliards de dollars en 2024 ou le cours moyen a été entre 75/77 dollars le baril. Car face à une pression démographique, plus de 45 millions d’habitants s’orientant vers plus de 50 millions à l’horizon 2030, il faut créer 350.000/400.000 emplois par an qui s‘ajoutent au taux de chômage actuel évalué en 2024 selon les institutions internationales à plus de 14% de la population active , l’ONS du gouvernement donnant septembre 2024 à 12,7%, nécessitant 8/9% de taux de croissance sur plusieurs années. C’est une loi économique, les grands projets hautement capitalistiques annoncés par le gouvernement s’ils venaient à se réaliser dans les délais impartis, n’atteindront leur seuil de rentabilité que dans 5/7 années à partir de leur première année de fonctionnement , et pour les PMI/PME que dans 2/3 années, c’est à dire horizon 2028/2032 et sans surcoûts.
Selon le Premier ministère(rapport officiel rendu public par l’agence APS), l’assainissement des entreprises publiques avec une désindustrialisation qui selon un rapport officiel du ministère de l’industrie le secteur représente en 2023 environ 4% du PIB contre plus de 17% vers les années 1978, (source APS) ont coûté au Trésor public, environ 250 milliards de dollars, durant les trente dernières années à fin 2020, et plus de 65 milliards de dollars de réévaluation, les dix dernières années à fin 2020 , ces assainissements ayant continué entre 2023/2024, dont plus de 90% sont revenues à la case de départ, faute de maîtrise de la gestion. Nous assistons à une extension de la sphère informelle où le montant de la circulation fiduciaire hors circuit bancaire a ainsi atteint 8026,19 milliards de dinars à fin septembre 2023, au cours de 135 dinars un dollars soit 59,45 milliards de dollars contre 54,75 milliards de dollars à fin décembre 2022 contrôlant 33,99% de la masse monétaire en circulation (source banque d’Algérie ). Or, Sonatrach avec les dérivées inclus dans la rubrique hors hydrocarbures pour 67% , ce segment étant passé de 6,9 milliards de dollars en 2022, à 5,01 milliards de dollars en 2O23 et selon les estimations de l’ONS durant le premier semestre 2024 allant vers 4,2 milliards de dollars en 2O24 , procurent 97/98% des recettes en devises du pays. Pour pouvoir exporter il faut des entreprises compétitives devant redresser la balane devises seul critère pertinent pour évaluer la performance hors hydrocarbures, devant prendre en compte les matières premières importées en devises, les subventions accordées notamment pour le gaz, 20% du prix international pour certains segment- sidérurgie-ciment- , la bonification du cout du transport et des taux d’intérêt. D’où l’urgence d’avoir une plus grande rigueur budgétaire, où selon le FMI pour les lois de finances de 2024-2025 entre budget d’équipement et de fonctionnement nécessitent pour l’équilibre 140 dollars avec un fort déficit budgétaire, le cours de 60 et 70 dollars retenus dans la loi de finances, prix fiscal et prix du marché étant un artifice comptable. Au cours de 134 dinars un dollar, le déficit budgétaire est passé de 30,50 milliards de dollars en 2022 , à 46,04 milliards de dollars en 2024 et une prévision de 63,60 milliards de dollars pour 2025. Et la solutions face à ces tensions serait de puiser dans les réserves de change évaluées fin 2024 à 70 milliards de dollars et la facilité serait de recourir à une restriction non ciblée des importations accentuant les pénuries et donc l’inflation qui en 2023 a augmenté de 9% ou s’ajoute 5,2% entre octobre 2023 à septembre 2024 (source ONS), dans la mesure où le taux d’intégration entreprises publiques et privés en 2024 ne dépasse pas 15% ou encore au dérapage du dinar pour couvrir artificiellement une fraction du déficit budgétaire et à la planche à billets qui aurait un impact sur le processus inflationniste déjà élevé, menaçant la cohésion sociale. La baisse des cours aura forcément un impact sur l’accentuation de la distorsion du taux de change du dinar par rapport à celui du marché parallèle où le 04 mars 2025 le cours officiel de l’euro étant à 135,02 dinars pour l’achat et à 135,03 dinars pour la vente et celui du marché parallèle continuent l’euro s’échange à 250 dinars algériens à l’achat et grimpe à 252 dinars à la vente soit un écart de 86,66%
Aussi, avec une dépense prévisionnelle selon la loi de finances pour 2025 de 128 milliards de dollars, s’impose une planification stratégique, plus de rigueur, l’Etat devant donner l’exemple, et des stratégies d’adaptation où le poids dans les relations internationales doit reposer sur une économie performante, étant à l’aube d’une profonde reconfiguration du pouvoir économique mondial.
A.M.